L’Indonésie : À la recherche permanente d’un équilibre entre intérêts économiques et militaires, qui reflète une stratégie affirmée de non-alignement.

L’Asie du Sud-Est : un enjeu géostratégique sino-américain.

 

L’Indonésie : À la recherche permanente d’un équilibre entre intérêts économiques et militaires, qui reflète une stratégie affirmée de non-alignement.

L’Indonésie et le multilatéralisme politique.

 

Possédant la plus grande superficie et la plus large population de la région, l’archipel indonésien est au cœur de la concurrence livrée par la Chine et les États-Unis en Asie du Sud-Est. Cette posture géographique confère à Jakarta un défi majeur, vivre dans la scission sino-américaine géopolitique. L’enjeu est alors de taille puisque l’Indonésie doit faire valoir ses intérêts au sein d’une lutte dont les deux protagonistes sont les deux plus grandes puissances mondiales. La géopolitique peut être perçue comme un jeu d’alliances dans lequel il faut bien choisir ses alliés. Dans le cas présent, l’enjeu n’est pas de choisir, mais de s’éviter un choix et ainsi adopter une posture d’équilibriste entre Pékin et Washington.

Dans sa stratégie géopolitique, sa concurrence face aux États-Unis et sa quête d’expansion régionale, Pékin est motivé par la recherche d’alliés en Asie du Sud-Est. L’Indonésie est ainsi, perçue par la Chine comme « partenaire potentiel dans le cadre des disputes avec les pays voisins[1] ». Le rapprochement observé entre Jakarta et Pékin s’illustre par l’accroissement des liens commerciaux et la multiplication des accords commerciaux entre les deux pays (Pékin est devenu le premier partenaire commercial de Jakarta) et un certain apaisement concernant les revendications en mer de Chine méridionale[2].

La relation entre l’Indonésie et Washington est marquée quant à elle par des événements historiques : en 1967, le chef autoritaire de l’Indonésie, le Président Suharto arrête les relations diplomatiques avec la Chine qu’il accuse d’avoir soutenu la tentative de coup d’État de 1965. Suharto se rapproche alors des États-Unis qui voient d’un bon œil un rapprochement avec l’Indonésie dans la lutte idéologique contre le communisme dans la région. Pourtant la médiatisation pointant du doigt le manque de respect des droits de l’homme du régime de Suharto oblige Washington à cesser son soutien inconditionnel au chef d’État indonésien[3]. C’est alors l’avènement de la démocratie au début des années 2000 qui permet le retour de relations internationales. La relation entre Washington et Jakarta a également été fortement impactée par les conséquences des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis cherchent le ralliement d’un pays démocratique à majorité musulmane[4]. Pour le pouvoir indonésien, les échanges diplomatiques est basé sur la perception « des avantages mutuels d’une intensification des relations bilatérales entre l’Indonésie d’une part, la Chine et les États-Unis d’autre part[5] ».

 

Les atouts de l’archipel.

À la fin des années 1990, un ouvrage politique intitulé The Pivotal States : New Framework for U.S. Policy in the Developing World, place l’Indonésie au premier rang des neuf « États pivots » susceptibles d’affecter la stabilité mondiale[6]. Ainsi, l’intérêt sino-américain pour l’Indonésie s’explique par des atouts géostratégiques que possède l’archipel, justifiant les agissements de Pékin et Washington qui cherche chacun à devenir son interlocuteur privilégié. Parmi ces atouts une forte présence maritime dans la mer de Chine méridionale positionne Jakarta comme incontournable de Pékin dans son projet d’expansion sur les zones maritimes de la région. La présence indonésienne en mer de Chine méridionale se décline en forces militaires, mais également commerciales[7]. La particularité géographique de l’Indonésie, composée de 17000 îles et s’étirant sur une distance géographique équivalente à celle de Londres et Téhéran[8] lui confère un rôle majeur dans l’enjeu géopolitique, notamment face à la Chine qui revendique une partie de la zone économique exclusive indonésienne au large des îles Natuna situées entre la Malaisie et l’Indonésie[9]. L’atout majeur de Jakarta dans cet enjeu maritime se caractérise par son partage avec la Malaisie du détroit de Malacca, passage stratégique pour le commerce international.

 

L’Indonésie est également un membre fondateur de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) dont le secrétariat général est situé à Jakarta. La position forte occupée par Jakarta au conseil de l’ASEAN contribue au multilatéralisme et à la coopération politique dans la région. Ainsi pour Pékin il est indispensable d’avoir des rapports cordiaux avec un membre fondateur de l’ASEAN afin de défendre ses intérêts face aux États d’Asie du Sud-Est. L’archipel indonésienne est aussi perçu pour ses partenaires économiques comme un marché conséquent avec environ 250 millions d’habitants et autant de potentiels consommateurs. De plus, les dépenses militaires de Jakarta intéressent vivement les industries militaires américaine et chinoise qui y voient un intérêt pour leur complexe militaro-industriel[10].

 

 

La position indonésienne dans le conflit sino-américain est révélatrice de la posture ambivalente des puissances de l’Asie du Sud-Est et se résume dans la phrase suivante : « La diplomatie multivectorielle permet en définitive à l’Indonésie de multiplier les coopérations tout en continuant à se revendiquer du non-alignement, puisqu’elle ne s’engage dans aucun partenariat exclusif [11]».

 

Bibliographie.

 

Alles, Delphines. « Indonésie : le non-alignement à l’épreuve de la concurrence sino-américaine ». Politique Étrangère, n°4 (2013) :174-185. https://doi.org/10.3917/pe.134.0175.

 

De Koninck, Rodolphe. « Le Monde vue d’Indonésie ». Hérodote, n°108 (2003) : 113-143. https://doi.org/10.3917/her.108.0113.

 

Figure 1. Atlas géopolitique des espaces maritimes, L’Indonésie est un État archipélagique selon le droit de la mer. Provenant de Courrier international. « L’archipel compte désormais 16056 Îles, et ce n’est pas fini ». 22 août, 2017. https://www.courrierinternational.com/article/indonesie-larchipel-compte-desormais-16-056-iles-et-ce-nest-pas-fini.

 

Oegroseno, Arif Havas et Alexandre Shoepfer. « Indonésie, nouveau grand ». Géoéconomie 4, n°67 (2013) : 141-151. https://doi.org/10.3917/geoec.067.0141.

 

Orchard, Phillip. « Indonesia’s Trip Down the Belt and Road. » Geopolitical Futures, 2 mai 2019. https://geopoliticalfutures.com/indonesias-trip-belt-road/.

 

Roche, Yann. « Les puissances en mers du Sud-Est asiatique ». Dans L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances, sous la direction de Serge Granger et Dominique Caouette, 97-112. Montréal : Les presses de l’Université de Montréal, 2019.

[1] Delphines Alles, « Indonésie : le non-alignement à l’épreuve de la concurrence sino-américaine », Politique Étrangère, n°4 (2013) : 180, https://doi.org/10.3917/pe.134.0175.

[2] Rodolphe de Koninck, « Le Monde vue d’Indonésie », Hérodote, n°108 (2003), https://doi.org/10.3917/her.108.0113.

 

[3] Alles, « Indonésie : le non-alignement ».

[4] Alles.

[5] Alles, 7.

[6] J. Bresnan, « Indonesia », dans The Pivotal States: New Framework for U.S. Policy in the Developing World, dir. Robert Chase, Emily Hill, Paul M Kennedy (New York: Norton, 1999), cite dans Delphine Alles, « Indonésie : le non-alignement à l’épreuve de la concurrence sino-américaine ». Politique Étrangère, n°4 (2013) : 180, https://doi.org/10.3917/pe.134.0175.

[7] Arif Havas Oegroseno et Alexandre Shoepfer, « Indonésie, nouveau grand », Géoéconomie 4, n°67 (2013), https://doi.org/10.3917/geoec.067.0141.

[8] Phillip Orchard, « Indonesia’s Trip Down the Belt and Road », Geopolitical Futures, 2 mai, 2019. https://geopoliticalfutures.com/indonesias-trip-belt-road/.

[9] Yann Roche, « Les puissances en mers du Sud-Est asiatique », dans L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances, dir. Serge Granger et Dominique Caouette (Montréal : Les presses de l’Université de Montréal, 2019).

[10] Figure 1. Atlas géopolitique des espaces maritimes, L’Indonésie est un État archipélagique selon le droit de la mer. Provenant de Courrier international, « L’archipel compte désormais 16056 Îles, et ce n’est pas fini », 22 août, 2017, https://www.courrierinternational.com/article/indonesie-larchipel-compte-desormais-16-056-iles-et-ce-nest-pas-fini.

 

[11] Alles, « Indonésie : le non-alignement ».

[12] Alles, 185.

 

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