par Valérie Paquet
La Malaisie est l’un des États de l’Asie du Sud-Est avec la plus basse représentation féminine dans la politique du pays, soit 14% des sièges en 2020, malgré la stabilité de sa démocratie[1]. Afin de comprendre le phénomène de la sous-représentation des femmes dans la politique malaisienne, nous allons examiner les obstacles et les défis auxquels les politiciennes font face. De plus, nous allons voir quelles sont les solutions possibles pour augmenter la participation féminine dans la politique malaisienne dans les années à venir.
Un peu de contexte
Bien avant l’indépendance de la Malaisie le 31 aout 1963, les femmes participaient dans la politique en se joignant à différents mouvements anticoloniaux et nationalistes pour créer la Malaise telle que nous la connaissons.[2] Depuis son indépendance, le gouvernement malaisien est divisé en deux coalitions principales. La coalition de droite, le Front National (ou Barisan Nasional), a longtemps été au pouvoir jusqu’aux élections de 2018. Depuis 2018, la coalition d’opposition, le Pakatan Harapan, domine le parlement pour la première fois jusqu’à la crise politique de 2020. En 1954, un grand nombre de femmes dans la population et dans la politique menacent de boycotter les élections nationales suite à leur frustration envers leurs homologues hommes. Ils refusent de nommer des candidates aux élections, mais attendent d’elles de voter.[3] La fin des années 1990 était un moment important, car plusieurs groupes de femmes ont publié le manifeste Women’s Agenda for Change (WAC) en 1999. Ce manifeste sert à montrer l’importance des femmes dans la politique électorale afin de promouvoir et augmenter leur représentation dans le Parlement national et provincial. La même année, plus de 10% des candidates élues au Parlement national étaient des femmes et le gouvernement met sur pied le Ministère de la femme et du Développement familial.[4] En 2002, trois femmes se retrouvent à la tête de ministères. Pendant les élections de 2018, on observe une augmentation des promesses électorales de la part des deux coalitions au sujet de l’inclusion des femmes à la politique malaisienne. Ils proposent entre autres un quota de 30% de femmes dans le parlement national. Néanmoins, le nombre de femmes dans la politique malaisienne demeure en dessous des 30%.
Défis et obstacles pour les politiciennes
Afin d’expliquer la basse représentation féminine dans la politique malaisienne, on retrouve le facteur culturel et idéologique. Puisque la société malaisienne est très patriarcale, il existe une perception plutôt négative de la de celle-ci sur l’habilité de leadeurship des femmes. Les normes attribuées aux différents sexes deviennent un obstacle pour les femmes qui veulent entrer en politique.[5] Comme dans plusieurs cultures sud-est asiatiques, le double fardeau (double burden) joue aussi un rôle important dans la possibilité d’entreprendre une carrière politique chez les femmes. Elles se trouvent à devoir concilier leurs responsabilités domestiques comme mère et conjointe avec leur carrière professionnelle ce qui pour la plupart d’entre elles est difficile.[6]
Un autre facteur important est la structure des partis politiques malaisiens. Souvent, la manière dont ceux-ci sélectionnent leurs candidats pour les élections nationales et provinciales est opaque. Les partis ont tendance à favoriser la nomination de candidats expérimentés, qui sont presque toujours des hommes.[7] Souvent, leurs homologues masculins n’encouragent pas les politiciennes malaisiennes à monter les échelons dans leur parti. De plus, la division des femmes dans un parti a souvent une position marginale face au parti principal. Ainsi, seules les politiciennes à la tête des divisions peuvent être sélectionnées comme candidat par le parti pour les élections.[8]
Solution : Un quota de genre?
Pour augmenter la présence des femmes dans la politique malaisienne, plusieurs chercheurs et politiciens ont proposé des solutions. Premièrement, la solution la plus réaliste à court terme est la mise en place de sièges additionnels réservés aux femmes au sein du système politique actuel. Ces derniers permettent d’augmenter la proportion des femmes dans le Parlement national et provincial plus rapidement. Cette solution n’a aucun impact sur les sièges déjà occupés par leurs homologues hommes et la présence féminine pendant les débats peut augmenter la coopération entre les groupes ethniques et les partis politiques. De plus, elles peuvent favoriser la création de lois au sujet de la famille, de l’éducation et de la santé.[9] Cette solution est déjà en place dans certaines provinces malaisiennes sous la forme de représentation féminine et ethnique dans les assemblées provinciales. Néanmoins, cette solution ne se tient pas à long terme et la mise en place d’un quota est une solution réaliste pour assurer la représentation féminine au sein du Parlement malaisien. En 2017, le vice-premier ministre malaisien Zahid Hamidi propose de lutter pour le quota de 30%. Par contre, certaines femmes s’opposent au quota, car celui-ci représente uniquement le sexe et ne se repose pas sur leur capacité et le mérite.[10] Cependant, le quota semble être le moyen réaliste pour augmenter la représentation des femmes dans la politique à long terme et normaliser la présence des femmes en politique.
Cette question demeure importante pour la Malaisie. Le pays se classe non seulement dans les perdants pour le nombre de politiciennes, mais elle a également signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) des Nations Unies en 1979. En signant cette convention, la Malaisie s’oblige à assurer la représentation égale des femmes dans la politique. Pourtant, aucune loi n’a été mise en place à cet effet. Toutefois, le « séisme politique »[11] de 2018 a permis d’augmenter la représentation féminine par la nomination de 38 femmes à la tête de différents ministères. C’est un pas important pour une Malaise qui a encore un long chemin devant elle pour atteindre le niveau de l’égalité.
[1] The World Bank Data. 2019. Population, female (% of total population). https://data.worldbank.org/indicator/SP.POP.TOTL.FE.ZS
[2] Azmawati, Azman Azwan. 2017. « Women, Politics and The Media » International Journal of Journalism & Mass Communication, 126(4).
[3] Mohamad, Maznah. 2018.« Getting More Women into Politics under One-Party Dominance: Collaboration, Clientelism, and Coalition Building in the Determination of Women’s Representation in Malaysia » Southeast Asian Studies 7(3). p.420
[4] Ibid. p.420-422
[5] Azizah,Wan. 2002.« Case study : Women in politics : Reflections from Malaysia » trad. du Bahasa-Indonesi. International IDEA, Stockholm: International IDEA, pp. 191-202.
Mohamad, Maznah. 2018.« Getting More Women into Politics under One-Party Dominance: Collaboration, Clientelism, and Coalition Building in the Determination of Women’s Representation in Malaysia » Southeast Asian Studies 7(3). p.418
[6] Azizah,Wan. 2002.« Case study : Women in politics : Reflections from Malaysia » trad. du Bahasa-Indonesi. International IDEA, Stockholm: International IDEA, p. 194 – 195
[7] Sukhani, Piya. 2020. « Women’s Political Representation : Progressing in Malaysia » RISI Commentary, 9(1)
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Ibid.
Bibliographie
Azizah,Wan. 2002.« Case study : Women in politics : Reflections from Malaysia » trad. du Bahasa-Indonesi. International IDEA, Stockholm: International IDEA
Azmawati, Azman Azwan. 2017. « Women, Politics and The Media » International Journal of Journalism & Mass Communication, 126(4).
Mohamad, Maznah. 2018.« Getting More Women into Politics under One-Party Dominance: Collaboration, Clientelism, and Coalition Building in the Determination of Women’s Representation in Malaysia » Southeast Asian Studies 7(3). 415-447.
Sukhani, Piya. 2020. « Women’s Political Representation : Progressing in Malaysia » RISI Commentary, 9(1)