Par Étienne Barre
17 avril 1975 annonce le début du génocide des khmers rouges. Les cinéastes et les artistes sont au sommet de la liste de priorités d’élimination. Le pays change radicalement en seulement 4 ans. Il s’agit d’une période sombre, dont la vérité se veut être cachée. Le cinéaste Rithy Panh a vécu cette période et la dévoile dans ses films derrière l’utopique Kampuchéa démocratique.
Régime de terreur
Le Cambodge sera marqué à tout jamais par la prise de pouvoir de Pol Pot et son parti politique en 1975. Le parti communiste du Kampuchéa (également appelé Angkar) va venir vider la capitale Phnom Penh et relocalisé l’entièreté de la population dans des camps de travail et des camps de torture. La capitale qui jadis vibrait d’activités et de vie se retrouve en quelques jours entièrement vide, sauf par la présence de Pol Pot et son parti. Rapidement après, il met en marche son programme de reformation du pays. Il veut créer un nouveau pays homogénéisé donc chacun joue un rôle pour le bien collectif. Il s’agit bien évidemment d’une idéologie utopique qui se terminera ultimement avec le tiers de la population cambodgienne sous la terre. Angkar faisait travailler les citoyens toute la journée, leur donnant quelques miettes pour manger. La famine, le désespoir et l’épuisement dominaient dans ces camps de travail. Dans la période de pouvoir de Pol Pot, le centre S21 a été créé. Il s’agit d’un endroit où on faisait des tests sur les humains. Il s’agissait également d’un centre de torture. Pendant 3 ans, cette prison a été un véritable enfer pour des milliers de cambodgiens. Encore aujourd’hui, la majorité des dirigeants du centre S21 sont encore en liberté, comme si rien ne s’était vraiment passé. Le réalisateur cambodgien Rithy Panh a fait un film sur le centre S21 dans les années 2000. Son but était d’interroger des bourreaux qui ont travaillé au centre S21 durant sa période d’activité. Le film montre donc une perspective très humaine aux événements passés sous Pol Pot. On peut également voir qu’aucun des hommes interrogés ont honte de leur action. Comme si suivre les ordres du régime Angkar était bien la seule vérité.
Un cinéma révélateur
Rithy Panh quitte le Cambodge pour aller vivre en France, où il vit encore aujourd’hui. Il va vivre le régime de Pol Pot dans les camps de travail avec sa famille. En 1980, il va en France et son but est de montrer la vérité qu’il a vécu au fil de 5 années de terreur. Il utilise tout d’abord l’écriture, la peinture et le dessin. Il finit par devenir réalisateur et produit des films uniquement sur le trauma lié au génocide Khmer. Ses films ne sont pas faciles à regarder puisqu’ils révèlent concrètement ce qui s’est produit durant cette période. Par exemple, il tourne le film S21 : machine de mort khmère rouge au Cambodge, directement sur le site. Il reproduit l’ambiance de l’époque et met sa caméra en marche. Un film particulièrement intéressant de Rithy Panh est L’image manquante. Le film est un documentaire sorti en 2013 qui révèle les atrocités commises par le régime de Pol Pot. Or, il faut noter que pratiquement l’entièreté des archives de cette époque ont été détruites. Alors comment Rithy Panh se prend-t-il pour tourner un film sur ces atrocités? Il utilise des figurines d’argiles. À la quête d’une image manquante, il décide de la créer. Le film s’agit donc d’un mélange de situations représentées par des figurines et des scènes très rares qui ont été préservées. Avec ce film, Rithy Panh veut mettre en image un semblant de vérité. Il veut tenter de produire une source qui sera préservée dans l’histoire sous forme de pellicule. L’image manquante est un film très intelligent, qui marque un point dans la carrière du réalisateur. Outre l’atrocité, on voit que Rithy Panh cherche à montrer l’intangible. Il veut mettre la lumière sur les milliers de cadavres qui gisent sous la terre travaillée des champs au Cambodge. C’est un travail très délicat et abstrait qu’il va réussir dans son film L’image manquante. Au fil de sa carrière, il gagne une bonne quantité de prix. Que ce soit pour ses livres ou ses films, le public adore le travail de Rithy Panh.
Bibliographie
Oppenheimer, Joshua. 2013. « Perpetretors’ Testimony and the Restoration of Humanity: S21 » dans Brink, Joram Ten et Joshua Oppenheimer (dir.). 2013. Killer Images: Documentary Film, Memory and the Performance of Violence. Londres : Wallflower Press, p. 243-255.
Ponchaud, François. Cambodge : le danger khmer rouge. Études, 1989/4 (Tome 370), p. 447-458. DOI : 10.3917/etu.704.0447. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-1989-4-page-447.htm
Panh, Rithy et Christophe Bataille. 2011. L’élimination. Paris : Grasset, p. 1-25.