La Thaïlande, les États-Unis et la Chine

Par Angelina Halal

Depuis 2014, Prayut Chan-o-cha est au pouvoir en Thaïlande. Les libertés et droits politiques sont suspendus : il n’y a plus d’élections, l’activité des partis politiques est interdite… Cependant, la Thaïlande n’a pas toujours été un régime autoritaire : elle a connu une phase de démocratisation qui a néanmoins abouti à un autre régime autoritaire. Par un redressage de l’histoire politique thaïlandaise nous cherchons à montrer que le changement de système politique en Thaïlande entraine des changements dans ses relations avec les autres pays.

  

Vers une libéralisation du régime politique en Thaïlande

Division du Vietnam 1955-1975

Dès 1962, les Américains envoient des militaires pour combattre le gouvernement pro communiste du Vietnam du Nord, et défendre le mouvement pro américain du Vietnam du Sud. La Thaïlande va jouer un rôle important pendant la guerre du Vietnam  (1955-1975) : lesAméricains vont installer leurs principales bases militaires en Thaïlande, ce qui illustre une alliance entre la Thaïlande et les États-Unis qui remonte à plusieurs années. Un problème engendré par la présence militaire américaine est que les militaires thaïlandais ont utilisé la lutte contre les rébellions communistes dans le nord du pays comme excuse pour justifier leurs coups d’État. De fait, ils agissaient donc au nom de la sécurité nationale et de l’indépendance nationale (Éthier, 2017).

Ainsi, entre 1960 et 1970, les Américains construisent des industries pour armements et équipements militaires: ils vont être à l’origine de l’industrialisation de la Thaïlande qui va entrainer une modernisation économique et sociale et une urbanisation. En effet, ces industries offraient des bons salaires et emploies, ce qui va conduire à l’émergence d’une nouvelle classe moyenne, à une augmentation de l’éducation, à des nouveaux partis politiques et au développement des syndicats (étudiants, ouvriers). Parallèlement, après le coup d’État de 1977, on va assister à une libéralisation politique. La société devient plus égalitaire: les ONG et les médias d’information se développent. Cependant, ce contexte n’est pas encore démocratique: cette classe moyenne émergente va revendiquer plus de droits et libertés entre 1970 et 1980 (Éthier, 2017).

 

 

Manifestations et conséquences de la libéralisation politique à partir de 1992

Vers 1991, un autre État militaire n’est pas près d’être toléré par la population : des émeutes violentes dirigées par les classes moyennes et les nouvelles élites économiques et financières surgissent. Cette rébellion va obliger les militaires à organiser des élections dès 1992 qui sont supervisées par des organisations étrangères, notamment américaines. Le parti démocrate remporte les élections de 1992. Ainsi, à partir 1992 s’ouvre une période de démocratisation limitée qui va se terminer par un coup d’État militaire en 2014. Le parlement impose la loi martiale, suspend les libertés civiles et droits politiques : c’est l’instauration d’une dictature qui est toujours en place aujourd’hui en 2018. Une partie importante de la population thaïlandaise veut toujours le retour à la démocratie, mais, selon The Economist et dans le contexte actuel, seules les pressions des pays occidentaux, notamment les États-Unis, pourraient forcer les militaires thaïlandais à organiser de nouvelles élections. Cependant, les pressions des pays occidentaux et des États-Unis pour un retour à la démocratie sont faibles (Éthier, 2017).

Dans l’ensemble, le régime politique actuel de la Thaïlande correspond aux caractéristiques d’un régime autoritaire. La séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire n’existe plus, les élections ont été annulées, les partis politiques n’ont plus d’existence formelle et les libertés civiles et les droits politiques ne sont pas protégés par la nouvelle constitution. Les activistes, les membres des ONG humanitaires et les journalistes peuvent être accusés d’activités subversives n’importe quand. De plus, sur les campus universitaires la critique politique et les manifestations sont réprimées (Éthier, 2017).

 

La Thaïlande se tourne progressivement vers la Chine 

Le Premier Ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha rencontre le président Xi Jinping à Pékin en 2014.

En outre, le passage de la Thaïlande à un régime autoritaire en 2014 a favorisé un changement progressif de sa politique étrangère: les nouveaux dirigeants thaïlandais se rapprochent du régime autoritaire de la Chine, avec laquelle la Thaïlande a des liens séculaires. De fait, la Chine exerce une influence croissante en Thaïlande en termes de connectivité régionale. En juillet 2017, la visite du ministre des Affaires étrangères chinois à Bangkok est représentative du souhait de la Chine de mettre en place ses projets d’infrastructure respectifs notamment en matière ferroviaire avec la Thaïlande (France Diplomatie, 2018). De plus, la Thaïlande a décidé d’acheter du matériel militaire à la Chine pour plus de 500 millions de dollars (Lefevre, 2017).

Parallèlement, le sommet en Californie entre les pays de l’ASEAN et les États-Unis en février 2016 illustre l’importance que l’administration Obama attachait à la région d’Asie du Sud-Est dans sa volonté de « rééquilibrage » afin de faire contrepoids à l’émergence de la Chine.

Alors que la relation sino-américaine continue à refléter des tensions, les pays de l’ASEAN sont divisés quant à l’attitude à adopter envers la Chine. Parmi ces derniers, la Thaïlande ne suit pas le chemin voulu par les États-Unis. En effet, le dictateur en chef thaïlandais Prayut Chan-o-cha, auteur du dernier coup d’État de mai 2014, se penche vers la Chine au dépend de sa relation des États-Unis. Pour le secrétaire d’État adjoint américain Daniel Russel « La Thaïlande est en train de perdre sa crédibilité aux yeux de ses partenaires étrangers en ne prenant pas ses dispositions pour une levée prochaine de la loi martiale et la restauration des droits civiques » (Philip, 2016). Dans cet ordre, le régime autoritaire thaïlandais est moins compatible avec le système politique américain, ce qui rend plus complexes les échanges commerciaux entre ces deux pays. Cela pourrait expliquer l’influence des États-Unis sur les transitions démocratiques dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est: les régimes autoritaires auront plus tendance à pencher vers la Chine.

 

Bibliographie

Éthier, Diane. 2017. « Régimes politiques de l’Asie du Sud-Est ». POL 2860 (Université de Montréal).

France Diplomatie. 2018. « Présentation de la Thaïlande ». L’Ambassade de France en Thaïlande (Bangkok), 22 février. En ligne. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/thailande/presentation-de-la-thailande/

Lefevre, Amy Sawitta. 2017. « Tillerson à Bangkok pour resserrer les liens USA-Thaïlande ». Challenges (Paris), 8 août. En ligne. https://www.challenges.fr/monde/tillerson-a-bangkok-pour-resserrer-les-liens-usa-thailande_492084

Philip, Bruno. 2016. « Alliée historique des Etats-Unis, la Thaïlande lorgne vers la Chine ». Le Monde (Paris), 15 février. En ligne. https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/02/15/alliee-historique-des-etats-unis-la-thailande-lorgne-vers-la-chine_4865640_3216.html

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