La sécurité et la coopération à Singapour

 

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Le 12 juin dernier, l’île de Singapour aura été l’hôte du tout premier sommet historique entre les États-Unis et la Corée du Nord. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier ce choix et celles-ci n’ont pas seulement à voir avec la commodité de son emplacement géographique. Il y a en effet fort à parier que les standards élevés de sécurité des infrastructures et le professionnalisme des services de sécurité du pays ont eu un rôle à jouer lorsqu’est venu le temps de décider où aurait lieu ce sommet. De façon plus concrète toutefois, quels sont les facteurs faisant de Singapour une référence en termes de logistique et de sécurité dans la région? C’est ce que nous tenterons de mieux comprendre ici.

La rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un aura, au total, coûté à Singapour la somme de 15 millions de dollars US en plus de mobiliser un nombre d’officiers de police et de premiers intervenants équivalent à environ un tiers des effectifs totaux du pays.[1] Il est évident que cette opportunité de faire la démonstration de l’efficacité et du professionnalisme des services de sécurité du pays devait être saisie. Non seulement pour consolider la réputation de Singapour mais également celle de l’ensemble de l’Asie du Sud-Est démontrant ainsi, une fois de plus, que la région est incontournable.

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Il semble toutefois que Singapour soit présentement aux prises avec une crise de la main d’œuvre dans le domaine de la sécurité, le nombre de candidats ayant radicalement chuté au cours des dernières années. Pour remédier à ce problème, le gouvernement a récemment pris la décision d’augmenter le salaire de base de 300$ d’ici 2021.[2] La vigilance citoyenne est aussi mise de l’avant à travers des initiatives telles que la Community Engagement Programme qui cherche à sensibiliser les citoyens aux enjeux de sécurité nationale et à rapporter tout incident suspect aux autorités.[3]

En février de cette année, le gouvernement a approuvé un nouveau projet d’investissement de 10 millions étendu sur 3 ans (le Security Industry Transformation Map ou ITM), destiné à transformer l’industrie ainsi qu’à encourager le développement et l’intégration des nouvelles technologies dans le secteur de la sécurité en plus d’encourager les employés à développer leurs compétences. Le projet vise aussi un meilleur rendement; non pas en en augmentant les effectifs comme ce fut traditionnellement le cas mais plutôt en incorporant ces nouvelles technologies dans le processus.[4]

Pour atteindre ces objectifs, le projet propose une stratégie en quatre temps : Supporter le développement et l’innovation technologique; chercher à offrir des services ciblés et sur mesure à tout type de demande (le tout sous la supervision du gouvernement); s’assurer que les normes gouvernementales soient parfaitement alignées avec les objectifs du ITM afin d’accroitre l’efficacité du programme et, finalement, investir dans le développement des compétences et la performance des employés tout au long de leurs carrières. Le projet est une initiative et une collaboration entre le secteur gouvernemental, le secteur syndical et un regroupement d’employeurs du secteur de la sécurité.[5]

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Lorsqu’il s’agit de coopération régionale, Singapour fait figure de de joueur étoile. L’un des objectifs principaux du pays est d’ailleurs de contribuer à renforcer l’architecture de la sécurité régionale. À l’occasion du sommet de l’ASEAN qu’il accueille cette année, le pays dit avoir l’intention de renforcer la coopération multilatérale avec la Chine, les États-Unis, l’Australie, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et l’Union Européenne dans l’espoir de développer des stratégies communes face aux menaces non-traditionnelles tout en accordant une importance particulière aux enjeux de cybersécurité.[6]

Le terrorisme représente, depuis plusieurs décennies, un enjeu de taille non seulement pour Singapour mais pour tous les pays de l’Asie du Sud-Est. Cette menace a toutefois gagné en sévérité depuis le déclenchement de la « guerre contre le terrorisme » à l’échelle mondiale. À titre d’exemple, un réseau régional établi par Al-Qaeda, dont l’objectif ambitieux était de réunir l’Indonésie, la Malaisie, certaines parties des Philippines, Singapour et même le Brunei sous la gouverne d’un régime islamique (ceci bien avant Daesh), fut débusqué peu de temps après les attentats de New York,[7] soulignant ainsi la manière dont ce type d’enjeu non-traditionnel affecte la région dans son ensemble.

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Les membres de l’ASEAN accordent donc, et pour cause, une grande importance aux enjeux non-traditionnels. La nature transnationale de ce type de menace rendant la tâche difficile, pour ne pas dire impossible, aux États cherchant à s’en prémunir de manière unilatérale, il est de la plus haute importance pour les pays d’Asie du Sud-Est de développer des structures de coopération multilatérale dans le but d’y faire face efficacement.[8]

Au terme de notre série de cinq billets, nous avons vu que malgré certaines particularités propres à chacun des pays abordés relativement aux enjeux de sécurité internes, il semble que ce soit les enjeux externes qui, au final, font que ceux-ci se rejoignent et qu’ils optent pour une coopération marquée par le multilatéralisme. Cette coopération, se faisant à travers des plates-formes telles que le ASEAN Defense Ministers Meeting et le Counter Terrorism Exercise, impliquant tous les pays de l’ASEAN ainsi que huit autres partenaires[9], fait en sorte qu’il est fort possible que dans un avenir rapproché nous assistions à la formation d’une communauté de sécurité formelle propre à l’Asie du Sud-Est.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Bhunia, Priyankar. 2018. “Singapore’s Security ITM Seeks to Transform Operating Models through Tech and Innovation.” OpenGov. https://www.opengovasia.com/articles/singapores-security-itm-seeks-to-transform-operating-models-through-tech-and-innovation.

Jaipragas, Bhavan. 2018. “Singapore’s Security on High Alert for Historic Trump-Kim Summit after City State Spent US$15 Million to Host.” South China Morning Post. http://www.scmp.com/news/asia/diplomacy/article/2150120/singapores-security-high-alert-historic-trump-kim-summit-after.

Khoo, Nicholas. 2004. “Constructing Southeast Asian Security: The Pitfalls of Imagining a Security Community and the Temptations of Orthodoxy.” Cambridge Review of International Affairs 17(1). https://www.otago.ac.nz/politics/otago077526.pdf.

Mei, Tan Tam. 2018. “Security Sector Facing Change.” The Straits Times. https://www.straitstimes.com/singapore/security-sector-facing-change.

Sng, Edric. 2016. “How Can We Keep Singapore Safe and Secure? Ministries Unveil Long-Term Plans.” Channel NewsAsia. https://www.channelnewsasia.com/news/singapore/how-can-we-keep-singapore-safe-and-secure-ministries-unveil-long-8210462.

Thayer, Carlyle A. 2010. Southeast Asia Patterns of Security Cooperation. Australian Strategic Policy Institute. https://www.files.ethz.ch/isn/161572/Southeast_Asia_patterns_security.pdf.

[1] (Jaipragas 2018)

[2] (Mei 2018)

[3] (Sng 2016)

[4] (Mei 2018)

[5] (Bhunia 2018)

[6] (Sng 2016)

[7] (Khoo 2004, 141)

[8] (Thayer 2010, 10)

[9] (Sng 2016)

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