Indonésie: le cinéma de Nia Dinata

Par Étienne Barre

Malgré les mouvements prônant l’homosexualité en Indonésie aux fils des dernières années, le pays reste dans le déni et refuse toute forme de relation du même genre. La réalisatrice Nia Dinata va exposer dans ses films les sujets de l’homosexualité, de polygamie et d’immigrants. Au courant de sa carrière, elle recevra de nombreux prix, mais également beaucoup de critiques. Ses films vont réussir à provoquer les Indonésiens, mais malheureusement ne changeront pas la situation face à ces thèmes dans le pays. Nia Dinata fera face à la censure extrême et sera forcée de trouver des moyens pour présenter ses films. Malgré la censure, elle réussit à mettre certaines scènes assez choquante à l’écran.

Homosexualité et polygamie

L’Indonésie est un pays insulaire regroupant quelques milliers d’îles. Au fil de son histoire, il a été difficile d’unir ces îles et créer une identité indonésienne. Cependant, dans les années 1900, un mouvement nationaliste va naitre. Ce mouvement aidera la définition de l’identité indonésienne et établira certaines normes. En ce qui concerne le genre, une vision très hétéronormative prend place. Celle-ci restera enracinée dans la culture indonésienne jusqu’à aujourd’hui. L’hétéro normativité est transmise dans les valeurs, les relations, la famille et autres. Depuis quelques dizaines d’années, un nouveau mouvement qui veut contrer cette vision devient de plus en plus important. En Indonésie, cette vague prône l’acceptation de l’identité gay, lesbi (lesbian), tomboi (priawan), transgenre de femme à homme (laki-laki) et le transgenre d’homme à femme (waria). Or, le gouvernement indonésien se bat pour conserver la tradition hétéro normative. Cela va créer des frictions dans la société et une chaîne de conséquences. En 2016, le gouvernement indonésien fait une série de campagnes anti-LGBT sur les réseaux sociaux. Des messages et propagandes circuleront dans les médias. Par exemple, la tête de l’Assemblée délibérative du peuple veut bannir le LGBT de la culture indonésienne. Ceci dit, ce parlement est dans les plus importants en Indonésie et ce message a beaucoup de poids et mettra de la pression sur la culture LGBT. D’autres officiels partageront des messages dans le même genre au cours de l’année 2016. Ces mesures auront des effets sur la jeunesse indonésienne, qui seront plus enclins à se cacher et mentir sur sa sexualité. Ce mouvement anti-LGBT va réaffirmer la position du gouvernement indonésien, donc par le fait même la position de l’Indonésie comme pays. Cette position soutient une droiture qui date des mouvements nationalistes. Elle affirme que le pays ne doit pas s’ouvrir et changer.

 

Un cinéma controversé 

Nia Dinata est une cinéaste indonésienne qui a débuté sa carrière au début des années 2000. Elle sera rapidement connue comme une réalisatrice qui cherche à provoquer. Son premier film qui attirera l’attention (local et globale) est Arisan !. Ce film est la première production indonésienne à montrer l’homosexualité sur le plein écran. Nia Dinata ne se gêne pas non plus pour montrer des images choquantes pour la société indonésienne au début 2000. La ligne directrice de ses films peut se résumer à la normalité et l’acceptation. Que ce soit sur l’homosexualité, la polygamie ou autres. Elle sera en mesure de tourner un film qui rend ces thèmes normaux, comme s’ils ont toujours fait partie de la société indonésienne. Dans le film Arisan !, les deux personnages principaux sont homosexuels. Contrairement au stéréotype, Nia Dinata représente ces personnages comme deux hommes situés dans la haute société. Ils travaillent, font beaucoup d’argent. Les personnages seront donc considérés comme moderne. Pour les indonésiens au début des années 2000, le fait que les homosexuels se retrouvent également dans la classe des ‘riches’ est très révélateur. Le message véhiculé propose que les homosexuel peuvent bien être dans n’importe quelle classe sociale. Pour normaliser la ‘condition’ homosexuelle, Nia Dinata fait souvent recours à la famille. Les parents des personnages sont ouverts et acceptent leurs enfants, homosexuels ou non. Montrer cette acceptation parentale et la banalité reliée à cela au cinéma en indonésien est très provoquant. Or, le message derrière est très révélateur pour la jeunesse indonésienne. Comme mentionné plus haut, ce message ira à l’encontre de la vision du gouvernement qui veut condamner l’ouverture de l’homosexualité chez les jeunes. Finalement, Nia Dinata représente l’homosexualité de manière très explicite dans ces films. Une scène marquante dans Arisan ! peut résumer son approche de production des relations du même sexe. Les deux personnages prennent un café ensemble. Un des personnages sent le désir et l’attirance monter en lui, l’image et le cadrage suivent ce désir et nous montre pourquoi il se sent comme sa. Il y a un gros plan sur les lèvres du second personnage qui boit son café, il se lèche la lèvre. Ensuite, on revoit le premier personnage qui vie beaucoup d’embarras ne sachant trop comment réagir à se désir soudain. Il y a quelque chose de très sensuel dans ce montage et c’est de cette manière que Nia Dinata présente ses thèmes. Cependant, cette méthode est très graphique pour le cinéma indonésien donc est extrêmement provocateur. Elle subira de nombreuse critique et sera vu comme une ‘rebelle’ du cinéma.

 

Bibiliographie

Boellstorff, Tom. Against State Straightism: Five Principles for Including LGBT Indonesians.https://www.e-ir.info/2016/03/21/against-state-straightism-five-principles-for-including-lgbt-indonesians/

Munir, Maimunah. QUEERING THE EPISTEMOLOGY OF ‘COMING OUT’: THE REPRESENTATION OF MALE SAME-SEX RELATIONSHIP IN NIA DINATA’S ARISAN. Jati,Vol. 16, December 2011, 113-129. https://jati.um.edu.my/article/view/6031/3743

van Wichelen, Sonja (2009). Polygamy Talk and the Politics of Feminism: Contestations over Masculinity in a New Muslim Indonesia. Journal of International Women’s Studies, 11(1), 173-188.

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