Par Lou Philippe
Cet article traite des revendications territoriales vietnamiennes en mer de Chine méridionale et les dissensions que cela amène dans la région. Elles sont nécessaires puisqu’elles permettent au Vietnam de garder une place géostratégique dans la région. Mais donc d’où viennent-elles, de quand datent-elles, et comment le Vietnam peut-il faire entendre sa position ? Notre thèse est alors que le Vietnam revendique ces îles pour les inscrire de yure dans son territoire malgré les litiges régionaux et par extension, pour des raisons économiques.
Le Vietnam est une puissance régionale de la région de l’Asie du Sud-Est et porte des revendications territoriales en mer de Chine méridionale sur les îles Spratleys et Paracels. Un des îlots constituant l’atoll des Spratleys, ici bétonné par le Vietnam. Lors de la passation de pouvoirs entre la France et le Vietnam du Sud, Nguyen explique que la Chine développa des revendications sur les îles Paracels et Spratleys, ce qui marque le début du contentieux. De son côté, le Vietnam affirme sa souveraineté sur les îles Spratleys et Paracels lorsque la déclaration vietnamienne ne reçoit aucune objection le 7 septembre 1951 pendant la Conférence de paix de San Francisco (Nguyen 2018, 253). Ainsi, au prisme du droit international, la déclaration vietnamienne, et la non-objection des autres états en puissance délèguent au Vietnam de yure ces îles. Cependant la Chine prend possession d’une partie des Spratleys en 1956, le Vietnam répond par le décret n° 143/NV du 22 octobre 1956, qui permet de rattacher l’archipel à la province de Phuoc-tuy (Nguyen 2018, 256). Les dissensions sino-vietnamiennes se corsent alors, car les deux îlots sont situés à des points stratégiques et possèdent de nombreuses ressources (Nguyen 2018, 258). La Chine annonce le 25 février 1992 de nouvelle disposition dans la zone via une loi sur ses « eaux territoriales et aux zones contiguës en phase avec la convention de 1982 », soutenant ainsi sa souveraineté totale sur les deux îlots (Nguyen 2018, 277). Ces dispositions sont légales selon la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, même si son entrée en vigueur s’acte seulement le 16 novembre 1994.
Le Vietnam continue son opposition pour les îles Paracels contre la Chine, de même que celle concernant les îles Spratleys, auxquelles se sont ajoutés les Philippines, la Malaisie et le Brunei. Les revendications territoriales face aux autres pays ne présentent pas excessivement de souci au Vietnam puisqu’il doit juste continuer à s’y opposer. À l’inverse, le cas des îles Paracels est un combat plus rude à mener étant donné que la Chine est la seule à lui faire face, tout en étant son premier partenaire économique.
Selon Nathalie Fau, les relations de ces deux états alternent entre incidents diplomatiques et période de calme (Fau 2015, 40). Outre ces alternances, qu’est-ce qui pousse le Vietnam à continuer ? Les intérêts économiques rythment ces contestations, car cela agrandit la ZEE vietnamienne pour le transport maritime, agrandit sa zone de pêche et l’accès aux hydrocarbures. Fau souligne l’importance des ressources halieutiques, puisque la pêche constitue 7 % du PNB et renvoie à plus de 4,5 millions d’emplois (Fau 2015, 41). Les pêcheurs constituent donc un biais géostratégique d’affirmation de la ZEE vietnamienne, car, en pêchant dans la haute-mer, il revendique le territoire (Fau 2015, 43).
La présence d’hydrocarbures dans ses sols est un second facteur fort qui appuie ses revendications territoriales. En 2013, Hanoi devient le troisième plus grand producteur d’Asie du Sud-Est dans le secteur pétrolier et des gaz naturels et Pékin freine l’agrandissement de ses exploitations malgré une demande énergétique intérieure d’environ 6 % par an (Fau 2015, 44). Pour protéger ses ressources et ses zones, le Vietnam doit donc se doter d’une marine expérimentée et forte. Il multiplie ses coopérations militaires sans toutefois apposer le sceau d’alliance à ses échanges. Il se rapproche de certains pays asiatiques, surtout de l’Europe et des États-Unis pour parvenir à ses fins (Fau 2015, 48). L’amélioration de sa flotte sert à contrer les actions des autres États revendicateurs et de la Chine, néanmoins, il ne veut pas brusquer son premier partenaire économique en s’associant à d’autres puissances comme le Japon, l’Inde ou les États-Unis (Fau 2015, 48). Le Vietnam se donne un rôle fort vis-à-vis des îles Spratleys et Paracels puisqu’elles sont rattachées au nationalisme vietnamien. Ainsi, malgré la présence militaire chinoise, le Vietnam continue ses revendications (Fau 2015, 50). Fau finit par éclairer la volonté d’Hanoi d’internationaliser ce conflit pour en changer sa nature (Fau 2015, 54). La stratégie vietnamienne s’articule alors ainsi : porter sur la scène internationale ses plaintes avec les autres plaignants, gagner des alliées proches qui ne sont pas impliquées dans ce conflit territorial, favoriser le développement de zones conjointes et la constitution d’un front commun contre la Chine (Fau 2015, 54). Le Vietnam se « rebelle » alors, puisqu’elle ne veut pas froisser la Chine mais paradoxalement œuvre pour une opposition farouche (Fau 2015, 54).
Ainsi, du point de vue du droit international, le Vietnam devrait être le détenteur de ses espaces étant donné qu’il est le premier à acter cela au niveau international, mais la perpétuelle revendication de ses voisins rend ces appositions caduques. Toutefois, le Vietnam continue puisque les bénéfices à la clé sont conséquents.
Bibliographie:
Nguyen, Thi Hanh. Les conflits frontaliers sino-vietnamiens de 1885 à nos jours. Paris : Demopolis, 2018.
Fau, Nathalie. « La maritimisation de l’économie vietnamienne : un facteur exacerbant les conflits entre les Viêt Nam et la Chine en mer de Chine méridionale ? ». Hérodote 2, 157 (2015) : 39-55.
Le Marin. « Mer de Chine méridionale : le Vietnam bétonne aussi. », 21 novembre, 2016. https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/defense/26898-le-vietnam-agrandiune-piste-datterrissage-aux-spratleys.