La coopération des États de l’Asie du Sud-Est face aux enjeux environnementaux régionaux

Par Maxime Bobba-Gaudreau      

La caractéristique qui catalyse l’intégration des États membres de l’ASEAN selon certains est celle-là même qui l’inhibe pour d’autres. Cette caractéristique est si centrale au fonctionnement de l’ASEAN que cela lui a valu un terme propre : L’ « ASEAN Way ». En grande partie dépourvu de moyens de coercitions légaux dits traditionnels, le fonctionnement de l’ASEAN se structure autour des principes de consensus, de coopération (1) de « capacity building » ainsi qu’autour du respect de la souveraineté et de la non-intervention dans les affaires intérieures des États membres de l’association. (2) En majeure partie, les décisions sont établies au premier abord par conventions qui s’avèrent contraignantes durant le long processus de « capacity building » en vue de se munir ultimement d’un cadre légal une fois que les États estimeront qu’ils sont en mesure de le respecter. En matière de mesures sur les enjeux environnementaux, l’ASEAN n’a pas dérogé à cette règle d’or. Cela fait à peine une dizaine d’années que l’ASEAN a fait de l’enjeu climatique une priorité en enracinant dans l’article premier de la Charte de l’ASEAN adoptée en 2007, son devoir de promouvoir le développement durable afin d’assurer la protection de l’environnement de la région, la durabilité des ressources naturelles, la conservation de son patrimoine culturel ainsi que la qualité de vie élevée de ses citoyens. (3)

Cela étant dit, malgré l’apparent incrémentalisme qui caractérise la mise en place de politique publique par l’ASEAN, de nombreuses avancées ont été faites dans le domaine des enjeux environnementaux, en particulier dans la gestion régionale de l’environnement, notamment avec l’établissement de l’ « ASEAN Centre for Biodiversity », la désignation de 35 « ASEAN Heritages Parks » suivant la déclaration sur les « Heritage Parks » et l’établissement de l’ « ASEAN Wildlife Enforcement Network ». (4)

Outre les mesures internes à l’ASEAN, l’association articule ses politiques environnementales en s’inscrivant dans un plan global de développement durable en menant successivement à bien des plans stratégiques visant à mener à un développement durable dans l’esprit de l’Agenda 21 adopté lors de la Conférence de Rio de Janeiro en 1992, avec l’ « ASEAN Strategic Plan of Action » de 1994-1998, le « Hanoï Plan of Action » de 1999 à 2004 et le « Vientiane Action Programme » de 2004 à 2010. (5) Plus récemment, on compte notamment des initiatives de coopération avec l’Union européenne avec le « ASEAN-EU Plan of Action » qui comprend une section où les parties s’engagent à relever conjointement les défis environnementaux régionaux et mondiaux et à promouvoir le développement durable (6) ou encore l’ « ASEAN-China Strategy on Environmental Cooperation 2016-2020 » dans laquelle la Chine et l’ASEAN s’entendent pour prendre de concert une approche coordonnée et intégrée pour parvenir à une durabilité environnementale dans la région. (7)

Néanmoins, la plus grande partie du chemin reste à faire. Les engagements s’étant en définitive manifesté par des actions concrètes se résument en majeure partie à une coopération intergouvernementale dans la sélection, l’établissement et la gestion de zones protégées. Concernant les autres enjeux de la région, la coopération régionale entourant la protection des environnements côtiers et marins reste faible, un simple cadre de base a été mis en place afin de traiter la question de la déforestation, et finalement, on observe tout juste l’émergence de la coordination des efforts concernant le développement urbain et la gestion de la qualité de l’air. (8)

L’ASEAN Way, qui a fait la pérennité de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est depuis sa fondation en 1967, n’est pas en mesure de répondre à l’urgence climatique. Si l’ASEAN aspire à jouer un rôle régional clé dans la lutte contre les changements climatiques en Asie du Sud-Est, les États membres devront inévitablement réviser leur intransigeance sur la protection de leur souveraineté, sur leur principe de non-intervention et de consensus qui mènent bien souvent à prendre des mesures bâties autour du plus faible dénominateur commun.

Bibliographie

(1)Koh, Kheng Lian, Nicholas A Robinson, et Lin Heng Lye. 2016. Asean Environmental Legal Integration Sustainable Goals? Integration through Law:the Role of Law and the Rule of Law in Asean Integration, 13. New York: Cambridge University Press. p.19.

(2)Koh, Kheng Lian, Nicholas A Robinson, et Lin Heng Lye. 2016. Asean Environmental Legal Integration Sustainable Goals? Integration through Law:the Role of Law and the Rule of Law in Asean Integration, 13. New York: Cambridge University Press. p.24.

(3)Associations of Southeast Asian Nations. 2009. The ASEAN Charter. Jakarta: ASAEAN Secretariat. p.3. https://www.asean.org/wp-content/uploads/images/2013/resources/pub lication/2012%20-%20The%20ASEAN%20Charter%20in%20English%20and%2 0ASEAN%20Languages%20(May).pdf

(4)Koh, Kheng Lian, Nicholas A Robinson, et Lin Heng Lye. 2016. Asean Environmental Legal Integration Sustainable Goals? Integration through Law:the Role of Law and the Rule of Law in Asean Integration, 13. New York: Cambridge University Press. p.9.

(5)Koh, Kheng Lian, Nicholas A Robinson, et Lin Heng Lye. 2016. Asean Environmental Legal Integration Sustainable Goals? Integration through Law:the Role of Law and the Rule of Law in Asean Integration, 13. New York: Cambridge University Press. p.6.

(6)Associations of Southeast Asian Nations. 2018. ASEAN-EU Plan of Action. Jakarta: ASAEAN Secretariat. p.8. https://asean.org/wp-content/uploads/2017/08/ASEAN-EU-POA-2018-2022-Final.pdf

(7)Associations of Southeast Asian Nations. 201. ASEAN-China Strategy on Environmental Cooperation 2016-2020. Jakarta: ASAEAN Secretariat. p.9. https://environment.asean .org/wp-content/uploads/2017/02/ASEAN-China-Strategy-on-Environmental-Coopera tion-2016-2020.pdf

(8)Chun, Joseph. 2016. « Asean Environmental Legal Integration: Sustainable Goals? [Book Review]. » Singapore Journal of Legal Studies Sep 2016 (Sep 2016): 374–78. p.375.

 

 

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