Le développement de l’identité nationale au Vietnam par l’éducation physique et les organisations scouts

Par Débora yi

Dans un pays confucianiste comme le Vietnam, l’humilité du corps et l’importance de la collectivité étaient enseignées. Donc, l’éducation physique qui se concentre sur l’individu n’était pas encouragée. De plus, dans cette culture confucianiste, les filles qui faisaient des exercices du corps en public était une chose considérée comme scandaleuse.

Cours d'éducation physique au Vietnam moderne

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La pratique du sport en tant que telle était mal vue, puisque les mouvements du corps en public étaient interprétés comme le signe d’une mauvaise éducation. En effet, l’idéal du lettré confucéen était un homme sérieux, un athlète de l’esprit au cerveau « musclé », comme Nguyên Van Vinh l’a mentionné plusieurs fois dans le journal l’Annam Nouveau. L’exercice physique était placé au même niveau que les travaux manuels, réservés aux militaires[1].

 

L’éducation physique et le patriotisme vietnamien

Une séance d'éducation physique

Une séance d’éducation physique au Vietnam http://learning.asean.org/

En fait, les Vietnamiens ont une grande capacité physique et il y avait avant la colonisation française de nombreuses activités sportives dans la culture du Vietnam, telles que la lutte traditionnelle et les jeux sportifs lors des fêtes villageoises. Il y avait aussi des écoles d’arts martiaux, dont les pratiques faisaient partie du programme des concours militaires, avant leur abolition par la colonisation. Suite à l’arrivée des Français, les Vietnamiens ont été critiqués pour leur petite taille en comparaison aux Européens. Ainsi, le journal La Tribune indigène a publié des articles promouvant l’éducation physique et le patriotisme entre les années 1918 et 1922, afin de vaincre cette humiliation. Alors, l’éducation physique a commencé à être vue comme une arme, un instrument pour reconstituer le peuple du Vietnam. La pratique des sports est donc devenue un outil de « régénération », une réappropriation individuelle et nationale[2].

 

La première école d’éducation physique de l’Indochine

La première école d’éducation physique de l’Indochine a été fondée à Hanoï en 1919 par Nguyên Qui Toan et Trinh Van Hoi, dans le but de retrouver la confiance en soi des Vietnamiens. Ces deux personnages ont éliminé les tabous sur le corps, tout en propageant une propagande nationaliste sur les sports, qui affirmait que « l’éducation physique est une marque d’une civilisation supérieure. », car elle était pratiquée en France. Selon Tran Huy Lieu, un journaliste nationaliste :

« On est au-dessus de nous ; on nous efface ; on nous opprime ; on est plus fort que nous. Tout cela parce qu’au physique on est plus fort que nous […]. Si notre peuple est un peuple faible, nous paraissons vaincus devant les vainqueurs […]. Mais si nous savions sentir l’humiliation, si nous savions nous réveiller pour lutter, que serions-nous sans faire état de la force physique, et sur qui compterions-nous sans faire appel à nos jeunes étudiants ? Il est donc indispensable d’enseigner des exercices physiques à nos élèves.[3]»

Bref, l’éducation physique qui était taboue dans le confucianisme est devenue un outil pour le développement d’une identité nationale au Vietnam.

 

Le scoutisme vietnamien

Scouts vietnamiens

Scouts vietnamiens https://www.awm.gov.au/collection/C323056

D’autre part, le scoutisme vietnamien s’est développé dans les années 1930; une section de boy-scouts a été créée à l’école d’éducation physique d’Hanoï2. Par le scoutisme, il était possible pour les autorités coloniales d’encadrer les jeunes vietnamiens lors de cette période remplie de crises nationalistes. Cependant, les troupes scoutes ont plutôt été avantageuses pour les dirigeants révolutionnaires du Vietnam, malgré la propagande de l’administration Decoux de « valoriser » la communauté indochinoise,[4] c’est-à-dire leur donner un groupe d’appartenance. Étant donné que les jeunes étaient formés par des règles strictes de discipline et de morale, que l’obéissance, la solidarité, la bravoure et la débrouillardise étaient valorisées et que des connaissances de la géographie leur étaient enseignées, les scouts recrutaient en quelque sorte des futurs soldats pour servir la patrie. D’ailleurs, le Parti communiste de l’Indochine a affirmé qu’une mobilisation de la jeunesse scoute était nécessaire avant la révolution de 1945.

De plus, Ho Chi Minh est devenu le chef d’honneur de l’association scoute vietnamienne en 1946. Selon lui, le scoutisme est une organisation appropriée pour le mouvement d’indépendance vietnamien[5]. Puis, par la suite à l’indépendance formelle du Vietnam en 1945, les scouts vietnamiens ont participé à la mise en ordre des manifestations[6]. Donc, le scoutisme a formé les jeunes vietnamiens à devenir des militants pour l’indépendance du Vietnam, tout en cultivant leur sentiment d’appartenance à leur patrie.

       

[1]Larcher-Goscha, Agathe. 2003.

[2]Larcher-Goscha, Agathe. 2003.

[3]Larcher-Goscha, Agathe. 2003.

[4] Denis, Daniel et Agathe Larcher-Goscha. 2003.

[5]Larcher-Goscha, Agathe. 2003.

[6] Denis, Daniel et Agathe Larcher-Goscha. 2003.

 

Bibliographie

Denis, Daniel et Agathe Larcher-Goscha. (2003). « Une adolescence indochinoise », De    l’Indochine à l’Algérie. La    jeunesse en mouvements des deux côtés du miroircolonial, 1940-1962. Paris, La Découverte, 32-53. https://www.cairn.info/de-l-indochine-a-l-algerie–9782707140074-page-32.htm

Larcher-Goscha, Agathe. (2003). « Sports, colonialisme et identités nationales : premières approches du « corps à corps colonial » en Indochine (1918-1945) ». De l’Indochine à l’Algérie: La jeunesse en mouvements des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962, Paris: La Découverte, 13-31. https://www.cairn.info/de-l-indochine-a-l-algerie–9782707140074-page-13.htm

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