Par Amélie Brideau
Au même titre que la Birmanie, le Laos est devenu membre de l’ASEAN en 1997. Depuis l’époque de son adhésion à aujourd’hui, ce pays a présidé l’ASEAN deux fois, une fois en 2004 et une autre fois en 2016. Il est considéré comme un membre actif remplissant ses obligations dans le cadre de l’ASEAN et ayant accueilli avec succès sa deuxième présidence en 2016[1].
Beaucoup de choses ont changé depuis 2004, le premier sommet présidé par le Laos. On peut remarquer ce changement au niveau technique, puisque l’ASEAN organise chaque année un millier de réunions, deux sommets (pour les membres de l’ASEAN et pour l’ASEAN + 3 : la Chine, le Japon et la Corée du Sud) ainsi que d’autres conférences de haut niveau[2]. En effet, les activités de l’organisation ont été plus nombreuses depuis les dernières années, contrairement aux années suivant sa création en 1967.
Grâce à ces multiples rencontres diplomatiques, le nouvel ambassadeur et représentant permanent du Laos auprès de l’ASEAN, Ekkaphab Phanthavong, a souligné leur importance, le rôle que doit jouer l’ASEAN sur la scène internationale et la manière dont l’organisation bénéficie au Laos maintenant et continuera de le faire au fil des années[3]. Face à ce constat énoncé par le représentant laotien de l’organisation, une question se pose : quelles ont été les raisons de l’intégration du Laos dans l’ASEAN et quels ont été les impacts de cette intégration sur le pays et sur son rôle dans la région ?
D’une part, en ce qui concerne les raisons, on peut déceler des raisons de nature géopolitique et économique[4]. D’autre part, en ce qui a trait aux impacts de cette intégration sur le pays et son rôle dans la région, elle se résume en une série de transformations au niveau économique et politique ainsi que la nature même du territoire.
Pourquoi avoir intégré l’ASEAN?
Le Laos a intégré l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est pour plusieurs raisons. La première que les représentants laotiens avancent régulièrement est que l’ASEAN leur confère un nette visibilité sur la scène internationale et leur permet d’avoir accès à des forums internationaux et à des conférences élargies de l’ASEAN qui viennent mettre un terme à leur isolement diplomatique[5]. En plus de leur donner un statut égal à celui de leurs voisins thaïlandais et vietnamiens, ils insistent sur le fait que l’intégration du Laos dans l’organisation est un moyen de faire valoir leurs intérêts nationaux au sein d’institutions multilatérales dans lesquelles les décisions collectives peuvent aller en leur faveur si elles sont bien coordonnées.
Une autre raison, qui peut sembler similaire à la précédente, est que le système fondé sur la coopération au sein d’une organisation multilatérale comme l’ASEAN sert, non seulement aux intérêts de la communauté, mais aussi aux intérêts nationaux et à sa sécurité, étant donné que le Laos est un État de moindre envergure avec peu de capacités économiques et militaires[6].
En effet, de nombreux affrontements et conflits opposant des grandes puissances se sont déroulés sur le territoire laotien, que ce soit durant la guerre d’Indochine ou la guerre du Vietnam. Le Laos n’avait guère le choix de choisir un camp au risque de perdre son indépendance ou de voir la dissolution de son gouvernement. En intégrant la communauté de l’ASEAN, le Laos voit enfin ses intérêts nationaux comme intouchables, puisque l’organisation repose sur des principes qui les protègent : le principe de non-ingérence, l’abandon du recours à la force, l’autonomie politique et d’action des gouvernements nationaux, etc. [7]
Le dernier motif (mentionné dans cet article et non pas le dernier qui a encouragé l’adhésion du Laos dans l’ASEAN) repose sur la rationalité économique, c’est-à-dire que le Laos a adhéré à l’ASEAN pour satisfaire ses intérêts économiques. Bien que le Laos se soit tourné vers l’économie de marché suite à des tentatives marxistes-léninistes du mode de production agricole bien avant son intégration dans l’ASEAN[8], soit en 1986, le Laos a vu en l’ASEAN un moyen de soutenir son développement économique et de s’ouvrir à un plus grand marché, surtout à travers l’AFTA (ASEAN Free Trade Area), un accord de libre-échange signé en 1992[9].
D’État-tampon en une plaque tournante économique
L’intégration régionale du Laos dans l’ASEAN a eu un impact sur sa politique, son économie et sur la nature de son territoire à long terme. En effet, depuis son adhésion, tout va vite dans le pays. Afin d’accéder au rang de puissance régionale, le gouvernement laotien attire l’attention des membres de la communauté et même ceux de l’extérieur en présentant son potentiel économique à travers ses ressources naturelles et ses terres cultivables[10]. À présent, sa politique, son économie et son territoire participent à l’exploitation de ses ressources naturelles (hydroélectricité, minerais, terres arables, forêts, etc.) et à ses bénéfices, transformant ainsi le Laos en une plaque tournante économique majeure dans la région.
La raison qui a créé l’État laotien (soit celle d’un état-tampon) et qui a su maintenir son existence s’est vu transformée en l’espace de deux décennies seulement. Alors que son territoire fut longtemps le terrain de tensions régionales et internationales et de velléités territoriales, il sert maintenant aux intérêts politiques et économiques du pays et ceux de ses voisins, grâce, en grande partie à son intégration dans l’ASEAN.
Bibliographie
Kyophilavong, Phouphet, Vanhnalat, Bounlert et Alay Phonvisay. 2017. « Lao SME Participation in Regional Economic Integration ». Journal of Southeast Asian Economies (JSEAE), Vol.34(1), p. 193-220.
Mottet Éric. 2015. « Géopolitique du Laos. Des ressources naturelles au service d’une intégration régionale », Revue internationale et stratégique, 2 (n° 98), p. 16-25.
Pholsena, Vatthana et Ruth Banomyong. 2004. Le Laos au XXIe siècle: Les défis de l’intégration régionale. IRASEC : Bangkok, 240p.
Parameswaran, Prashanth. 2016. « Laos in the ASEAN Spotlight: Opportunities and Challenges ». Dans The Diplomat. En ligne. https://thediplomat.com/2016/07/laos-in-the-asean-spotlight-opportunities-and-challenges/ (page consultée le 5 juin 2018).
Notes de bas de page
[1]Parameswaran 2016, The Diplomat
[2]Ibid.
[3]Ibid.
[4] Kyophilavong, Vanhnalat et Phonvisay 2017, p.195
[5] Pholsena et Banomyong 2004, p. 35
[6]Ibid, p. 38
[7] Ibid, p. 43
[8] Mottet 2015, p. 18
[9] Pholsena et Banomyong 2004, p. 31
[10]Mottet 2015, p. 18