Par Alexia Belzile
Singapour a connu une forte augmentation de travailleurs migrants dès le début des années 2000. Ce type de migration contribue notamment au dynamisme fulgurant de la région ainsi qu’à son développement économique accru. En effet, Singapour est dépendante de ses travailleurs migrants afin de demeurer une des régions les plus prospères au monde [1].
Politiques gouvernementales
Depuis l’indépendance de la cité-État en 1965, Singapour est devenue un acteur important dans la gestion des flux migratoires dans la région de l’Asie du Sud-Est et de l’acquisition de travailleurs migrants au sein de la Cité-État. Aujourd’hui, elle accueille particulièrement des migrants provenant de Chine, d’Indonésie, des Philippines, du Myanmar, du Cambodge, du Vietnam, de la Malaisie, de l’Inde, du Pakistan, du Népal et du Bangladesh. Notons que la population Singapourienne est constituée aujourd’hui d’environ 75% de Chinois[2].
Le People’s Action Party(PAP), au pouvoir à Singapour depuis 1959, a développé une politique de développement économique visant à ce que la population ne remette pas en question la légitimité du régime caractérisé d’autoritaire[3]. Le PAP s’assure que l’économie soit constamment en croissance afin de redistribuer les revenus pour améliorer la qualité de vie de la population. Pendant plusieurs années, Singapour ne parvenait pas à trouver suffisamment de main-d’œuvre pour subvenir aux besoins du marché du travail. Les autorités de la cité-État ont donc adopté plusieurs politiques socio-économiques afin d’attirer des travailleurs étrangers pour combler ses lacunes démographiques et pour assurer sa prospérité économique. Depuis 1965, l’économie de Singapour a une croissance annuelle moyenne de 7,7%[4].
Le recrutement massif de travailleurs étrangers et l’intégration de femmes à la main-d’œuvre du pays ont notamment permis de renforcer le « taux de participation active au travail » dans la société. Elle a aussi orienté sa « stratégie » économique vers une industrialisation basée sur les exportations et a délocalisée certaines de ses industries qui demandaient une trop grande main-d’œuvre[5]. En bref, le gouvernement singapourien se concentre sur le « travail et le capital » pour assurer une production et un développement économique accru. Cependant, les travailleurs migrants ne laissent que peu de place au développement d’une « classe d’entrepreneurs » natifs de Singapour, ce qui soulève le mécontentement d’une partie de la population[6].
Secteurs d’activité
Les travailleurs migrants vers Singapour représentent souvent une « main d’œuvre excédentaire » dans leur pays d’origine. Puisqu’ils n’y trouvent pas d’emploi, ils décident de s’installer dans les centres urbains, où ils occupent des postes dédiés aux travailleurs faiblement ou non-qualifiés[7]. Puisque les infrastructures qui permettent de faire fonctionner convenablement la société sont en développement constant, les secteurs manufacturiers et du bâtiment sont en forte demande à Singapour et de nombreux emplois y sont à combler pour attirer le maximum d’investissements directs étrangers (IDE). Les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration accueillent aussi de nombreux migrants. Par ailleurs, les femmes migrantes sont particulièrement en demande au sein de la « sphère domestique », où elles travaillent auprès des ménages. En 2017, environ 256 000 femmes migrantes provenant majoritairement d’Indonésie occupaient des emplois liés au secteur domestique[8].
Impacts sur le développement économique de la cité-État
En occupant des postes dans les domaines industriels, du bâtiment ou domestique, les travailleurs migrants aident grandement le développement de l’économie singapourienne. Ils permettent, entre autres, à l’État de répartir la main-d’œuvre de façon à générer une productivité optimale au sein de la société, et ce, à faible coût. Puisque les migrants participent de façon importante au dynamisme de l’industrie manufacturière, ils permettent aussi à la Cité-État d’attirer un taux d’IDE qui se retrouve parmi les plus élevés au monde, générant ainsi encore plus de capitaux[9]. Ils contribuent aussi à ce que la dette extérieure de l’île soit très faibles[10].
En raison du développement accru de nombreux secteurs de l’économie, la classe moyenne s’agrandit rapidement à Singapour. Par contre, cette classe moyenne, constituée principalement de natifs, obtient des emplois demandant plus de qualifications et qui sont mieux considérés au sein de la société. Cette situation fait en sorte qu’il y a constamment un vide à combler dans les secteurs d’emplois demandant peu de qualifications, et génère constamment l’arrivée de nouveaux migrants pour les occuper. Singapour est donc dépendante de la main-d’œuvre provenant de nombreux pays d’Asie du Sud-Est afin que les secteurs industriels, domestiques et du tourisme soient productifs. Cette dépendance crée plusieurs tensions socio-économiques et politiques au sein de la cité-État, mais aussi entre les autres pays de la région[11].
Conditions de vie des migrants
Comme il a été expliqué dans un précédant article portant sur les travailleurs migrants[12], ceux-ci connaissent des conditions de vie et de travail extrêmement difficiles. Par exemple, plusieurs peuvent être exploités par leur employeur en travaillant de très longues heures avec une faible rémunération, car ils non pas de statut de citoyen au sein de la Cité-État et sont considérés comme étant inférieurs aux plans civique et juridique. Ils sont aussi sujet à l’exclusion de la part des natifs de Singapour, ce qui les rend vulnérables au sein de la société et contribue à leur marginalisation[13]. Dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, les migrants sont aussi la cible du virus, qui se propage rapidement au sein de la communauté. Puisqu’ils sont souvent entassés dans de petits logements lorsqu’ils doivent s’isoler, leurs conditions de vie et leur santé sont affectées négativement[14].
[1]Bastide, Loïs. 2020. ; Figoni, Caroline. 2012.
[2]Bastide, Loïs. 2020.
[3]Bastide, Loïs. 2020. ; Figoni, Caroline. 2012.
[4]Bastide, Loïs. 2020.
[5]Bastide, Loïs. 2020.
[6]Figoni, Caroline. 2012.
[7]Bastide, Loïs. 2020. ; Figoni, Caroline. 2012.
[8]Bastide, Loïs. 2020.
[9]Bastide, Loïs. 2020.
[10]Figoni, Caroline. 2012.
[11]Bastide, Loïs. 2020.
[12]Blogue sur l’Asie du Sud-Est. 2021.
[13]Figoni, Caroline. 2012.
[14]Amnesty international. 2020.
Bibliographie
Amnesty International. 2020. « Singapour. Plus de 20 000 travailleurs migrants en quarantaine doivent être protégés contre une contamination généralisée ». https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/04/singapore-migrant-workers-quarantine-protected-mass-infection/
Bastide, Loïs. 2020. « Les nouvelles migrations de travail en Asie du Sud-Est insulaire : du commerce transnational de la main-d’oeuvre entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour », Hérodote, 176 (1), p. 153-167.https://doi.org/10.3917/her.176.0153
Blogue sur l’Asie du Sud-Est. 2021. «Les travailleurs migrants». Blogue sur l’Asie du Sud-Est(blogue), 2021. https://redtac.org/asiedusudest/test/singapour/les-travailleurs-migrants/
Figoni, Caroline. 2012. Le « modèle » singapourien : ambitions et contradictions d’une économie. Monde chinois, 2(2), 59-64. https://doi.org/10.3917/mochi.030.0059.