Alizée BEL
« Ici on ne plaisante pas avec les religions qui toutes ont leur place sur un petit territoire et où se côtoient tant d’origines ethniques et près de dix croyances différentes. De la même façon, les propos racistes sont condamnés par la justice » sont les paroles du Père Bruno Saint-Girons sur « l’harmonie religieuse » régnant à Singapour et le rapport du gouvernement envers cette multiplicité ethnique et religieuse au sein du pays. (Père Bruno Saint-Girons, tiré de Infochrétienne, 2018). »
En effet, la République de Singapour, pays marqué par son historique coloniale s’est aujourd’hui créé une identité cosmopolite consolidée par un pluralisme religieux entre le Bouddhisme mahayana, l’Islam, le Christianisme, l’Hindouisme et bien d’autres
Comment explique-t-on cette diversité religieuse à Singapour ?
La composition ethnique de Singapour explique actuellement le pluralisme religieux existant sur l’Ile (Deverge, 1980). En effet, en 1976 était répertorié sur une population de 2,27 millions d’habitants 76% de Chinois, 15% de Malais, 6,7% d’Indiens, Pakistanais et Sri Lanka, 2,2% divers (Européens, Eurasiens . . .) (Duverge, 1980).
Actuellement, avec presque six millions de Singapouriens, on compte 74 % de Chinois, 13 % de Malais, et 9 % d’Indiens (Malovic, 2017). Officiellement, Singapour reconnait actuellement 10 religions qui composent le territoire de la Cité-État. (Malovic, 2017). Il s’agit de l’Islam, le Bouddhisme, le Taoïsme, l’Hindouisme, le Judaïsme, le Sikhisme, le Zoroastrisme, le Bahaïsme, le Jaïnisme et le Christianisme (Malovic, 2017). Dans le cadre religieux sont ainsi recensés 33 % de bouddhistes, 19 % de chrétiens, 18 % sans religion, 15 % de musulmans, 10 % de taoïstes et 5 % d’hindous (Malovic, 2017).
Il s’agit ainsi de la plus grande diversité religieuse en comparaison à plus de 200 pays au monde selon une étude du centre de recherche Pew (2014).
Avec le multiculturalisme entrainant une pluralité religieuse aussi importante, comment le gouvernement et la politique de l’État jonglent entre les croyances religieuses afin de maintenir le respect à Singapour ?
« Les prédications religieuses qui incitent à la violence ou opposent une religion à une autre ne seront pas tolérées à Singapour (Père Bruno Saint-Girons, tiré de Infochrétienne, 2018). »
La paix religieuse ancrée à Singapour depuis son indépendance en 1965 résulte de la politique laïque mené par le gouvernement au pouvoir depuis 1959, le People’s Action Party (Deverge, 1980).
Le fondement de cette politique émerge de plusieurs facteurs. Tout d’abord, le souvenir de l’utilisation politique des fanatismes musulmans dans la région, notamment les émeutes raciales du quartier de Geylang en 1964 à Singapour (Harmonic, 1999) , ou encore en Indonésie en 1965, ou en Malaisie en 1969, ont marqués l’histoire de l’Asie du Sud-Est. (Duverge, 1980).
En 1964, Singapour faisait encore partie de la Fédération de Malaisie (Han, 2014). Durant cette époque de pré indépendance, des tensions raciales s’installaient à Singapour. Le 21 juillet 1964, des émeutes raciales entre Malais et Chinois ont éclaté au quartier de Geylan « lors d’une procession musulmane organisée pour célébrer l’anniversaire du prophète Mahomet (Han, 2014) ». Sur l’ile, ces fanatismes ont marqué la naissance de la République de Singapour en 1965 (Duverge, 1980).
Mais aussi, la régularité de personne de pouvoir allant sur la même lignée idéologique depuis des années, ainsi que l’accent mis sur le développement économique par le gouvernement mobilisant la communauté et écartant la religion comme valeur centrale des Singapouriens a forgé cette politique laïque de Singapour (Duverge, 1980).
En effet, la Constitution de Singapour de 1963 à scellé le principe de liberté religieuse autorisant le droit à toute personne de « professer et de pratiquer sa religion et de la propager » (l’observatoire de la liberté religieuse, s.d). Par la suite, en 1990, le principe du maintien de l’harmonie religieuse a été ajouté à la constitution au travers d’un amendement (l’observatoire de la liberté religieuse, s.d).
On constate aussi la neutralité du gouvernement au niveau religieux et son « harmonie religieuse » au travers des multiples constructions de lieux de culte présent au pays (Duverge, 1980). En effet, les fidèles du bouddhisme Mahayana (chinois) comptaient déjà 120 lieux de culte, les musulmans (malais) disposaient de 90 mosquées, les catholiques disposaient de 26 églises, les protestants de 110 temples ainsi que 34 temples à disposition des hindouistes (indiens) , 12 temples pour les Sikhs et 2 synagogues pour la population juive de Singapour en 1980 (Duverge, 1980).
Aujourd hui, « Les gens ont accepté la diversité religieuse, tant et si bien que les diverses fêtes religieuses sont aussi suivies par les personnes de confession différente (Affaires mondiales Canada, 2018) ». Le philosophe écrivain musulman Imran Mohamed, modèle d’engagement interreligieux à Singapour affirme qu’« Ici à Singapour ce dialogue et ces échanges entre bouddhistes, hindous ou chrétiens ne sont pas une chimère, ce ne sont pas que des mots faits pour nous rassurer, il se vit dans la réalité. » (Malovic, 2017) .
De plus, il existe a Singapour deux instituions destinées à faciliter le dialogue entre les lieux de cultes et religions et le gouvernement (Duverge, 1980). Il s’agit de l’« Organisation Inter-religieuse de Singapour » rassemblant les représentants de chaque religion afin « d’établir une coopération entre les leaders des religions sur des questions approuvées par toutes les religions (Duverge, 1980) ». Le Conseil présidentiel pour le respect des droits des minorités est aussi présent au sein de la Cité État comme conseiller du gouvernement et avocats des minorités en cas de conflits éventuels (Duverge, 1980). Ces conflits peuvent exister, mais sont rarement mis sur le devant de la scène et sont réglés assez discrètement (Duverge, 1980). Le gouvernement prend notamment des précautions avec la religion musulmane, représentant une minorité de 15% majoritairement Malaise, en raison des fanatismes qui ont marqué l’histoire de la région et de l’ile, mais aussi de sa position géographique entre l’Indonésie et la Malaisie, tous deux à majorité musulmane.
Ce fonctionnement singapourien a été décrit par Zainul Rasheed, ministre d’État des Affaires étrangères de Singapour, comme la «laïcité avec une âme» (La politique religieuse, 2017).
Toutefois, le contexte historique de Singapour écrit t-il une histoire personnelle concernant l’Islam ou cette laïcité revendiqué est-elle réellement véridique ?
Bibliographie :
Affaires mondiales Canada. (2018). Singapour. Repéré à : https://www.international.gc.ca/cil-cai/country_insights-apercus_pays/ci-ic_sg.aspx?lang=fra
Caférock. (2018). Singapour émeute de religion. [Image en ligne]. Repéré à : http://www.rock-cafe.info/suggest/singapore-religion-riot-73696e6761706f7265.html
Deverge M. (1980). Note sur la politique des religions de Singapour. Archipel, 19, 155-159. Repéré à : http://www.persee.fr/doc/arch_0044-8613_1980_num_19_1_1531?q=r%C3%A9gime+politique+Singapour+
Han, J. (2014). Émeutes communales de 1964. Repéré à : http://eresources.nlb.gov.sg/infopedia/articles/SIP_45_2005-01-06.html
Info chrétienne. (2018). À Singapour les chrétiens ont décidé de se focaliser sur ce qui les unit plutôt que de regarder ce qui les divise. Repéré à : https://www.infochretienne.com/a-singapour-les-chretiens-ont-decide-de-se-focaliser-sur-ce-qui-les-unit-plutot-que-de-regarder-ce-qui-les-divise/
La politique religieuse. (2017). La loi s’applique à tous, que vous soyez ministre, simple citoyen, pasteur ou imam. Repéré à : https://singapouraupluriel.wordpress.com/category/la-politique-religieuse/
Malovic, D. (2017). Singapour est un singulier laboratoire interreligieux. Repéré à : https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Singapour-singulier-laboratoire-interreligieux-2017-07-19-1200863920
Pew Research Center. (2014). Global Religious Diversity. Repéré à : https://www.pewforum.org/2014/04/04/global-religious-diversity/
Sciences Po – Ateliers de cartographie. (2017). Diversité religieuse en Asie du Sud-Est, 2010. [Image en ligne]. Repéré à : https://www.sciencespo.fr/enjeumondial/fr/religion/part1-5
seniorsaloud. (2010). Un conseil interfaith est t-il un rêve de pipe ? [Image en ligne]. Repéré à : https://www.seniorsaloud.com/2010/12/is-interfaith-council-pipe-dream.html