Cambodge: Les enfants des rues

par Cédrick Ménard

(Figure 1) : LEGRAND, Christine. (4 avril 2013). Au Cambodge, les petits chiffoniers du ferry de Neak Loeung. La Croix. https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Au-Cambodge-les-petits-chiffonniers-du-ferry-de-Neak-Loeung-2013-04-04-928901

Prétentions universalistes

L’organisation des Nations Unies se présente comme défenseur des « droits fondamentaux de l’homme […] sans distinction aucune »[1]. Elle proclame également le caractère universel de ses déclarations, qui se veulent applicables à toutes sociétés humaines sans discrimination[2]. Elle défend dans la Déclaration des droits de l’enfant : « l’importance des traditions et valeurs de chaque peuple dans la protection et le développement harmonieux de l’enfant »[3]. Cependant, les revendications de celle-ci ne peuvent prétendre pouvoir s’appliquer à la réalité socioculturelle propre à chaque région. Leur caractère qui se veut intemporel , absolu, universel et naturel empêche leur négociation et leur localisation. Cette situation est d’autant plus défavorable aux pays victimes d’une extrême pauvreté matérielle[4].

Situation locale

C’est ainsi que le Cambodge fait face au problème des « enfants des rues ». Ceux-ci sont décrits comme étant : « [des] enfants de moins de dix-huit ans qui passent la plus grande partie de leur temps dans la rue, qu’ils conservent ou non un lien avec leur famille »[5]. Plusieurs facteurs internes comme externes peuvent expliquer la tendance aux enfants cambodgiens à quitter le foyer familial. La mainmise du régime khmer rouge suivi du régime autoritaire provietnamien sur le pays en est un. Ces régimes ont eu l’effet de maintenir le Cambodge hors du marché international en plus de piller les ressources nationales jusqu’en 1998. À l’externe, le pays se retrouve donc peu armé face au marché mondial qu’il intègre dès 1991. Il était donc difficile de résister aux pressions internationales en faveur de l’instauration d’un système économique libéral[6].

Ainsi, l’extrême pauvreté qui en découle favorise la nécessité du travail des enfants pour subvenir aux besoins de la famille. La conception même de l’enfance selon les conventions cambodgiennes joue elle aussi un rôle d’ampleur. Les enfants, au sens générationnel du terme, c’est-à-dire peu importe l’âge, adulte ou non, sont conçus comme redevable envers leurs parents pour la vie. De ce fait, la catégorie de « l’enfance », en soi, n’existe pas. Le phénomène est tel que les enfants, principalement les fillettes, sont perçus comme étant des sources importantes, parfois même principales, de revenu. La pression exercée par la famille sur les enfants devient toutefois telle que plusieurs d’entre eux quittent le foyer pour tenter leur chance, seuls dans les centres urbains. La violence découlant de l’alcoolisme est souvent mise de l’avant comme une cause de départ. Il est d’ailleurs démontré que dans les situations d’extrême pauvreté, les enfants qui vivent loin de leurs parents s’en tirent souvent mieux, même si davantage exposés à la violence[7].

Inadéquation

C’est ici que la Déclaration des droits de l’enfant des Nations Unies faillit à sa tâche. Les enfants cambodgiens se retrouvent face à l’impossibilité de s’instruire. Leurs parents ne peuvent se permettre de payer pour leur éducation, encore moins de disposer volontairement d’une source de revenu. Ils se retrouvent à vivre seuls et sans domicile. Surtout, ils se retrouvent devant l’impossibilité de travailler légalement pour subvenir à leurs besoins. La mondialisation des droits de l’enfant et son application sans adaptation aboutissent donc à ceci : les enfants cambodgiens n’ont souvent d’autre choix que de se tourner vers le marché noir, le gangstérisme et la prostitution[8]. Les enfants des rues se retrouvent donc dans les limbes d’un système international où le désir du respect uniforme de conventions fixes et non représentatives de leur réalité fait en sorte que leur enfance est mise en péril plus que s’ils avaient droit au travail.

Il s’agit malheureusement d’un incontournable auquel la société cambodgienne doit faire face. Le gouvernement du pays reconnait qu’un partenariat entre lui et la société civile est nécessaire à son développement économique. Ainsi, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) prennent en charge les problèmes liés à la pauvreté, comme celui des enfants des rues. Cependant, ce sont les institutions gouvernementales ou de développement international, comme les Nations Unies, qui légitiment l’institutionnalisation de celles-ci par leur implication[9]. C’est donc spécifiquement aux problèmes liés aux droits des enfants, à l’éducation et au trafic sexuel, selon les critères internationaux, qu’elles s’attaquent.  Une impasse s’impose donc ; la seule aide légitime se voit soumise aux conventions précédemment mentionnées. Le Cambodge ne peut recevoir qu’une aide palliative à ses problèmes, alors que régler ceux-ci à la source serait la solution la plus viable.

 

BIBLIOGRAPHIE

Guillou, a. Y. (2009). Au psime du VIH. Enquêter auprès des enfants des rues au Cambodge. Anthropologie et Sociétés, 33(1), 101-122. https://doi.ord/10.7202/037815ar

Khieng, S., Lyne, I. (2016, octobre). L’entreprise sociale au Cambodge : typologie et institutionnalisation. Revue internationale de l’économie sociale, (342), 36-53. https://doi.org/10.7202/1038125ar

Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme. (2020). Convention relative aux droits de l’enfant. OHCHR 1996-2020. https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspx

 

[1] Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme. (2020). Convention relative aux droits de l’enfant. OHCHR 1996-2020. https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspx

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Guillou, a. Y. (2009). Au psime du VIH. Enquêter auprès des enfants des rues au Cambodge. Anthropologie et Sociétés, 33(1), 101-122. https://doi.ord/10.7202/037815ar

[5] Ibid. 106.

[6] Ibid. 101-122.

[7] Guillou, a. Y. Op. cit. 101-122.

[8] Ibid. 101-122.

[9] Khieng, S., Lyne, I. (2016, octobre). L’entreprise sociale au Cambodge : typologie et institutionnalisation. Revue internationale de l’économie sociale, (342), 36-53. https://doi.org/10.7202/1038125a.

 

 

 

 

 

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