Par Priscilla Phan
Bien que la grande majorité de la population canadienne aime bien croire que leur chaleureux pays n’est pas concerné par la traite des personnes, la réalité est tout autre[1]. Depuis 1986, le Canada a été désigné comme un pays d’origine, mais principalement un pays de destination et de transit pour la traite humaine, souvent utilisé pour aller vers les États-Unis. Il est difficile d’établir les statistiques exactes, cependant les estimations varient entre 1500 et 2000 personnes par année qui font l’objet d’un trafic transitant du Canada vers les États-Unis[2]. Pourquoi les victimes du trafic humain sont autant attirés par le Canada? Pourquoi le Canada est un point d’entrée pour autant de victimes provenant de la région de l’Asie du Sud-Est malgré la distance géographique?
L’attirance du Canada pour le trafic humain
Le fait qu’il n’y a pas d’obligation de visa pour venir au Canada si les personnes viennent de certains pays asiatiques dont la Corée du Sud ou le Japon et le fait que le point d’entrée en Colombie-Britannique est très facilement accessible, cela attire beaucoup les trafiquants venant de l’Asie du Sud-Est. Même si le gouvernement canadien a une législation compréhensive sur la lutte contre la traite des personnes et qu’il y a une entente de tiers pays sûr avec les États‑Unis, la loi a produit très peu de résultats jusqu’à date[3].
La culture et pensée asiatique se repose encore beaucoup sur le rêve américain et les trafiquants prennent avantage de cet espoir. Ils leur promettent une meilleure vie surtout aux États-Unis où ils peuvent tout accomplir, où ils peuvent envoyer de l’argent à leur famille pour subvenir à leurs besoins, où leurs enfants auraient un meilleur avenir et une meilleure éducation. Cependant, ces personnes ne sont pas au courant de tous les problèmes qui peuvent être rencontrés en Amérique du Nord, du mode de vie capitaliste et des problèmes légaux que cela peut engendrer à cause de leur statut d’immigrant illégal. Pour la majorité des victimes, ils ne sont pas au courant qu’ils font l’objet d’une traite humaine.
De nombreuses victimes originaires de l’Asie du Sud-Est
Dans les dernières années, la Gendarmerie Royale du Canada a constaté que les victimes qui ne sont pas d’origine canadienne sont souvent transportées depuis l’Asie notamment de la Thaïlande, du Cambodge, de la Malaisie et du Vietnam[4]. Dans leur rapport de 2010, la Gendarmerie a également identifié des cas de trafic des femmes venant des groupes criminels asiatiques pour des fins d’exploitation sexuelle[5]. Plus récemment, la Gendarmerie a remarqué une augmentation de preuves de la traite des personnes aux fins de travail forcé qui est très fréquent en Colombie‑Britannique, en Ontario et en Alberta. Les enquêtes et les données du renseignement relatif au travail forcé ont porté sur des ressortissants étrangers, hommes et femmes, entre autres originaires des Philippines, de l’Inde, de la Chine et de la Thaïlande. Certaines indications laissent croire que des personnes assurent le transport illégal de ressortissants étrangers vers le Canada afin de les exploiter comme des domestiques[6]. Il est très probable que la raison pour laquelle ces trois provinces canadiennes sont plus susceptibles d’être des points d’entrée pour la traite de personnes venant de l’Asie du Sud-Est est dû au fait qu’il y existe une grande communauté asiatique dans les grandes villes de ces trois provinces soit Vancouver, Toronto et Calgary, qui sont également des villes plus riches d’où vient la tendance des familles à employer des domestiques.
Un exemple concret
Pour clore ce billet, voici un exemple concret d’un cas de traite de personnes au Canada. En Colombie-Britannique, un homme nommé Franco Orr a été reconnu coupable de traite de personnes pour avoir trompé une nourrice philippine recrutée à Hong Kong pour venir travailler chez une famille au Canada. La nourrice, madame Leticia Sarmiento, croyait avoir eu un permis de travail canadien valide, avoir ses dimanches de congé, ses jours fériés ainsi que sept jours de congé payé par année. Elle pensait également avoir des heures de travail raisonnables et garder le contrôle sur son passeport. En réalité, elle était obligée de prendre soin de trois enfants sous l’âge de 6 ans et faire toutes les tâches ménagères. Elle n’avait aucun jour de congé et elle travaille de 7 heures du matin jusqu’à 11 heures le soir. Elle n’avait pas permission de quitter la maison sans être accompagner par ses employeurs. De plus, son passeport était détenu par ses employeurs. En vrai, madame Sarmiento a été amenée au Canada comme visiteur temporaire et non comme une personne pouvant travailler au pays. Quand son visa temporaire a expiré, elle était donc devenue une immigrante ayant un statut illégal au Canada et ses employeurs utilisaient ce fait pour la garder sous contrôle et la menacer d’aviser les autorités canadiennes qui vont l’envoyer en prison. Ses employeurs ont également fait des fausses promesses qui lui disant qu’ils allaient l’aider à obtenir un statut légal au Canada pour qu’elle puisse faire venir les membres de sa famille aux Philippines pour qu’ils puissent venir habiter avec elle[7].
Bibliographie
[1] Visionnez ce récent reportage sur la situation du trafic humain au Canada.
[2] Parlement du Canada, La traite des personne, par Laura Barnett, division du droit et du gouvernement, Canada, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2008 à la p 1.
[3] Marina Jimenez, « BC is a hub for trafficking in humans, report says », The Globe and Mail, modifié le 18 avril 2018.
[4] Gouvernement du Canada, Plan d’action national de la lutte contre la traite de personnes, Ottawa, Canada, 2012.
[5] Katrin Root, « Trafficking or pimping? An analysis of Canada’s human trafficking legislation and its implications », Revue canadienne de droit et société, vol. 28, no 1, 2013, p. 21 à 41.
[6] Supra note 3.
[7] British Columbia Government, Human Trafficking Training, « International Labour Trafficking », 2014, en ligne : <https://www2.gov.bc.ca/gov/content/justice/criminal-justice/victims-of-crime/human-trafficking/human-trafficking-training/module-2/international-labour-trafficking>.