Par Clémence Mouton
Le Vietnam, qui se hisse fièrement au quatrième rang mondial en termes de production de produits aquatiques et au troisième rang pour les exportations, connaît une forte ascension économique. Mais si le Vietnam surprend, cette montée en puissance n’est pas le fruit du hasard.
Avant tout, qu’entend-on par « aquaculture » ? L’aquaculture, désigne « la production d’organismes aquatiques en eau douce, saumâtre ou marine et dans des conditions contrôlées ou semi-contrôlées par l’homme, qu’il s’agisse d’animaux (poissons, crustacés, mollusques, etc…) ou de végétaux (algues) (Le Larousse) ».
Un avantage géographique
Le Vietnam jouit d’atouts géographiques indéniables, avec ses 3 260 kilomètres de littoral et sa Zone Économique Exclusive (ZEE) s’étendant sur un million de kilomètres carrés, nichée entre le bassin du fleuve Rouge et le delta du Mékong. Mais au-delà de cette position attrayante, le pays a pour ainsi dire façonné son destin en investissant massivement dans le développement de l’aquaculture, au point d’en faire un véritable pilier de l’économie vietnamienne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’aquaculture représente environ 4 % du PIB, avec une contribution d’environ 9 % à la valeur des exportations (VASEP).
Les années 1980, la mise en place de la révolution économique
L’ascension du Vietnam en tant que géant de l’aquaculture débute véritablement dans les années 1980, marquées par la réduction de l’aide économique soviétique. Le Parti communiste décide de prioriser le développement de l’agriculture pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, en développement le « Doi Moi ». Il s’agit d’entreprendre des réformes économiques et politiques impulsant la libéralisation du marché intérieur, l’attraction de l’investissement direct étranger (IDE) et du secteur privé (Hoang Anh Tuan, 2009). Des programmes ont également vu le jour et se poursuivent encore aujourd’hui, comme le programme national de développement de l’aquaculture pour la période 1999-2010 (décision NO. 224/1999) et plus récemment celui pour la période 2021-2030, visant à faire de l’aquaculture le « fer de lance » de son économie. Cette expansion a été soutenue par une utilisation efficace des territoires, avec une augmentation de 87 % des zones d’aquaculture dans le nord et de 161 % dans le sud depuis 1990 (Gironde, Tessier, 2015). Outre ses efforts nationaux, le Vietnam a su diversifier ses relations économiques et commerciales.
Le rôle de la diplomatie
Dès 1995, le pays a établi des liens solides avec la Chine et les États-Unis. Ainsi de 2000 à 2008, le commerce extérieur a connu une croissance annuelle impressionnante de 23 % (Hoang Anh Tuan, 2009). Toutefois, c’est surtout la participation aux institutions régionales et internationales, telles que l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et les Nations Unies, qui a contribué à l’essor du Vietnam sur la scène internationale. Le pays a donc pu établir des partenariats avec les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Union européenne, totalisant 64 % des exportations. Mais un tel développement pose question pour le futur.
Les défis actuels : quel avenir ?
L’ascension de l’aquaculture au Vietnam est incontestable, mais elle n’est pas exempte d’obstacles, mettant en doute la pérennité de l’aquaculture vietnamienne. Le pays se doit de garantir la sécurité de ses ressources tout en maintenant le cap sur ses objectifs et en préservant son statut de leader.
Un des premiers défis concerne le conflit en mer de Chine méridionale. La souveraineté contestée sur certaines zones maritimes a engendré des tensions géopolitiques persistantes avec la Chine, entraînant des différends territoriaux et des perturbations dans l’industrie de la pêche.
L’Union européenne a de son côté émis un avertissement au Vietnam sous forme d’un « carton jaune » en 2017 en raison de ses lacunes dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). L’UE est un marché clé pour les exportations de produits aquatiques vietnamiens, et un tel avertissement a des répercussions importantes sur l’industrie : les exportations de produits aquatiques vers l’UE ont diminué de 6 à 10 % par an. Le gouvernement vietnamien, en réponse à cette situation, a entrepris des efforts significatifs pour réformer ses réglementations sous la supervision du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, afin d’éviter des réactions similaires de la part d’autres marchés clés tels que les États-Unis et le Japon (LY Mai An, 2021).
Concrètement, le Vietnam se trouve à un carrefour critique de son avenir en termes de durabilité. Face aux menaces imminentes telles que l’élévation du niveau de la mer, les vagues de chaleur et les perturbations météorologiques, le maintien des efforts en matière de politiques durables est impératif. Les enjeux sont considérables pour le secteur aquacole, qui pourrait subir des pertes substantielles d’ici 2050, impactant d’environ 8,1 % le PIB annuel. Pour atténuer ces risques, le Vietnam doit s’engager activement dans la diversification des espèces cultivées, l’adoption de pratiques de production plus respectueuses de l’environnement, tout en maintenant ses partenariats internationaux en matière de gestion et de production durables. L’avenir de la nation dépend de la capacité du Vietnam à maintenir une stabilité aussi bien politique qu’économique.
Bibliographie :
Binh Truong. 2023. “Investing in Aquaculture in Vietnam” (https://www.vietnam-briefing.com/news/aquaculture-in-vietnam.html/)
FAO — Fishery and Aquaculture Country Profiles -The Socialist Republic of Viet Nam, January 2019.
Gironde, C. & Tessier, O. (2015). Viêt Nam : les « nouveaux territoires » d’une modernisation inégalitaire. Hérodote, 157, 161-183. https://doi.org/10.3917/her.157.0161
Hong Anh Tuan. 2009. « Doi Moi and the Remaking of Vietnam” (https://www.globalasia.org/v4no3/cover/doi-moi-and-the-remaking-of-vietnam_hong-anh-tuan)
Définition aquaculture :
Gouvernement du Canada : https://www.dfo-mpo.gc.ca/aquaculture/act-loi/what-quoi-fra.html
Le Larousse : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/aquaculture/4858
LY Mai An. Direction Général du Trésor. 2021. « L’aquaculture et la pêche, secteur clé de l’économie agricole du Vietnam ». (https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/58f8ee96-8017-4026-b2d5-ea2d91932e76/files/2ba6586a-50c8-4730-a0a8-f0cce6959f85).
Vietnam Association of Seafood Exporters and Producer (VASEP) – Panorama du secteur de la pêche
« Vietnam Aquaculture Overview » (https://aquafisheriesexpo.com/en/industry-news/vietnam-aquaculture-overview/)