Minorités ethniques du Myanmar; victimes de ségrégation raciale.
Par Mylaine Larocque
Le Myanmar, anciennement appelé Birmanie avant la prise du pouvoir des militaires en 1989, est un territoire de tensions et de conflits depuis des décennies. La population birmane, constituée à plus de 85% de bouddhistes, comporte aussi plusieurs groupes de minorités ethniques dont les Rohingyas. Ces-derniers subissent énormément de racisme de la part des nationalistes, cet enjeu sera donc ici présenté. (Tuang Suante 2019).
Ashin Wirathu, moine birman à la tête de groupes extrémistes.
Photo – Crédit: Radio-Canada. 15 septembre 2017.
Faits, chiffres et conséquences
Une partie des Rohingyas pratique majoritairement la religion musulmane et occupe le pays depuis des siècles dans l’État d’Arakan (Bazin 2016). Cependant, depuis la forte montée du nationalisme bouddhiste, des centaines de milliers de musulmans doivent quitter leur pays sous risque de menaces à leur sécurité. En effet, plus de 400 000 réfugiés ont été accueillis dans des camps au Bangladesh, étant refusés dans d’autres pays tels que la Thaïlande et la Malaisie (Bazin 2016). Judith Bazin résume clairement les atrocités que vivaient et vivent encore aujourd’hui les Rohingyas; une grande partie des bouddhistes birmans les insultent, vont dans leurs quartiers et massacrent tout, les menacent constamment et vont même jusqu’à commettre des actes terroristes meurtriers ( Bazin 2016).
Malheureusement, même après leur départ, les Rohingyas vivent dans des conditions horribles, soit par la pauvreté dans les camps, par le développement du trafic humain qui s’est développé autour d’eux, etc. (Bazin 2016). Les chiffres de 2017 comptaient 900 000 réfugiés et près de 7 000 morts chez les Rohingyas dû aux rébellions menées par ceux-ci, ce qui peut être qualifié de génocide (Boisseau du Rocher 2018).
Ce n’est pas tout, malgré les actions extrémistes posées par sa population bouddhiste, le gouvernement ne réagit pas vraiment. Même si le peuple musulman ne constitue que 5% de la population du pays, il s’agit tout de même de plus de deux millions de personnes. Aung San Suu Kyi, Conseillère spéciale de l’État et anciennement Présidente de la République de l’Union du Myanmar, a sévèrement été critiquée dû à son manque d’assistance et de collaboration face aux Rohingyas. En 2019, elle ne qualifiait pas cette situation de génocide et semblait se ranger du côté de l’armée nationaliste en la protégeant (Van Ouwerkerk 2019). Cette banalisation du problème peut être expliquée par le fait que la conseillère souhaite éviter le plus de tension possible, ce qui est difficile en confrontant la majorité de la population. Mais il reste pour autant que les actes commis ne sont pas à faibles conséquences et qu’ils doivent être pris au sérieux dans les plus brefs délais.
Montée du nationalisme; cause du terrorisme
Le territoire du Myanmar a été sous colonisation du peuple birman pendant plusieurs siècles, ce qui a eu comme effet d’enraciner et de développer les valeurs nationalistes. Le nationalisme birman se caractérise surtout par l’importance du bouddhisme. Avec le temps, ce pays a tout de même traversé bon nombre de guerres et de conflits, ce qui explique son instabilité actuelle. L’élément déclencheur se trouve être la prise du pouvoir politique par l’armée lors du coup d’État en 1962.
Des Rohingyas manifestent à New Delhi. Source
: AFP Prakash Singh. 05/09/2017
L’armée, prônant la pratique bouddhiste, est devenue de plus en plus autoritaire (Egreteau 2015, 76) et même si son pouvoir lui a été enlevé afin qu’un premier ministre légitime l’obtienne, ce-dernier et ceux qui ont suivis n’ont pas tous empêché l’augmentation du sentiment nationaliste. De plus, l’armée et les premiers ministres n’étaient pas les seuls acteurs ayant influencé la population au nationalisme et au racisme. Il y avait aussi la présence de grands représentants religieux bouddhistes. Ashin Wirathu, un moine connu et très expressif au Myanmar, est considéré comme la tête du mouvement islamophobe. Il a entrepris plusieurs méthodes discriminatoires contre le peuple musulman (Haquet 2017). À plusieurs reprises, il a porté des propos racistes de façon publique contre les Rohingyas, il a incité ses disciples à la haine en organisant des émeutes, il a recommandé de boycotter les commerces musulmans et a même proposé que la conversion d’une femme bouddhiste en musulmane par son mari est un acte criminel (Haquet 2017). Aussi, Wirathu est aussi dirigeant du mouvement nationaliste 969, une organisation islamophobe bouddhiste (Pavlovska 2013).
Il va donc sans dire que lorsque les dirigeants politiques et religieux s’expriment sur leur opinion politique et ce, publiquement, la possibilité que la population soit fortement influencée est probable. Donc, puisque le nationalisme bouddhiste était l’idéologie prônée depuis très longtemps, les citoyens s’y sont prêtés. Puis, avec le temps, la majorité est devenue bouddhiste tout en devenant réticente à la religion musulmane et donc, aux Rohingyas. Le Myanmar est la preuve concrète que le nationalisme n’arrive pas toujours à des fins pacifiques et justes pour tout le monde.
Bibliographie
Bazin, Judith. 2016. «Rohingyas, réfugiés et apatrides». Plein droit 3 (no 110): 28-31. https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2016-3-page-28.htm?contenu=article
Boisseau du Rocher, Sophie. 2018. «Rohingya : une sortie de crise est-elle possible ?» Politique étrangère, hiver (4): 117-132. DOI : 10.3917/pe.184.0117.
Egreteau, Renaud. 2015. «Le coup d’État du 2 mars 1962 en Birmanie. Perceptions et réactions de la diplomatie française » Relations internationales 164 (4): 111-136. doi:10.3917/ri.164.0111.
Haquet, Charles. 2017. «Ashin Wirathu, moine bouddhiste: on l’appelle le »Hitler birman »». L’Express. le 9 juin 2017. https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/ashin-wirathu-moine-bouddhiste-on-l-appelle-le-hitler-birman_1915393.html
Nadica, Pavlovska. 2013. «Myanmar’s wirathu : the social influencer in sectarian violence.» RSIS Commentaries, 169 (1): 1-2. https://dr.ntu.edu.sg/handle/10356/104253?mode=simple
Tuang Suante, Kam Tung. 2019. « Le système éducatif birman : transformations en cours et enjeux d’avenir », Revue internationale d’éducation de Sèvres 80 (1): 31-38. DOI : https://doi.org/10.4000/ries.8102
Van Ouwerkerk, Charlotte. 2019. «Aung San Suu Kyi réfute les accusations d’un génocide rohingya au Myanmar» Le Devoir, 12 décembre 2019. https://www.ledevoir.com/monde/asie/568850/rohingyas-aung-san-suu-kyi-refute-toute-intention-genocidaire