Myanmar: quel avenir pour la communauté LGBTQ+

Par Anna Dauray

La communauté LGBTQ+ du Myanmar a été persécutée à maintes reprises par les autorités et la société. L’article 377 du Code pénal du Myanmar criminalise les relations charnelles « contre l’ordre de la nature ». Daw Aung San Suu Kyi en 2012, a proposé la rédaction d’une loi au parlement pour la protection des ethnies minoritaires. En 2015, la première loi protégeant les droits des femmes fut rédigée. Ces deux lois reconnaissant les droits des femmes et des minorités ethniques pourraient être une base pour reconnaitre les droits de la personne en lien avec l’expression de genre et de l’orientation sexuelle.[1] La reconnaissance des droits des femmes et des minorités ethniques pourrait être un signe que les droits de d’autres groupes pourraient être reconnus dans l’avenir. Cependant, le coup d’état actuel par la junte militaire rend difficile une prédiction sur la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+. En effet, on peut en avoir une vague idée en considérant que la police menace les personnes LGBTQ+ avec l’article 377 pour en retirer des pots-de-vin.[2] L’arrestation d’ Daw Aung San Suu Kyi nous indique aussi une régression en ce qui concerne les droits de la personne. La possibilité que les personnes LGBTQ+ soient décriminalisées et que leurs droits soient respectés dépend donc de l’issu du coup d’État de la junte militaire.

Membres de la communauté LGBTQ+ militants contre le coup d’État militaire à Yangon, Myanmar [Reuters, 2021]

Conceptions de genres

Dix des plus grands groupes rebelles du Myanmar ont proclamé leur soutien envers le mouvement anti-coup le samedi 3 avril.[3] L’un de ces groupes est les Karens. Selon la fondation culturelle et sociale karen qui cherche à décrire les croyances du groupe, ceux-ci disent ne pas avoir d’homosexualité parmi eux. Par contre, les Karens acceptent que certaines personnes sont nées avec le cœur du sexe opposé et qu’il est naturel que ces personnes aiment ceux du même sexe biologique.[4] L’identité de genre est plus acceptée que l’orientation sexuelle au Myanmar en général. Les termes « apwint » voulant dire « ouvert » et « apône » voulant dire « caché » réfèrent à des femmes transgenres. Les deux ont un esprit et un cœur de femme. La différence est que les apwints expriment ouvertement leur genre et que les apônes se font passer comme des hommes en public malgré leur identité de genre surtout pour ne pas se faire discriminer.[5] Sur ce point, une étude sur la prévention de maladies sexuelles a déduit que les participants de celle-ci font un lien direct entre le degré de stigma anticipé et subi et la visibilité publique de leur orientation et identité sexuelles. Les minorités sexuelles comme les femmes transgenres et les hommes qui ont une relation visible avec des partenaires de même sexe subissent plus de stigmas de la part de leur famille et de la communauté.[6]

Stigmas et abus

Ces stigmas sont présents dans plusieurs sphères de la société incluant dans le corps policier. Ceux-ci abusent de leur autorité envers la communauté LGBTQ+. L’étude de Colors Rainbow sur la discrimination des personnes LGBTQ+ a révélé que 13 des 25 apwints et apônes interviewées ont subi des agressions sexuelles par des policiers et que 14 d’entre elles ont subi des agressions physiques par ceux-ci.[7] La peur sous le gouvernement des militaires pourrait augmenter si le coup d’État de la junte militaire empêche la démocratie et du même coup prive la minorité LGBTQ+ de leurs droits fondamentaux. Cependant, si le mouvement anti-coup persiste et qu’un improbable renversement politique avait lieu, les croyances des rebelles pourraient influencer la population générale vers l’acceptation des personnes transgenres, mais pas celle des personnes homosexuelles.

Membres de la communauté  LGBTQ+ militants contre le coup d’État militaire à Yangon, Myanmar, Février 19, 2021. REUTERS/Stringer – RC2IVL9G9LBN

Avenir incertain

En 2012, la première journée internationale contre l’homophobie et la première journée du souvenir des personnes transgenres ont eu lieu. Des militants pour la cause LGBTQ+ exilés en Thaïlande sont revenus au Myanmar. Ils ont profité des réformes politiques et légales pour essayer de décriminaliser les relations de même sexe, ainsi qu’adresser la persécution policière produite par le système légal corrompu et arbitraire du Myanmar.[8] La raison de leur retour était que les temps de libération politique sont des moments propices à l’émergence de mouvements LGBTQ+ locaux. Les militants ont plus d’occasions pour mettre en lumière les problèmes de droits de la personne, pour dénoncer les oppressions et pour s’organiser collectivement. Cependant, les efforts des militants LGBTQ+ du Myanmar étaient encore trop embryonnaires, en 2015, pour prédire leur succès sur le long terme.[9] Le premier candidat ouvertement gai s’était présenté pour se faire élire législateur lors des élections du 8 novembre 2020. Il voulait combattre pour les droits des personnes LGBTQ+ et avancer que tous peuvent se présenter aux élections. Ces chances de se faire élire étaient bien minces vu qu’il se présentait contre le parti national pour la démocratie.[10] Bien qu’il ait perdu les élections, le simple fait qu’il se soit présenté en étant ouvertement gai était une grande avancée pour les droits des personnes LGBTQ+. L’effet du coup d’État sur la démocratie est déterminant sur l’avenir de la communauté et les efforts des militants pourraient être renversés par la junte militaire. L’avenir de la communauté LGBTQ+ est plus qu’incertain avec les évènements récents.

Références

[1] Colors Rainbow. Facing 377 : Discrimination and Human Rights Abuses Against Transgender, Gay and Bisexual Men in Myanmar. 2015.

[2] Myanmar Centre for Responsible Business et Colors Rainbow. A BILINGUAL RESOURCE GUIDE FOR EMPLOYERS IN MYANMAR LGBT+ Equality in the Workplace. 2020.

[3] AFP. (2021, 4 avril). Myanmar rebel groups back anti-coup protests, condemn junta crackdown. Bangkok Post.

[4] Zelikson, R. (2017). The Rainbow Recast : Queering Karen non-profits on the Thai-Burmese border.  [Thèse de doctorat, University of Toronto Scarborough]. TSpace.

[5] Colors Rainbow. Facing 377: Discrimination and Human Rights Abuses Against Transgender, Gay and Bisexual Men in Myanmar. 2015.

[6] Veronese et al. BMC Public Health. (2019). “We are not gays… don’t tell me those things”: engaging ‘hidden’ men who have sex with men and transgender women in HIV prevention in Myanmar.

[7] Colors Rainbow. Facing 377: Discrimination and Human Rights Abuses Against Transgender, Gay and Bisexual Men in Myanmar. 2015.

[8] Chua, L. J., & Gilbert, D. (2015). Sexual Orientation and Gender Identity Minorities in Transition: LGBT Rights and Activism in Myanmar. Human Rights Quarterly, 37(1), 1–28.

[9] Ibid.

[10] Wai M. (2020, 21 octobre). Myanmar’s first openly gay candidate kindles hopes for LGBT+ rights. Thomson Reuters Foundation News.

 

Bibliographie

AFP. (2021, 4 avril). Myanmar rebel groups back anti-coup protests, condemn junta crackdown. Bangkok Post. https://www.bangkokpost.com/world/2094703/myanmar-rebel-groups-back-anti-coup-protests-condemn-junta-crackdown

Chua, L. J., & Gilbert, D. (2015). Sexual Orientation and Gender Identity Minorities in Transition: LGBT Rights and Activism in Myanmar. Human Rights Quarterly, 37(1), 1–28. https://doi.org/10.1353/HRQ.2015.0016

Colors Rainbow. Facing 377: Discrimination and Human Rights Abuses Against Transgender, Gay and Bisexual Men in Myanmar. 2015. http://equalitymyanmar.org/book/wp-content/uploads/2015/02/AnnualReport-rainbow.pdf

Myanmar Centre for Responsible Business et Colors Rainbow. A BILINGUAL RESOURCE GUIDE FOR EMPLOYERS IN MYANMAR LGBT+ Equality in the Workplace. 2020. https://www.myanmar-responsiblebusiness.org/pdf/resources/lgbt-equality-in-the-workplace.pdf

Veronese et al. BMC Public Health. (2019). “We are not gays… don’t tell me those things”: engaging ‘hidden’ men who have sex with men and transgender women in HIV prevention in Myanmar. https://doi.org/10.1186/s12889-018-6351-3

Wai M. (2020, 21 octobre). Myanmar’s first openly gay candidate kindles hopes for LGBT+ rights. Thomson Reuters Foundation News. https://news.trust.org/item/20201021090743-8hsfo

Zelikson, R. (2017). The Rainbow Recast : Queering Karen non-profits on the Thai-Burmese border.  [Thèse de doctorat, University of Toronto Scarborough]. TSpace. https://tspace.library.utoronto.ca/bitstream/1807/77537/1/Zelikson%20-%20IDSD01Y%20T-space.pdf

 

 

 

 

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