La Chine: investisseur et pays donateur au Laos

Par Amélie Brideau

Le Laos est un pays de contrastes. D’une part, ce pays enclavé dans la péninsule sud-asiatique regorge de ressources naturelles (hydroélectricité, minerais, etc.) et de terres arables[1]. Depuis les quinze dernières années, le rôle des ressources naturelles et des terres représente un enjeu important pour le Laos et pour les pays voisins, surtout pour la Chine, un des principaux investisseurs au pays.

D’autre part, le Laos est l’un des États les plus pauvres d’Asie, avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant inférieur à 2000 dollars américains[2]. Le manque de fonds a rendu le Laos de plus en plus dépendant de l’aide étrangère, en grande partie celle en provenance de la Chine.  Face à ces deux réalités en contradiction, le Laos a vu ses relations économiques avec la Chine s’intensifier ces dernières années, que ce soit par l’entremise d’investissements financiers ou par l’aide financière[3].

Face à ce constat, à qui cette relation profite-t-elle vraiment ? La Chine est-elle la grande gagnante de cette situation ?

Bien que ces relations aient des avantages pour le Laos, elles amènent toutefois son lot d’inconvénients. Malgré le fait que le pays se transforme en une plaque économique tournante grâce aux investissements chinois[4], le manque de fonds pousse le gouvernement laotien à demander de l’aide financière extérieure, y compris chinoise, ce qui en vient à créer un relation de dépendance avec la Chine [5]. Par la même occasion, cette relation de dépendance maintient l’influence chinoise dans la région.

 

Investissements chinois : formule gagnante-gagnante ?

Le Laos est un partenaire stratégique pour la Chine. Il est un partenaire commercial important pour le Laos et son volume commercial annuel ne cesse d’augmenter (le volume d’échanges bilatéraux s’élevant à 1,73 milliard de dollars américains en 2012)[6].

Thongloun Sisoulith, le Premier ministre laotien (à gauche) serre la main du président chinois Xi Jinping (à droite) au Grand Palais du Peuple à Pékin le 1er décembre 2016 Source: https://www.gettyimages.fr/detail/photo-d’actualit%C3%A9/lao-prime-minister-thongloun-sisoulith-meets-chinas-photo-dactualit%C3%A9/626933816

Par sa position géographique, le Laos attire aussi les investissements chinois dans la construction d’infrastructures contribuant à sa stratégie nationale de devenir un pays de transit de marchandises, comme celui du pont de l’amitié thaï-lao sur le Mékong inauguré en décembre 2013. En effet, ce pont représente une connexion économique qui augmente l’influence chinoise économique au Laos, en Thaïlande et dans d’autres pays voisins[7].

Ce pont fait partie de l’immense plan d’infrastructure de transport de la Chine, qui comprend une liaison ferroviaire entre la Chine et le Laos de 421 kilomètres de Vientiane à la frontière qui relie le système ferroviaire chinois aux lignes du sud-est continental [8].

Par ailleurs, la Chine, faisant partie de l’un des cinq principaux investisseurs étrangers au Laos, investit aussi dans les secteurs de l’hydroélectricité (32% de l’investissement direct étranger au Laos (IDE) consacré à l’industrie des barrages provient de la Chine), des mines, de l’agriculture et du tourisme[9].

Bien que les investissements chinois augmentent la croissance économique du Laos et contribuent à sa stratégie de devenir la principale plaque tournante économique de la région, ils ont des impacts négatifs au niveau environnemental et social. Effectivement, le plus grand défi concerne les dommages environnementaux qu’occasionne une série de construction de barrages et de routes terrestres.

Par exemple, les dirigeant vietnamiens et cambodgiens, durant le deuxième sommet de la Commission du Mékong, ont critiqué le gouvernement du Laos concernant la construction d’un barrage sur le fleuve Mékong qui pourrait conduire à des dommages environnementaux non négligeables dans la région et à la décimation d’une rare race de dauphin[10].

Par la suite, cette situation creuse davantage d’inégalités de richesse entre les villageois locaux et les investisseurs et entre les villageois eux-mêmes. Les investisseurs et les fonctionnaires du gouvernement bénéficient de la stratégie nationale mentionnée plus haut, mais les villageois locaux restent perdants en raison de la perte de leurs terres et de la faible compensation qu’ils reçoivent[11] .

 

Aide au développement au Laos : stratégie politique chinoise ?

Parmi les économies émergentes (pays du BRICS), la Chine est l’un des plus grands donateurs non membres du CAD (Comité d’Aide au Développement), et son aide financière dédiée au développement outre-mer a augmenté rapidement depuis les années 2000. L’activité d’aide financière au développement dans trois régions du monde, à savoir l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est, est passée de 2,5 milliards de dollars américains en 2003 à 25 milliards de dollars américains en 2007[12].

Répartition géographique des fonds chinois d’aide étrangère en 2009. Source: Aide extérieure de la Chine, UNICEF, avril 2011.

De plus, la Chine est l’un des deux plus grands donateurs en termes de versement bilatéral d’Aide publique au Développement au Laos, l’autre étant le Japon. De ce fait, la Chine se retrouve en quelque sorte en « concurrence ». Aussi altruiste que semble être la Chine, le pays se trouve en Asie du Sud-Est principalement pour ses intérêts économiques, politiques et stratégiques nationaux[13].

Beaucoup de projets soutenus par l’aide chinoise ont été développés en réponse à des projets soutenus par l’aide japonaise, tels qu’un hôpital de 100 lits à l’extérieur de Luang Prabang, de même qu’un centre de langue chinoise construite à Vientiane après que les Japonais aient lancé des centres de formation linguistique[14].

L’aide financière, en plus de créer une relation de dépendance, maintient l’influence économique, politique et culturelle chinoise au Laos. Face à cela, la volonté du gouvernement laotien consiste à équilibrer sa dépendance vis-à-vis de la Chine (entre autres, en ayant plusieurs partenaires économiques) pour la santé de son économie et de son peuple[15]. On ne peut qualifier cette relation de juste et équilibrée.

 

Bibliographie

Aroonpipat, Sunida. 2018. « Governing aid from China through embedded informality: Institutional response to Chinese development aid in Laos ». China Information, Vol.32(1), p.46-68.

Case, William. 2011. « Laos in 2010 Political Stasis, Rabid Development, and Regional Counter-weighting ». University of California Press, Vol.51(1), p. 202-207.

C.Y. Ku, Samuel. 2014. « Laos in 2014: Deepening Chinese Influence » Asian Survey, p. 214-219.

Hutt, David. 2017. « China’s Aid a Matter of Life and Death for Laos ». Dans Asia Times. En ligne. http://www.atimes.com/article/chinas-aid-matter-life-death-laos/ (page consultée le 8 mai 2018).

Mottet Éric. 2015. « Géopolitique du Laos. Des ressources naturelles au service d’une intégration régionale », Revue internationale et stratégique, 2 (n° 98), p. 16-25.

Renwick, Neil. 2015. « China’s Approach to International Development: A Study of Southeast Asia ». Journal of Chine and International Studies, Vol.3(1), p. 104-129.

Notes de bas de page

[1]Mottet 2015, p. 19

[2]Hutt 2017, Asia Times

[3]Case 2011, p. 206

[4]Aroonpipat 2018, p. 48

[5]Ibid. p.47

[6]Renwick 2015, p. 117

[7]C. Y. Ku 2014, p. 216

[8]Ibid.

[9]Renwick 2015, p. 117

[10]C. Y. Ku 2014, p. 218

[11]Ibid.

[12]Aroonpipat 2018, p. 47

[13]Renwick 2015, p. 112

[14]Aroonpipat 2018, p. 47

[15]Hutt 2017, Asia Times

 

 

 

 

 

 

 

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