Indonésie : La situation des droits LGBTQIA+

Par Guilhem Charf

Le 6 décembre 2022, le Parlement indonésien adopte un nouveau code pénal. Il contient des provisions contraires au droit international et s’avère être discriminatoire envers les minorités et en particulier la communauté LGBTQIA+ (Human Rights Watch, 2018). Bien que l’homosexualité ne soit pas criminalisée en Indonésie, cela amène à réfléchir à la condition des droits de cette communauté.

Des militants LGBTQIA+ se rassemblent contre un projet de révision du code pénal indonésien qui criminaliserait les relations sexuelles non mariées et homosexuelles à Jakarta, en Indonésie, le 12 février 2018. Alors que la manifestation a eu lieu l’année dernière, la manifestation était contre le même projet de code pénal. (© Tatan Syuflana/ Associated Press File )

Contexte social et opinion publique :

Les questions d’orientations sexuelles et de genre sont enclines à une forte intolérance dans le pays. Ces communautés sont discriminées et ostracisées. Le rejet qu’iels subissent prend racine dans la société fortement empreinte d’homophobie. Considérés comme « contraire à la religion, la nature et les valeurs de la société indonésienne ». Par exemple, en 2022, environ 91 % de la population indonésienne ne considérait pas l’homosexualité comme justifiable. À travers ces chiffres, on relève le conservatisme enraciné dans tous les domaines (Roquel, 2022). Bien que le lien entre la religion et l’homophobie soit complexe, l’islam, religion majoritaire à environ 88 %, a beaucoup influencé la perception de l’homosexualité et des questions de genre. Depuis plusieurs années, les organisations musulmanes, telles que le Front des défenseurs de l’Islam (FPI), ouAILA, se développent et se radicalisent ce qui entraîne des attitudes discriminantes envers les personnes LGBTQIA+ (Wieringa, 2019).

Cadre légal indonésien :

Les droits des personnes LGBTQIA+ en Indonésie sont très limités et ne respectent pas les normes du droit international des droits humains comme celles contenues dans le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques. L’homosexualité ne constitue pas un crime en Indonésie, ou en tout cas pas encore, à une exception. Dans la Province d’Aceh, qui profite d’une autonomie face au gouvernement central indonésien, le système juridique de Charia est en place. Dans ce système, c’est le droit canon qui s’applique et pénalise l’homosexualité, les relations sexuelles de personnes de même sexe, etc. (Human Rights Watch, 2016). Ces actes peuvent être punis de manière très violente par flagellation ou de lourdes peines de prison (Amnesty International, 2022).

Le système juridique indonésien est issu de trois traditions juridiques : l’héritage du droit colonial, le droit coutumier et canon islamique (Putri, Fuadi et Susila, 2023). Elles ne contiennent pas les dispositions les plus progressives sur la question des droits LGBTQIA+, et ne laissent pas beaucoup d’espace à l’évolution, sauf le droit coutumier qui s’adapte aux mœurs de la société au fil du temps, mais qui, comme nous l’avons vu, n’est pas favorable à de telles évolutions. Dans le reste de l’Indonésie, l’homosexualité est illégale au sein de l’armée, tout comme l’adoption par les couples de même sexe. De plus, aucune protection contre les discriminations aux logements et à l’emploi n’est prévue (Equaldex, 2022). La liberté d’expression est très restreinte pour ces groupes (Roquel, 2022), et quand elle se manifeste, la répression est violente. De nombreuses arrestations arbitraires se sont produites à leur encontre dans les dernières années. Ensuite, les thérapies de conversion sont légales, et même encouragées par certains membres du Parlement, essayant de faire adopter, sans succès, un projet de loi qui aurait obligé les LGBTQIA+ à suivre un traitement pour « guérir » leur orientation sexuelle ou leur identité de genre (Lang, 2020). Les personnes non-binaires ne bénéficient d’aucune reconnaissance légale (Equaldex, 2022). Enfin, les lois anti-prostitutions sont souvent interprétées afin de restreindre les droits des personnes LGBTQIA+ (Hodal, 2011).

Des manifestants brandissent des banderoles anti-LGBT à Banda Aceh le 27 décembre 2017. (© CHAIDEER MAHYUDDIN/AFP/Getty)

Le nouveau Code criminel, entré en vigueur le 6 décembre, pose de sérieux problèmes en termes de droit humains. Il criminalise, entre autres, toute relation sexuelle ou cohabitation hors mariage. Bien que cette loi s’applique à l’ensemble de la population, elle touche d’autant plus les personnes homosexuelles, lesbiennes et autres orientations sexuelles, pour lesquelles le mariage n’est pas légal. Ainsi, les relations sexuelles et la cohabitation de ces personnes sont indirectement illégales et les tribunaux peuvent les condamner respectivement jusqu’à 6 et 12 mois de prison. L’art.2 du code reconnaît l’existence de tout droit vivant, qui pourrait être interprété pour inclure le droit criminel coutumier et les dispositions de la Charia au niveau local qui pourraient être utilisées pour poursuivre des personnes en vertu de ces réglementations discriminatoires (Human Rights Watch, 2018).

Une communauté persécutée :

Ce contexte socio-légal ouvre la porte à de nombreuses persécutions et discriminations. Les personnes faisant partie de la communauté LGBTQIA+ sont victimes de violentes répressions tant par des membres de la société, des organisations religieuses que par l’État. Au cours de l’année 2017, 973 personnes ont été victimes de stigmatisation, discrimination et de violence fondées sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre (Sarbini et Zakiah, 2017). Que ce soient les coups de fouets comme condamnation (Jeannet, 2016), les agression de rue (Roquel, 2022), les fausses informations préjudiciables sur le VIH (Roquel, 2022), etc. Les personnes LGBTQIA+ sont persécutées, ce qui entraîne des sentiments d’insécurité profonde et parfois conduisent au suicide (Hodal, 2011).

La situation des personnes LGBTQIA+ est grave en Indonésie. Bien que les mouvements de contestations existent, ils restent très minoritaires et discrets ce qui garantit leur sécurité. De plus, les libertés d’expression sont très restreintes en particulier pour la communauté. L’adoption très récente du code criminel n’indique rien de prometteur pour le futur de la communauté LGBTQIA+ en Indonésie.

Bibliographie :

Amnesty International France. 2022. « Indonésie : tout ce qu’il faut savoir sur les droits humains ». [s.d.]. https://www.amnesty.fr/pays/indonesie

Boellstorff, Tom. «The emergence of political homophobia in Indonesia: masculinity and national belonging». Journal of Anthropology 69, no 4 (2006): 465-486. https://doi.org/10.1080/0014184042000302308.

Equaldex. 2022. « LGBT Rights in Indonesia ». Equaldex. https://www.equaldex.com/region/indonesia

Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1976. https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-civil-and-political-rights

Hodal, Kate. 2011. « Indonesia’s transgender couples surrounded by fear and persecution ». The Guardian, 16 octobre. https://www.theguardian.com/world/2011/oct/16/indonesia-transgender-couples-persecution

Human Rights Watch. 2016. « “These Political Games Ruin Our Lives” Indonesia’s LGBT Community Under Threat ». https://www.hrw.org/report/2016/08/11/these-political-games-ruin-our-lives/indonesias-lgbt-community-under-threat

Human Rights Watch. 2018. « Indonesia: New Criminal Code Disastrous for Rights ». Human Rights Watch, 8 décembre. https://www.hrw.org/news/2022/12/08/indonesia-new-criminal-code-disastrous-rights

Jeannet, Julie. « Indonésie : Sursauts Homophobes». Magazine Amnesty no 85, juin, 2016. https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2016-2/attaques-contre-lgbt-indonesie

Lang, Nico. 2020. « Indonesia proposes bill to force LGBTQ people into ‘rehabilitation’ » NBC News, 2 mars. https://www.nbcnews.com/feature/nbc-out/indonesia-proposes-bill-force-lgbtq-people-rehabilitationn1146861.

Loiseau, Julien. « Qu’est-ce que la Charia? ». Le Débat, 4, no 171 (2012): 172-178. https://doi.org/10.3917/deba.171.0172.

Putri, Windy Virdinia et al. « THE CRIMINAL PUNISHMENT OF LGBTQ: A COMPARATIVE STUDY OF NIGERIAN AND INDONESIAN LAWS ». Audito Comparative Law Journal 4, no 3 (2023): 147-158. https://doi.org/10.22219/aclj.v4i3.28217.

Roquel, Emma. 2022. « Indonésie et droits des personnes LGBTQI+ : une situation critique ». Institut du Genre en Géopolitique, 20 décembre. https://igg-geo.org/?p=10332

Sarbini, Firmansyah; Rizqi Zakiah, Naila. « Epidemic of Violence against Transgender Women in Indonesia: When the Government Fails to Protect its Vulnerable Citizens ». Institut Australien des Droits Humains, 2017. https://www.humanrights.unsw.edu.au/news/epidemic-violence-against-transgender-women-indonesia-when-government-fails-protect-its-vulnerable-citizens

Wieringa, Saskia E. « Criminalisation of Homosexuality in Indonesia: The Role of the Constitution and Civil Society ». Australian Journal of Asian law 20, no 1 (2019): 227-245. https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3488561.

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