Par Marianne Rindone
Entre 1975 et 2005, ce sont des millions de Vietnamiens qui migrent par bateau dans différents pays, fuyant des persécutions politiques. Une grande partie de ceux-ci se retrouvent dans des camps de réfugiés qui les redirigent vers le Canada. Par choix ou par la force des choses, le Canada va entreprendre diverses actions pour l’intégration des réfugiés. L’exode de masse a commencé en 1975, année où Saigon, capitale de la République du Vietnam, capitule sous le régime communiste et est réunifié avec le Vietnam du Nord, sous le nom de République socialiste du Vietnam en 1976. On met alors en place des systèmes de rééducation stricts qui vont jusqu’à l’emprisonnement des partisans de l’ancien régime démocratique. (Dam 2009, 2) Par représailles, un exode de masse du sud, phénomène du nom de « boat people », a donné naissance aux Việt Kiều, ces Vietnamiens vivant à l’extérieur du pays et fuyant le régime communiste.
Le Canada va, en 1975-1976, accueillir 6500 réfugiés vietnamiens et si une bonne partie de ceux-ci se retrouve dans la province de Québec, c’est que durant la Guerre d’Indochine française, plusieurs Vietnamiens étaient venus s’établir au Québec. Également, certains avaient une connaissance du français (à la différence de la deuxième vague de migration entre 1979-1981). (Bun et Dorais 1998, 286). L’expérience des boat people va offrir aux Việt Kiều une seconde vie dans un nouveau pays où plusieurs chercheront un point d’ancrage pour rattacher le Québec et le Vietnam. Mais comment expliquer l’attachement au Québec et les relations sociales des générations suivantes des boat people ? Et comment le Canada a agit-il pour favoriser l’intégration de ceux-ci ? De manière générale, c’est par une approche multiculturelle, fondée sur l’implication dans le pays d’accueil, mais où est conservée aussi l’importance des relations sociales et de la famille, que se fera l’intégration des boat people.
La réaction du Canada quant au phénomène des boat people vietnamiens a été très virale dans les médias : les réfugiés sud-vietnamiens cherchant refuge et sécurité étaient considérés par l’opinion publique comme victimes d’oppression d’urgence. En 1976, le gouvernement fédéral, par la Loi sur l’immigration, a mis sur place un programme de parrainage qui permit le parrainage privé de réfugiés (leur fournissant logement, aide avec emploi/études), mais aussi l’invitation de familles réfugiées dans le pays. (Hamilton Civic Museums s.d.) On inscrivit les enfants dans des classes d’accueil catholique et des centres d’intégration, notamment pour combler des postes d’emplois en demande. L’intégration au nouveau pays d’accueil se fit toutefois d’une manière différente d’un Việt Kiều à un autre, selon, entre autres, l’âge d’arrivée au Canada.
Les plus jeunes réfugiés ont davantage de capacités d’adaptation et d’intégration : moins de souvenirs d’appartenance au Vietnam et peut-être sont-ils moins rattachés au système confucéen vietnamien que la génération de leurs parents. Les familles élargies peuvent aussi être éloignées, ce qui peut avoir des répercussions sur l’intégration. En effet, le système de parenté est affecté par le phénomène des boat people, puisque dans la société vietnamienne confucéenne et patrilinéaire, on retrouve parfois jusqu’à quatre générations qui vivent sous le même toit, la collectivité étant fondamentale. (Bun et Dorais 1998, 288) Une tendance a d’ailleurs été remarquée lors d’une enquête sur des populations Việt Kiều à Hamilton, selon laquelle il y aurait une diminution des rapports sociaux et des visites en dehors de la famille nucléaire. (Bun et Dorais 1998, 293) Les réfugiés vietnamiens migrent rarement seuls, la primauté de la famille, du đại gia đình (la famille élargie) est au centre du système social de parenté. (Bun et Dorais, 293) Cependant, le concept de Maison est commun, peu importe le lieu d’habitation : ce concept habitable est fondé sur les relations sociales. La Maison est vue comme un état physique (on vit dans cette maison), un état national (la maison comme patrie), un état d’être (être avec sa famille) mais aussi un état émotif (le sentiment d’appartenance qu’on y rattache). (Dam 2009, 60-61) Dans la figure 2 ci-bas, on comprend que la Maison et la famille vont de pair.
Les Việt Kiều s’intègrent à la société canadienne en participant à l’économie et à la culture, et c’est vraiment avec l’obtention de la citoyenneté canadienne que l’on comprend tant les sacrifices des boat-people, que le sentiment d’appartenance à la communauté. (Dam 2009, 65) Les Việt Kiều préservent leur culture par l’engagement dans des organismes comme la Communauté vietnamienne au Canada (Communauté vietnamienne au Canada — Région de Montréal s.d), mais aussi par la nourriture, en ouvrant des restaurants vietnamiens où toute la famille travaille. Ce documentaire y fait référence. Les Việt Kiều s’intègrent à la société canadienne tout en préservant leur culture à l’extérieur du Vietnam, et c’est ce qui fait son caractère multiculturel particulier.
Bibliographie :
Mémoire
Dam, Huyen. 2009. « ’Becoming Vietnamese-Canadien: The Story of the Vietnamese Boat People in Hamilton ». Mémoire de M.A., McMaster University. https://macsphere.mcmaster.ca/handle/11375/9235
Article de journal
Bun, Chan Kwok et Louis Jacques, Dorais. 1998. « ’Family, Identity, and the Vietnamese Diaspora: The Quebec Experience. » Sojourn: Journal of Social Issues in Southeast Asia 13(2) :285-308. https://www.jstor.org/stable/41056991
Site Web
Communauté Vietnamienne au Canada — Région de Montréal. S.d. « Qui sommes-nous ? ». Communauté Vietnamienne au Canada — Région de Montréal. https://communautevietmontreal.com/histoire-de-la-communaute/
Hamilton Civic Museums. S.d. « Meet Jolie Phuong ». Hamilton Civic Museums.
https://hamiltoncivicmuseums.ca/exhibition/migration-and-belonging/meet-jolie-phuong/