République d’Indonésie : La démocratie remise en cause.

1. Armoiries de la République d’Indonésie

 

Dès le seizième siècle, l’archipel indonésien devint l’enjeu d’une âpre rivalité de puissances extérieures. Les Portugais et les Espagnols, à la recherche des épices, furent les premiers Européens à y pénétrer. Les Néerlandais vinrent, vers la fin du seizième siècle, prendre leur part de ce fructueux commerce et fondent « Compagnie unie des Indes orientales. » Fondée en 1602,  cette dernière va être le dernier colonisateur de l’Indonésie même après l’invasion japonaise en 1942.(1)

Face au déclin des Japonais en 1945, le chef du Parti National Indonésien, Soekarno, proclame l’indépendance les 17 aout de la même année. Le 16 décembre 1949, L’Indonésie devient officiellement la République d’Indonésie avec Soekarno comme premier président de la République.(2)Par la suite, le gouvernement indonésien fonctionne conformément à la constitution, rédigée dans la foulée de la proclamation de l’indépendance. Bien que les bases de la démocratie sont bien ancrées dans cette constitution, elle est aujourd’hui remise en question.

L’Indonésie est-elle une démocratie ?

2. Suharto en 1993

Alors que le premier article selon lequel « la souveraineté est dans les mains du peuple et est exécutée selon la Constitution »,(3) l’Indonésie semble se baser sur l’un des principes de la définition d’une démocratie: « Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple ».(4) Cependant, l’Indonésie connaît depuis 1998 deux transitions difficiles vers la démocratie, le fonctionnement du gouvernement ayant été changer lors de la gouvernance du Soeharto,(5) qui avait instauré un régime présidentiel où le président détenait le pouvoir absolu, les structures politiques et gouvernementales Indonésiennes aujourd’hui ont largement été réformées.

Le Pays est aujourd’hui un État unitaire, mais décentralisé, la République indonésienne est désormais du type parlementaire avec des vestiges présidentiels. La séparation des pouvoirs est de nouveau en place. Avec le pouvoir exécutif détenu par le Président qui est le chef d’État et est élut tous les cinq ans au suffrage direct. Le pouvoir législatif, qui est constitué d’une chambre basse (le Conseil représentatif du peuple ou DPR,) et d’une chambre haute ( le Conseil représentatif des régions ou DPD), et dont les membres sont élus au suffrage direct pour cinq ans. Dans le cas du pouvoir judiciaire, la plupart des conflits civils sont résolus à la Cour d’État et les appels sont entendus à la haute Cour, où dans des cas plus graves a la cour suprême.(6)

Bref, comme dans tout pays qui fonctionne selon le principe démocratique, les Indonésiens élisent leurs dirigeants et leurs représentants.

Pourquoi cette démocratie est remise en question ?

  • La Liberté d’expression menacée

Bien que, lors de la présidence de BJ Habibie, des lois sur la liberté d’expression ont été signées après la révision de la Constitution indonésienne en 2000, la détermination de la Constitution sur la liberté d’expression est plus rigoureuse.(7) En 2016, alors que l’Indonésie voit les agressions journalistiques se multiplier, les agressions et les menaces par les forces de l’ordre et les autorités locales restant impunies, instaure une atmosphère de peur et d’autocensure au sein de nombreuses rédactions.(8)

3. Meiliana est jugée le 17 juillet dans une affaire de blasphème.

De plus, a cause d’idéologie du Parti Pacasila, mettant en avant les valeurs de la religion, de cultures et le droit de coutume, les limites à la liberté d’expression en Indonésie sont fortement influencées. L’exemple de l’affaire Meiliana révèle le problème de la liberté d’expression face à la religion. Alors que Meiliana a été condamnée en août 2018 à dix-huit mois de prison.(9) Cette condamnation a aussitôt été dénoncée. Amnesty International a qualifié le verdict de «décision ridicule» qui constituait une «violation flagrante de la liberté d’expression».

 

  • Le projet de réforme de 2019

    4. Le président indonésien Joko Widodo, à Bogor, le 7 octobre 2019.

En 2019, le président Joko Widodo met en place un projet de réforme prévoyant une peine de six mois de prison pour les relations sexuelles hors mariage et une loi de restriction des pouvoirs de l’agence anticorruption. Les manifestations étudiantes, illustrent l’ampleur des mécontentements face à ce projet de loi.(10) De plus le texte prévoit aussi une application plus large de la loi controversée sur le blasphème et envisage d’interdire les « insultes » envers le président ou le vice-président. Les efforts des groupes musulmans conservateurs pour durcir le Code pénal sur les aspects de morale sexuelle ont été vivement critiqués par les défenseurs des droits et de nombreux citoyens de ce pays de 260 millions d’habitants.

  • L’islam en porte à faux

5. L’ancien siège de la KPK à Jakarta

Bien que Soekarno et Hatta aient choisi de ne pas faire référence à la figure de l’islam dans la constitution, les mouvements conservateurs islamistes font un retour en force. Le président Joko Widodo, considéré comme un symbole de la tolérance pluriconfessionnelle dans un archipel travaillé par le retour du religieux,(11) a choisi comme vice-président le conservateur Ma’ruf Amin. Le président se voit alors entouré d’une oligarchie conservatrice qui domine la scène politique, et n’a rien pu faire pour s’opposer à la loi qui affaiblit considérablement les pouvoirs de l’agence anticorruption « KPK », dont l’entêtement à punir les hommes d’affaires corrompus menaçait les intérêts des oligarques.,

Longtemps montrée en exemple pour la tolérance entre les différentes religions et cultures de l’archipel, l’Indonésie a pris un tournant plus conservateur sous l’influence de mouvements musulmane traditionalistes.

 

Crédits Photos:

  1. Wikipédia / Gunawan Kartapranata (1950)
  2. Wikipédia / Secrétariat d’État de la République d’Indonésie (1993)
  3. ANTARA FOTO / Septianda Perdana (2018)
  4. AP / Dita Alangkara (2019)
  5. Wikipédia / Davidelit (2008)

Bibliographie:

  1.  Marco Vasco en Indonésie, « Histoire de l’Indonésie », 2020. https://indonesie.marcovasco.fr/guide-indonesie/histoire-de-lindonesie.html
  2. Ambassade de France a Jakarta, « Chronologie historique de l’Indonésie », 10 avril, 2018. https://id.ambafrance.org/Chronologie-historique-de-l
  3. Denis Levy, « La constitution de la République d’Indonésie », Revue internationale de droit comparé 4, 2 (1952): 268-280, https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1952_num_4_2_8807
  4. Définition Démocratie, Larousse en Ligne. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/démocratie/23429
  5. Maxime, Asselin-Blain, « Suharto : sauveur ou dictateur ? », Perspective Monde, 10 février (2008). http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=702
  6. Wikipédia, « Indonésie: Politique », 27 avril, 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Indon%C3%A9sie#Politique
  7. Rudi, Natamiharja. « La Liberté d’Expression en Indonésie »,  Mémoire de D.A, Université de Lampung, 2018. https://www.researchgate.net/publication/330277392_La_Liberte_d’Expression_en_Indonesie
  8. Phelim, Kine, »La fragile liberté des médias en Indonésie », Association franco-indonésienne Pasar Malam, 5 mars, (2018). https://www.hrw.org/fr/news/2018/03/05/la-fragile-liberte-des-medias-en-indonesie
  9. Karina, M. Tehusijarana, Apriadi, Gunawan, « The Meiliana Case: How a noise complaint resulted in an 18-month jail sentence », The Jakarta Post, 23 aout,(2018). https://www.thejakartapost.com/news/2018/08/23/the-meiliana-case-how-a-noise-complaint-resulted-in-an-18-month-jail-sentence.html
  10. Bruno, Philip, « En Indonésie, un projet de réforme du code pénal provoque la colère des étudiants », Le Monde,  27 septembre, (2019). https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/27/un-projet-de-reforme-du-code-penal-provoque-la-colere-des-etudiants-indonesiens_6013283_3210.html
  11. Bruno, Philip, « En Indonésie, Joko Widodo débute un mandat dans un climat de défiance », Le Monde,  19 octobre, (2019). https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/19/en-indonesie-joko-widodo-debute-un-mandat-dans-un-climat-de-defiance_6016157_3210.html
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