L’identité nationale en Birmanie et la crise des Rohingya

Par Roxanne Lord D’Onofrio

Un des enjeux des pays de l’Asie du Sud-Est nouvellement indépendant était de consolider l’identité nationale. Pour des pays nouveaux, hétérogènes et avec des frontières mal définies, le défi est de taille. Effectivement, les frontières ont été artificiellement dessinées à la suite du processus de colonisation et de décolonisation. Ainsi, les gens occupant le même territoire ne se considèrent pas nécessairement comme étant Malais en Malaisie, ou Thaïs en Thaïlande. L’identité collective se construit autour de plusieurs aspects, dont l’appartenance religieuse, la langue et l’origine sociale.

En Birmanie, le point commun de la population est l’importance du bouddhisme [1]. Dans l’imaginaire populaire, le bouddhisme est souvent associé à des images de paix et de vivre ensemble. Or, en Birmanie, les leaders bouddhistes, comme Ashin Wirathu, entretiennent un discours de haine envers les Rohingya; les musulmans qui habitent la région. La communauté des Rohingyas est marginalisée et exclue depuis plusieurs années. Ils sont discriminés pour deux raisons : ils sont musulmans et non birmans [2].

Ashun Wirathu. Source: l’Express

La présence des Rohingya date du Ve siècle. Ils s’étaient facilement intégrés aux populations locales, tout en étant de confession musulmane[1]. À l’époque, le territoire de la Birmanie n’était pas aux frontières actuelles. En fait, les Rohingya s’étaient installés dans le royaume arakanais, qui fut vaincu par le royaume birman, son voisin. Durant la colonisation britannique, les anglais utilisèrent des musulmans comme soldats contre les Birmans. Depuis, les Birmans voient dans le peuple musulman, un peuple de traitres [2]. La présence politique des musulmans chute considérablement au fil des années, principalement à cause des cycles d’incompréhensions, de malentendus et de violence qui chassent les musulmans vers le nord[3].

Depuis l’ère coloniale, les « Birmans » ont eu l’habitude de considérer les Rohingyas comme étant des étrangers. Cette perception se traduit aussi dans leurs droits. En fait, ils ne sont pas considérés comme étant des citoyens au même niveau que leurs confrères. Ainsi, « leurs droits à étudier, à travailler, à se marier ou à profiter des services de santé sont restreints; leur mobilité est entravée ».[4] Les Rohingyas ne sont donc pas reconnus comme étant une des 135 ethnies de la Birmanie [5]. Très peu de chercheurs se sont intéressés aux liens entre le bouddhisme et le politique en Birmanie. Or, de récentes recherches tendent vers un lien étroit entre la religion et la vie politique [6]. En ce sens, le bouddhisme est pratiqué par près de 90% de la population [7]. Serait-il une tentative du nationalisme ethnique de la part des Birmans que d’éradiquer les Rohingyas ?

Source: Réseau International

Les tensions persistent depuis plusieurs années. Cependant, depuis l’été 2017, la situation a pris un nouveau tour : elle devient une crise. Effectivement, l’ONU utilise le terme de génocide pour décrire la crise[1] . Le gouvernement birman chasse violemment les Rohingya[1]. Les abus de forces du gouvernement sont souvent dénoncés sur la scène internationale. Sur les 1,2 million de Rohingyas habitant la Birmanie, 400 000 se sont enfui de la région [2].

Source: Le Quotidien

Pour ceux qui restent encore dans la région, le groupe armé des Rohingya ne suffit pas à défendre des bombardements, incendies et meurtres orchestrés par l’armée birmane. Les actes d’extrêmes violence dont sont victimes les Rohingya ont un écho de plus en plus grand sur la scène internationale. Ainsi, des groupes d’aide humanitaire se sont dépêchés en Birmanie, pour aider les Rohingyas affamés, terrorisés et épuisés. Arrêtés à la frontière, ils attendent au Bangladesh et dans les autres pays voisins l’autorisation d’entrer dans le pays.

Effectivement, l’ONU tente d’apporter de l’aide humanitaire à la Birmanie. Cependant, cette initiative est bloquée par les Chinois et le gouvernement de la Birmanie[1]. Le gouvernement birman branle le principe de non-ingérence pour se défendre de refuser l’aide internationale. Les Rohingya se réfugient dans les pays avoisinants, espérant un jour pouvoir retourner chez eux [2]. Dans cette crise, Aung San Sunn Kyi, la chef de facto fu gouvernement birman brie par son silence et son inaction. La chef avait reçu un prix Nobel en 1991.

Affiche d’une manifestation affichant le visage d’Aung San Sunn Kyi. Source: The Independent

Son comportement est donc dûment critiqué par la communauté internationale. En ce sens, l’ampleur de la crise est incontestable : les rapports de l’ONU et des ONG dans la région le témoignent. Souvent, le silence de la chef est interprété comme un signe de sa complicité dans le drame qui sévit en Birmanie.

[1] Sophie Boisseau du Rocher.2018.p.131

[2] Romain Geoffroy. 2017.


[1]
Sophie Boisseau du Rocher.2018.p.132

[2] Human Rights Watch. 2019

[1] Sophie Boisseau du Rocher.2018.p.131

[1] Sophie Boisseau du Rocher.2018. p.120

[2] Sophie Boisseau du Rocher.2018. p.121

[3] Sophie Boisseau du Rocher.2018. p.120

[4] Sophie Boisseau du Rocher.2018. p.121

[5] Romain Geoffroy. 2017

[6] Bénédicte Brac de la Perrière. 2017.

[7] Brac de la Perrière Bénédicte. 2017.

[1] Brac de la Perrière Bénédicte. 2017.

[2] Sophie Boisseau du Rocher.2018. p.121

Bibliographie

Brac de la Perrière Bénédicte. 2017. « Bouddhisme et politique en Birmanie ». Sciences Po-l’enjeu mondial. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL : https://www.sciencespo.fr/enjeumondial/en/odr/bouddhisme-et-politique-en-birmanie

Brac de la Perrière Bénédicte. 2018. « La tragédie des Rohingyas et son déni birman », Esprit, p. 28-32. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL : https://www.cairn.info/revue-esprit-2018-4-page-28.htm

Human Rights Watch. 2019 . Rohingya Crisis. Human Rights Watch, New York. [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URLhttps://www.hrw.org/tag/rohingya-crisis

Romain Geoffroy. 2017. « Comprendre la crise des Rohingya en Birmanie ». Le Monde. . [en ligne] Consulté le 21 avril 2019. URL :https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/13/tout-comprendre-a-la-crise-des-rohingya-en-birmanie_5185226_4355770.html

Sophie Boisseau du Rocher.2018. « Rohingya : une sortie de crise est-elle possible ? », Politique étrangère, 2018/4 (Hiver), p. 117-132. URL : possible ? », Politique étrangère, 2018/4 (Hiver), p. 117-132. URL : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2018-4-page-117.htm

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