Par H. Aysegul Karsli
Les Philippines sont un pays dont l’économie est ouverte, mais qui n’a pas connu une amélioration du niveau de vie [1]. De nombreuses lacunes économiques et sociales, la présence du système oligarchique ainsi que la dictature de Marcos ont été les obstacles majeurs à un développement soutenu. Dans un système capitaliste où l’État est rentier, malgré sa population et ses ressources importantes, les Philippines ont souffert d’un manque de plan de développement clair. Et son avenir, depuis la crise financière, demeure incertain.
Aux Philippines, les obstacles au développement ont été politiques. Les principaux détenteurs de capital sont les familles de la bourgeoisie foncière [2]. Les intérêts fonciers de ces derniers expliquent l’impossibilité des réformes agraires qui auraient été nécessaires à la reconversion de l’économie. L’industrialisation était contrôlée par les Américains, mais l’absence des réformes agraires et sociales empêchait le pays d’accéder efficacement au marché mondial.
1958 est une année charnière dans l’histoire politique des Philippines. Les discours populistes ont mené à l’adoption de la loi de nationalisation. Cette mesure a non seulement semé le doute aux États-Unis sur la perte du contrôle du pays, elle a aussi fait hésiter les investisseurs étrangers qui ne pouvaient plus savoir si leurs intérêts seraient protégés. La prise de pouvoir de Marcos peut être vue comme un moyen d’apaiser ces craintes puisqu’il était un des protégés des États-Unis.
Toutefois, malgré le fait que le régime de Marcos mettait en avant une politique de promotion des exportations, la rente étant captée par un petit groupe, le décollage n’eut pas lieu. De plus, la gouvernance despote et violente de Marcos (de 1965 à 1986) est marquée par les insurrections communistes et les soulèvements musulmans. D’autres entraves importantes au développement économique.
Ce n’est qu’au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Ramos en 1992 que le pays s’engage dans un processus de relance de l’économie [3]. Sa priorité est de réduire (voir faire disparaître) les affrontements politiques et sociaux qui font partie de la société philippine. Toutefois, l’État est faible et la richesse n’est pas redistribuée de façon équitable. De plus, mais la tourmente financière de 1997 rend cette tâche encore plus difficile.
Lorsque l’on compare les Philippines à l’Indonésie, à la Corée ou à la Thaïlande, plusieurs disent que les coûts de la crise financière de 1997 ont été relativement bas. Toutefois, il y a une solide raison derrière : la place minime occupée par les investisseurs étrangers a réduit les pertes de production, ce qui a empêché des troubles sociaux d’apparaître dus au chômage.
Aux Philippines le krach asiatique n’a pas rencontré de contestation politique. Cependant une chose est certaine; le pouvoir autoritaire a vu sa crédibilité se détériorer puisque la seule légitimité résidait dans les succès économiques [4]. À l’heure actuelle, l’économie agraire est la première source de devises aux Philippines et le vide dans le domaine industriel rend son économie très fragile et son avenir incertain.
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[1] Éric Bouteiller et Michel Fouquin, Le développement économique de l`Asie orinentale (Paris : Éditions La découverte, 2001)
[2] Jacques Mauduy, Asie de l`Est : émergence, convergence, concurrence? (Paris : Éditions Ellipses, 2005)
[3] Yves Gounin et Sébastien Vivier-Lirimont, La crise asiatique (Paris : presses universitaires de France, 1999)
[4] Jean-Luc Domenach, L`Asie en danger, (Paris : Librairie Arthème Fayard, 1998