Timor-Oriental : Un horizon démocratique prometteur ou fragile ?

Par Kessy Clark

Situé dans la région d’Asie du Sud-Est, le Timor-Oriental, également connu sous le nom du Timor-Leste, a émergé comme un État indépendant relativement récent. À l’obtention de son indépendance en 2002, le Timor-Oriental est l’un des pays les plus pauvres au monde avec un PIB nominal par habitant de 366 dollars américains (Kingsbury 2007, 364). Les conditions socio-économiques défavorables, associées à la division de l’élite politique timoraise, ont entraîné des tendances autoritaires au sein du gouvernement (Kingsbury 2007, 364). Aidé par la communauté internationale, le Timor-Oriental s’est toutefois rapidement lancé dans un processus de démocratisation : adoption d’un régime semi-présidentiel, élections libres, institutions démocratiques… Quels ont donc été les facteurs qui ont façonné le processus de démocratisation au Timor-Oriental ? De nos jours, l’État présente-t-il un horizon démocratique prometteur ou vulnérable ?

Les racines de la démocratie au Timor-Oriental

Après des années de domination coloniale portugaise et une période sombre d’occupation indonésienne, le Timor-Oriental décide de devenir indépendant suite au référendum du 30 août 1999 (Beauman 2016, 2). Face à la situation humanitaire, économique et politique alarmante de l’État, l’Organisation des Nations Unies établit l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor-Oriental (ATNUTO) à travers la résolution 1272 du Conseil de Sécurité. La mission de l’ATNUTO ne se limite pas seulement à faciliter la transition vers l’indépendance, mais elle inclut également la mise en place d’institutions politiques conformes aux exigences idéologiques — autrement dit démocratiques — de la communauté internationale (Beauman 2016, 6). Elle englobe des aspects tels que les systèmes électoraux, le judiciaire, la police, etc. (Beauman 2016, 6). De plus, cette administration participe activement à l’édification de la Constitution timoraise, posant ainsi les bases solides d’un régime démocratique (Feijó 2016, 138). Après l’indépendance du pays en 2002, l’ONU persiste dans la mise en œuvre de missions déterminantes pour la démocratisation du Timor-Oriental, telles que UNMISET, UNOTIL, UNMIT, etc. Ces dernières ont essentiellement élaboré des aspects liés aux élections, à l’administration, à la sécurité, et contribué au renforcement des institutions démocratiques au sein de l’État (ONU 2006). Il est donc indéniable que l’intervention de l’ONU a joué un rôle significatif dans la consolidation de la démocratie et de la stabilité politique dans le Timor-Oriental.

(©ANFREL)

Une démocratie durable ?

Cette démocratie, héritée de l’ONU, est-elle toutefois durable ? La pérennité de la démocratie dépend de divers facteurs, dont la stabilité politique, la participation citoyenne et la protection des droits de l’homme (Munck 2012, 11-14). La Constitution timoraise, adoptée le 22 mars 2002, a instauré un système présidentiel partageant le pouvoir exécutif entre le président et le Premier ministre. Bien qu’au lendemain de l’indépendance du pays, la division politique entre les deux têtes de l’exécutif ait provoqué des blocages démocratiques, depuis 2013 un rapprochement entre les élites politiques favorise les progrès démocratiques et la stabilité politique au sein du Timor-Oriental (Leach 2016, 206). Aujourd’hui, le jeune État continue à maintenir une démocratie d’une surprenante durabilité. Cela s’illustre particulièrement à travers les récentes élections présidentielles de 2022 et parlementaires de 2023, qui se sont déroulées de manière pacifique, authentique et transparente (ANFREL 2023). Depuis la création de la Nation, le niveau de participation citoyenne a atteint une moyenne remarquable de 78 % (Bermeo 2022, 163). Dans cet aspect, le Timor-Oriental se démarque de plusieurs de ses voisins asiatiques et égalise même le taux de participation électorale de démocraties plus riches comme l’Allemagne et la Norvège (Bermeo 2022, 163). En ce qui concerne la protection des droits de l’homme, l’État insulaire s’établit également comme la plus puissante démocratie en Asie du Sud-Est. L’indice de liberté mondiale, proposé par Freedom House, évalue l’accès des personnes aux droits politiques et aux libertés civiles au sein d’un pays sur une échelle de 100. En se basant sur cet indice, le Timor-Oriental se distingue avec un score relativement élevé de 72, le catégorisant ainsi comme État libre (Freedom House 2023). En contraste, les autres pays d’Asie du Sud-Est présentent des scores faibles : 13 au Laos, 19 au Vietnam, 30 en Thaïlande, 47 à Singapour, etc. (Freedom House 2023)

(©R. Purnamasari)

Les défis contemporains du Timor-Oriental

Cependant, malgré ses succès démocratiques, le Timor-Oriental demeure le pays le plus pauvre en Asie du Sud-Est, confronté à un accès limité à plusieurs ressources fondamentales telles que la nourriture, l’eau potable, l’éducation, etc. (Programme Alimentaire Mondiale 2022). Sa principale vulnérabilité réside dans le manque de diversification de son économie, entraînant une dépendance excessive du pays sur ses ressources pétrolières, le rendant ainsi vulnérable « aux variations des prix mondiaux du pétrole » et à l’épuisement de ces ressources (ONU 2019, 24).

Aujourd’hui, par le succès de ses élections et son engagement indéfectible envers les principes démocratiques, le Timor-Oriental démontre qu’il figure parmi les États démocratiques les plus stables en Asie du Sud-Est. L’avenir démocratique du jeune État s’avère prometteur. Toutefois, certains problèmes subsistent. Le pays doit s’affranchir de la pauvreté grandissante de sa population et diversifier l’économie nationale encore trop dépendante du pétrole. Si le gouvernement timorais arrive à résoudre ces lacunes, pourrait-on considérer le Timor-Oriental comme le meilleur modèle de démocratisation en Asie du Sud-Est ?

Bibliographie :

Asian Network for Free Elections. 2023. « 2023 Timor Leste Parliamentary Elections: Celebrating Independence through Genuine Elections ». ANFREL International Election Observation Mission Report. https://anfrel.org/2023-timor-leste-parliamentary-elections-celebrating-independence-through-genuine-elections/

Beuman, Lydia. Political Institutions in East Timor: Semi-Presidentialism and Democratisation. Routledge Contemporary Southeast Asia Series, 79. Abingdon, Oxon: Routledge, 2016. https://doi.org/10.4324/9781315668772.

Bermeo, Nancy. 2022. « The Puzzle of Timor-Leste ». Dans Democracy in Hard Places. Sous la direction de Scott Mainwaring et Tarek Masoud, 160-187.Oxford Univesity Press.

Feijó, Rui Graça. Dynamics of Democracy in Timor-Leste: The Birth of a Democratic Nation, 1999-2012. Amsterdam University Press, 2016. http://www.jstor.org/stable/j.ctt1d8hb4r

Freedom House. 2023. Freedom in the World. https://freedomhouse.org/countries/freedom-world/scores

Kingsbury, Damien. 2007. « Timor-Leste: The Harsh Reality After Independence ». Southeast Asian Affairs, 2007: 361-377. https://muse.jhu.edu/article/400112/pdf

Leach, Michael. Nation-Building and National Identity in Timor-Leste. Londres : Routledge, 2016.

Munck, Gerardo L. 2012. « The Origins and Durability of Democracy ». Dans Routledge Handbook of Latin American Politics. Sous la direction de Peter Kingstone et Deborah J. Yashar, 3-20. Londres : Routledge.

Organisation des Nations Unies. 2006. « United Nations Mission of Support in East Timor ». Organisation des Nations Unies. https://peacekeeping.un.org/mission/past/unmiset/background.html

Organisation des Nations Unies. 2019. « Common Country Analysis: Timor-Leste ». Common Country Analysis. New York: Organisation des Nations Unies. https://minio.uninfo.org/uninfo-production-main/ad5792a7-6ce7-43d6-b44a-85b04868bed9_Timor-Leste_CCA_2020.pdf

Programme alimentaire mondiale, Conseil d’administration, 3 octobre 2022.« Timor-Leste Country Strategic Plan (2023-2025) ». Country Strategic Plan. https://executiveboard.wfp.org/document_download/WFP-0000142941?_ga=2.65348718.1908622355.1697649160-1082179216.1697649160

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés