L’indépendance vietnamienne, un mélange d’anticolonialisme et de nationalisme qui mène à un long processus de reconnaissance.

Par Lou Philippe

Jour de la réunification vietnamienne (©Nhu Mai, 2015)

Dans cet article, nous présenterons l’influence du communisme sur le développement de l’anticolonialisme jusqu’au nationalisme vietnamien. Cela s’observe à travers le rôle crucial joué par les colons français et l’acteur clé qu’est Ho Chi Minh. La thèse principale de cet article vise à fournir une explication sur le développement de l’appartenance vietnamienne à travers deux axes majeurs, le communisme et le pouvoir colonial français.

La propagation du marxisme et l’accentuation de la présence d’Ho Chi Minh sur la scène internationale intensifient le sentiment révolutionnaire Annam. Effectivement, Lénine et la révolution bolchevique ont retenti en Europe dans de nombreuses grandes villes, lorsque des étudiants sud-asiatiques s’instruisent dans la région. Céline Marangé explique qu’Ho n’était alors qu’un travailleur vietnamien, côtoyant les cercles socialistes tout en découvrant les œuvres de Lénine et de Marx (Marangé 2012, 49). S’ajoute à ceci un militantisme fort, il se rend à Versailles pour prôner l’autodétermination de son peuple inspiré des quatorze points de Woodrow Wilson. En décembre 1920 Ho prend définitivement position auprès des communistes lors du Congrès de la SFIO à Tours où il dénonce la domination coloniale des grandes puissances (Marangé 2012, 52). Quelques années plus tard, Ho Chi Minh développe en 1925 un regroupement politique à Canton, le Thanh Niên, qui a pour but de développer l’activité communiste et s’opposer aux coloniaux (Marangé 2012, 69). Mais qu’avait donc en tête Ho Chi Minh en créant cette organisation ? Il avait pour but d’organiser des actes politiques puis terroristes, pour entraîner le renversement du pouvoir colonial grâce à une insurrection vietnamienne (Marangé 2012, 69). Cette organisation laissa ensuite place à d’autres partis communistes indochinois puis vietnamiens. Ho Chi Minh et les militants qui partageaient ses idées ont continué à se battre, avant de vivre une insurrection symbolique en février 1930 (Marangé 2012, 90). Cinq officiers français perdirent la vie le 9 février, ce qui entraîne une forte répression additionnée à l’arrestation de plus de deux mille sympathisants du parti indépendantiste vietnamien, 16 révolutionnaires nationalistes sont exécutés (Marangé 2012, 90). Cette insurrection et forte répression toucha le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine, entraînant des grèves ouvrières et des révoltes paysannes, contribuant de ce fait au mouvement (Marangé 2012, 94).

Ho Chi Minh au Congrès de la SFIO à Tours, le 26 décembre 1920. (©Marangé 2012, 52).

De ce fait, Ho a participé à l’essor de la conscience vietnamienne et de son identité. Les groupes, les conférences et les différentes associations auxquelles il a pris part ont permis de développer d’abord la conscience du peuple Annam puis plus largement celle du Tonkin et de la Cochinchine avant de fonder celle du Vietnam dans son unité. Pour certains chercheurs, ces peuples avaient une conscience respective de leur groupe sans nécessairement avoir une unité nationale vietnamienne, mais c’est bien au début du XXème siècle que cette unité nationale s’affirme pour s’opposer au pouvoir colonial français.

De son côté, Pierre-Richard Féray affirme que la colonisation française a constitué une étape importante dans la constitution du nationalisme vietnamien. Mais pourquoi cela ? Parce que la puissance coloniale française, malgré le gouffre financier qu’a été pour elle cette conquête, a amené des évolutions en Indochine (Féray 2001, 40). La France a lancé une révolution dans le système agraire de la région, mais également démographique en désengorgeant les « grandes villes », ce qui mène au développement des classes sociales (Féray 2001, 40). Féray présente une autre figure de la pensée vietnamienne d’après-guerre, PhanHo Chi Minh au Congrès de la SFIO à Tours, le 26 décembre 1920. (Marangé 2012, 52). Chu-Trinh. Cette figure prônait de son côté une autre forme de colonialisme qui ressemble à une demande progressive d’autonomie avant le retrait final des forces coloniales françaises. Il était pour la présence française mais seulement si ces derniers travaillent main dans la main avec le peuple vietnamien pour réformer le système et développer des infrastructures. Ce courant appuie la mise en place d’un système démocratique pour moderniser le pays, cette idée fut relayé par le mouvement « Jeune Annam » (Féray 2001, 46). Toutefois, la mort de Phan-Chu-Trinh mit fin à cette idée, le peuple Annam, Tonkinois et Cochinchinois se tournant vers le communisme (Féray 2001, 47).

Ainsi, un autre courant plus réformiste a vu le jour mais s’éteignit vite au profit du communisme et de la figure qu’est Ho Chi Minh pour libérer, non plus seulement ces peuples éparses de la région, mais bien le peuple vietnamien. En septembre 1945, Ho Chi Minh déclare l’indépendance du Vietnam avec pour gouvernement la République Démocratique du Vietnam. Malgré cette déclaration, la France est contre cela et va s’y opposer ce qui mène à la première guerre Indochinoise (1946-1954), et après le retrait des troupes français la guerre du Vietnam (1955-1975). Finalement, ces guerres montrent l’ingérence de l’ancienne puissance coloniale mais aussi des États-Unis à travers cette guerre par proxy. Ainsi, l’expression indépendantiste vietnamienne s’est bel et bien construite au fil du temps, à travers le déploiement de l’idéologie communiste pour être appropriée de nouveau par les nationalistes, non plus Annam, Tonkinois ou bien Cochinchinois, mais bien Vietnamien. Le communisme fut un biais d’union pour cette volonté anticoloniale qui existait depuis des siècles, du fait de l’occupation chinoise puis française. L’indépendance du Vietnam fut alors longue, coûteuse et difficile, entre éloignement coloniale et affirmation identitaire à travers ces deux guerres emblématiques.

Bibliographie :

Féray, Pierre-Richard. Le Viêt-Nam (des origines lointaines à nos jours). Paris : Presses Universitaires de France, 2001.

France Terme. « Guerre par procuration », 11 décembre, 2020. https://www.culture.fr/franceterme/terme/DEFE924#:~:text=D%C3%A9finition,%C3%A9tatique%2C%20engag%C3%A9%20sur%20le%20terrain.

Le Monde diplomatique. « Le communisme ». https://www.mondediplomatique.fr/index/sujet/communisme.

Le Monde diplomatique. « Marxisme ». https://www.mondediplomatique.fr/index/sujet/marxisme.

Marangé, Céline. Le communisme vietnamien. Paris : Presses de Sciences Po, 2012.

Nhu Mai, Nguyên Dac. « Le Vietnam enfin la réunification » Le Courrier du Vietnam, 29 avril, 2015. https://lecourrier.vn/le-vietnam-enfin-la-reunification/177548.html.

Bookmark the permalink.

Comments are closed.