Par Nicolas Roulier
Le 1er juillet 2013, l’attaquant ghanéen Frank Acheampong, alors âgé de 19 ans, a rejoint le club belge d’Anderlecht pour la somme de 1 million d’euros depuis le club de Buriram United, le champion du championnat thaï. Ce transfert était à l’époque le plus gros sortant de la Ligue 1 Thaï et l’un des premiers vers l’Europe[1]. Cette vente montre la trajectoire qu’a prise le football en Thaïlande lors des dernières années, d’une ligue méconnue à une pouvant engranger les millions. La Thaïlande est désormais le pays le plus développé en football dans la région.
L’histoire du football en Thaïlande et les caractéristiques de la Ligue 1 thaïe
Le football s’est diffusé à travers le monde à partir des contacts avec les Européens. Dans la majorité des pays d’Afrique et d’Asie, ce sont les institutions coloniales comme l’armée, les missionnaires ou les écoles qui ont introduit le sport aux populations locales. Étant donné que le pays n’a jamais été colonisé, le sport a été plutôt été introduit ici par les élites locales ayant étudié ou vécu en Europe vers la fin du 19e siècle[2]. En 1996, le système actuel a été mis en place. Le football professionnel thaï est une structure à trois niveaux où la Ligue 1 thaïe est le niveau le plus élevé. Le football thaï a des règles beaucoup moins strictes en termes de joueurs étrangers que ses pays voisins[3]. Alors que certains pays comme le Cambodge ont dû fermer leur frontière aux joueurs étrangers par peur de trop affecter le développement des joueurs locaux, la Thaïlande permet à chaque équipe d’avoir jusqu’à neuf joueurs étrangers dans l’effectif[4]. De ses neuf joueurs, cinq doivent venir d’un autre pays faisant partie de l’ASEAN et un doit venir d’un pays membre de l’AFC (Asian Football Confederation)[5]. La Ligue 1 thaïe est présentement la septième meilleure ligue en Asie[6] et l’équipe nationale est classée au 110e rang du classement de la FIFA derrière des pays tels que Chypre, le Gabon et la Palestine[7]. Malgré ce mauvais classement, l’équipe nationale thaïe, aussi connue sous le nom des Éléphants de guerre, est tout de même l’équipe la plus titrée de la région, ayant gagné la coupe de l’ASEAN à cinq reprises[8].
Économie, perception et politiques gouvernementales
L’économie thaïe est principalement une économie d’exportation de produits primaires comme les produits de la mer et le riz. Le tourisme, même si marginal par rapport aux autres secteurs de l’économie, est reconnu à l’international. Cela fait en sorte que la Thaïlande a la réputation d’être un pays de tous les vices, où la drogue, l’alcool et la prostitution sont monnaie courante. Cette vision du pays n’est probablement pas ce que le gouvernement veut montrer au monde[9]. Le sport est un excellent moyen de redorer son blason. Que cela soit des régimes autoritaires qui utilisent les Olympiques pour légitimer leurs présences sur la scène internationale[10][11] ou les pays du golfe qui financent de grands clubs européens de football pour améliorer leurs images, le sport est un outil de diplomatie reconnu[12]. Les réussites de l’équipe nationale à l’échelle régionale et la croissance rapide des ligues professionnelles permettent la promotion de l’image de la Thaïlande comme un pays de football.
Les récentes politiques gouvernementales montrent l’intérêt qu’il y a de la part des élites à mettre l’avant le football local. En 2009, le gouvernement a directement financé la Ligue 1 thaïe au coût de 210 millions de bahts, soit l’équivalent d’environ 9 millions de dollars canadiens. L’autorité sportive de la Thaïlande, une compagnie étatique régulant le sport dans le pays, a aussi fait une subvention de 100 millions de bahts (plus de 4 millions en CAD) à la ligue. En plus du financement public, la ligue est commanditée par différentes compagnies locales et internationales, ce qui permet aux activités de la ligue d’être viable, mais aussi très profitable. Toyota est ainsi devenu le commanditaire officiel de la ligue. La ligue est désormais beaucoup plus suivie et beaucoup plus commercialisée. Les droits télévisuels de la ligue ont été vendus en 2013 pour la somme de 1,8 milliard de bahts pour six saisons, soit 75 millions en CAD (600 millions de bahts par saison ou 25 millions CAD). Cette somme importante démontre l’intérêt croissant existant pour la ligue. Tout cet argent permet le recrutement de meilleurs joueurs internationaux, ce qui relève la compétitivité de la ligue. En plus du financement direct de la ligue, le gouvernement a adopté en 2014 le projet de loi du « Professional sports act » qui permet aux athlètes professionnels de recevoir des subventions gouvernementales. Cela a aussi permis la création d’un syndicat pour les joueurs de football en Thaïlande[13]. Le gouvernement n’est pas le seul acteur à faire la promotion du football thaï, Aiyawatt Srivaddhanaprabha, PDG de la compagnie King Power, est aussi le propriétaire et président des clubs de Leicester City en Angleterre et de l’OH Leuven en Belgique. Le magnat du commerce de détail a décidé de financer la construction de centre d’entraînement à la haute pointe de la technologie à travers le pays[14]. Ainsi, la Thaïlande est représentée au plus haut niveau du football mondial et le développement ne fait que commencer.
[1] Transfermakt 2021
[2] Akindes 2013
[3] Brill & Siriwat 2016
[4] Akindes 2013
[5] Brill & Siriwat 2016
[8] ASEAN Football 2021
[9] Madichie & Mbah 2015
[10] Koch 2013
[11] Soares 2007
[12] Madichie & Mbah 2015
[13] Brill & Siriwat 2016
Bibliographie
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