L’implication vietnamienne dans l’ASEAN, un gain ou une perte ?

Par Lou Philippe

Cet article résume l’influence de la régionalisation sur le Vietnam, ainsi que son importance dans le développement économique de la zone à travers l’ASEAN. Nous pouvons nous poser la question suivante : comment l’ASEAN contribue-t-elle au développement politico-économique du Vietnam à travers le phénomène de régionalisation ? Pour cela nous devons voir qu’est-ce que l’ASEAN et comment le Vietnam y a pris une place prépondérante pour décider de sa tournure.

L’ASEAN correspond à l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est, cette organisation est créée à Bangkok en 1967 par l’Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande et Singapour (Granger, Caouette 2019, 23). Elle vise la discussion d’enjeux, l’agglomération des intérêts communs ainsi que la pacification des relations dans la zone en période de guerre froide (De Sacy 1999, 163). Briand et Mainguy expliquent que l’ASEAN vit dans les années 90 une période d’ouverture qui permet de rassembler tous les pays d’Asie du Sud-Est, dont Vietnam en 1995 (Briand, Mainguy 2001, 135). Elles ajoutent que l’ASEAN constitue une zone de libre-échange nommée Asean Free Trade Area (AFTA) (Briand, Mainguy 2001, 135).

Voici le symbole de l’ASEAN, soit dix tiges de riz resserrées en son sein, sans toutefois être maintenu par un lien. Le riz est choisi puisqu’il est commun à tous les états de la zone et aucun n’est attaché puisque l’association fonctionne sur le consensus (De Sacy 1999, 171).

Du côté vietnamien, son implication lui permet de pacifier ses relations avec les autres États de la zone. Effectivement, avec la guerre d’Indochine et du Vietnam, l’invasion du Cambodge et l’effondrement du bloc communiste, elle doit se tourner vers de nouveaux partenaires (Briand, Mainguy 2001, 138). Intégrer l’ASEAN lui permet donc de se réinsérer dans le commerce international et de se distancer de la Chine en trouvant un nouvel allié dans sa région (Briand, Mainguy 2001, 138). D’ailleurs, l’adhésion vietnamienne de 1995 semble cohérente pour les pays de l’association, puisqu’entre 1992 et 1998 le pays inscrit un taux de croissance de son PIB de plus de 8 %, la crise de 1997 a certes ralenti cela avant une reprise au début des années 2000 (Briand, Mainguy 2001, 139). Ainsi, le Vietnam a vu une opportunité d’ouverture économique de par son inclusion au système mondiale, mais aussi politique par l’acceptation de son régime, ainsi que sécuritaire avec le détachement chinois.

L’association constitue assurément une force pour Hanoi à ses débuts, puisque cela contribue à son rayonnement à l’international. Cette adhésion permet de trouver de nouveaux investissements directs étrangers (IDE) permettant de renflouer les caisses de l’État et de contribuer au développement global de l’État vietnamien (Briand, Mainguy 2001, 142). Cependant, le Vietnam à besoin d’investissement pour se développer, or, la zone de libre-échange peut gérer un détournement des flux commerciaux pour le Vietnam, puisqu’il possède un avantage comparatif assez éloigné de la moyenne mondiale, ainsi l’AFTA peut bénéficier moins au Vietnam qu’a ces voisins avec des revenus plus élevés (Briand, Mainguy 2001, 147). Ainsi, l’ASEAN avec l’AFTA peut présenter des limites au processus d’intégration régionale, toutefois le risque est à prendre au début pour justement amener à un bon développement du pays et de la zone, ceci reposant également sur l’aide de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud (Briand, Mainguy 2001, 147-8).

(©VNA)

L’ASEAN contribue au développement de l’économie vietnamien. Effectivement, la majorité des importations vietnamiennes proviennent de pays asiatiques et la part de ses exportations vers l’ASEAN est d’environ 20 % en fin 1990, elle contribue donc à l’économie régionale (Briand, Mainguy 2003, 166-7). Toutefois, cet élancement à l’international se raccroche à des priorités internes, soit préserver la stabilité politique et sociale, puisque la libéralisation et la crise asiatique peuvent engendrer des complications dues à une intégration mal contrôlée (Briand, Mainguy 2003, 180). Le gouvernement doit aussi prendre en compte à ses débuts la population rurale importante et assurer la demande croissante du marché du travail (Briand, Mainguy 2003, 180-1). Ainsi l’ouverture n’est pas la première préoccupation d’Hanoi, même s’il veut continuer de se tourner à l’international s’y affirmer et mieux défendre ses intérêts, renforcer sa légitimité et de trouver des alliés autres que la Chine (Briand, Mainguy 2003, 182). Toutefois, l’ASEAN possède elle-même des écueils : elle ne possède aucun pouvoir supranational, étant donné que les décisions sont prises par consensus tels que renvoie le symbole de l’ASEAN : dix tiges de riz resserré sans liens apparents (Briand, Mainguy 2003, 183). Par ailleurs, l’ASEAN manque d’intérêts communs et la stabilité politique de la région questionne cette association ce qui n’est pas le cas de l’AFTA, puisqu’elle n’a pas su développer de stratégie pour contrer la crise asiatique (Briand, Mainguy 2003, 184). Concernant le Vietnam, sa participation au libre-échange créer une certaine inégalité puisque le coût de sa main-d’œuvre est plus faible au Vietnam que dans d’autres pays, ce qui mène à des délocalisations et à l’interne ce qui créer une inégalité de villes campagnes (Briand, Mainguy 2003, 187-8).

Ainsi, l’implication vietnamienne dans l’ASEAN lui assure de nouveaux partenariats économiques et assure sa sécurité à travers de nouveaux alliés face à la Chine. Toutefois, cela oscille entre avantage et désavantage à ses débuts, ce qui questionne son implication dans l’organisation, avant de devenir un des pays les plus forts de l’organisation de la région.

Bibliographie:

Briand, Virginie, Mainguy, Claire. « Le processus de régionalisation au sein de l’ASEAN : les enjeux pour les nouveaux membres – le cas du Vietnam ». Mondes en développement 3-4, 115-116 (2001) : 135-150.

De Sacy, Alain S. L’Asie du Sud-Est : L’unification à l’épreuve. Paris : Vuibert, 1999.

Granger, Serge, Caouette, Dominique. L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2019.

Hugon, Philippe, Géronimi, Vincent, Mayeyenda, Abel, Briand, Virginie, Blanc, Marie-Odile, Mainguy, Claire, Léon, Alain et al. Les économies en développement à l’heure de la régionalisation. Paris : Karthala, 2003.

 

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