Le rapide développement économique en Thaïlande dans les années 1980 et ses impacts sociaux

Par Walid Tannouri

En l’espace de cinq ans, soit de 1986 à 1990, les investissements étrangers en Thaïlande sont passés de 10 536 millions de bahts à 53 990 millions de bahts (Hussey 1993, 16). Cette augmentation importante de 412,43% est à la fois synonyme de conséquences positives et négatives. Cependant, pour comprendre le rapide développement économique de la Thaïlande et ses conséquences, il faut se pencher sur l’essor économique du pays.

(A) La carte de la Thaïlande

La croissance économique du pays dans les années 1960 et 1970 était grandement assurée par le secteur agraire et son expansion. Secteur qui devant la mondialisation, ne pouvait plus assurer à lui seul l’économie thaïe. Dans les années 1980, le développement de sites agraires s’est peu à peu ralenti et l’expansion de ce type d’exploitation s’est avérée inappropriée pour le long terme. Par conséquent, le taux de croissance économique du pays est passé de 4,2% en 1980 à 3,2% en 1985 (Hussey 1993, 15). Pour contrer cette décroissance, un programme thaïlandais de réformes structurelles et sociales est mis en place. Ces nouvelles réformes, désormais basées sur l’industrialisation, ont propulsé la Thaïlande dans une nouvelle ère de développement (Hussey 1993, 17).

Gardons en tête que la Thaïlande attire de plus en plus d’investisseurs étrangers, puisque d’une part l’abondance d’une main-d’œuvre bon marché, peu qualifiée et entraînable est alléchante. Puis de l’autre, le pays possède une multitude d’infrastructures indispensables pour la production industrielle, telles que des routes, des ressources naturelles et surtout de l’eau ; une source essentielle pour l’industrie. Aussi de nouvelles politiques économiques locales ont permis l’industrialisation et l’urbanisation de la métropole de Bangkok, assurant ainsi une meilleure croissance économique, mais aussi la création de nombreux emplois (Warr 2007, 144). Cependant, quelles sont les principales conséquences sociales d’un développement suralimenté par l’État et les investissements étrangers ?

 

Un développement centralisé et concentré

Bien que la situation économique du pays se soit grandement améliorée, le développement économique a créé des disparités marquées entre le milieu rural et urbain, promouvant ainsi la migration des jeunes vers la métropole de Bangkok (Neville 1986, 133). Il est important de comprendre que le développement économique et industriel du pays s’est dès le début concentré dans la capitale du pays, puis peu à peu décentralisé dans les villes frontalières. Cette décentralisation est possible en raison de leur emplacement stratégique, de la main-d’œuvre abordable, des terres peu coûteuses, des matières premières bon marché et d’un coût de vie moins élevé (Maneepong et Wu 2004, 140). Par contre, cette décentralisation a eu un effet pervers, car le flux économique et industriel s’est rapidement concentré dans une région bien précise : le centre du pays.

 

Des répercussions environnementales    

Malheureusement, la forte concentration des capitaux dans la métropole et ses environs n’est pas sans risques, puisque ça soulève d’une part des problèmes environnementaux et de l’autre la gentrification du pays. En ce qui concerne les bénéfices de l’industrialisation, ceux-ci sont remarquables, mais les répercussions environnementales le sont aussi. Il y a un prix à payer et ce prix est coûteux. La désagrégation de l’environnement est une réalité à laquelle Bangkok doit faire face. La multitude de gratte-ciels, le trafic constant et les émissions de dioxyde de carbone (CO2) détériorent de plus en plus la qualité de l’air et de vie dans la métropole. La pollution de l’air, liée au trafic et à la congestion des routes, est excessivement polluée et dépasse les limites établies de l’Organisation mondiale de la santé (Hussey 1993, 21). Aussi, la qualité de l’eau est de plus en plus inquiétante. En Thaïlande, comme dans plusieurs autres pays, les eaux sont utilisées pour se débarrasser rapidement des déchets industriels. En raison de sa piètre qualité, l’eau, qui en principe devrait être un droit pour tous, met à risque et aggrave la qualité globale de santé de tous (Hussey 1993, 23).

 

Une gentrification territoriale  

(B) Une vue panoramique de Bangkok

Quant au problème de gentrification et parallèlement de pauvreté, ceux-ci sont une autre réalité à laquelle le pays fait face. En raison du boom économique, la pauvreté a certes reculé, mais les inégalités sociales ont augmenté. La pauvreté est beaucoup plus concentrée dans les régions rurales et surtout dans la région du nord-est (Warr 2004, 6). Par exemple, dans cette région, les sols ne sont pas arables ce qui rend la culture du riz presque impossible. Puis planter et cultiver autre chose est impossible, puisqu’il faut trouver un substitut plus ou moins équivalent monétairement parlant (production-vente). Aussi, il ne faut pas oublier le fait qu’outre les terres et la main d’œuvre, les ressources naturelles au Nord-Est sont très limitées. Celles-ci sont proches des marchés industriels et se situent aux alentours de Bangkok (Long 1966, 358-59). Ainsi, ces prédispositions sont problématiques pour les producteurs du nord-est, puisqu’ils ne peuvent pas compétitionner avec la concurrence ; une concurrence inégale et favorisée par la métropole. En plus de ces inégalités, l’industrie n’offre pas d’alternatives à l’agriculture du nord-est, puisque l’industrie s’implante et grandit à l’endroit où se trouvent les ressources nécessaires ; pas le contraire.

Pour conclure, le développement économique favorise davantage la métropole de Bangkok et les villes frontalières. Les inégalités sociales et la pauvreté sont criantes et l’industrialisation excessive et rapide du pays n’est pas sans conséquence.  La Thaïlande doit avant tout améliorer sa capacité gouvernementale à offrir des sources permettant aux plus pauvres de se sortir de la pauvreté. Le développement économique et l’industrialisation, qui devaient de prime abord sortir la Thaïlande de la pauvreté, creusent des écarts flagrants entre le milieu rural et urbain du pays.

 

 

Bibliographie

Hussey, Antonia. 1993. « Rapid Industrialization in Thailand 1986-1991 ». Geographical Review 83 (no. 1) : 14-28.

Long, Millard F. 1966. « Development in Northeast Thailand : Problems and Prospects ». Asian Survey 6 (no. 7) : 355-361.

Maneepong, Chuthatip et Chung-Tong Wu. 2004. « Comparative Borderland Developments in Thailand ». ASEAN Economic Bulletin 21 (no. 2) : 135-166.

Neville, Warwick. 1986. « Economic Development and the Labour Force in Thailand ». Contemporary Southeast Asia 8 (no. 2) : 131-150

Warr, Peter G. 2004. « Globalization, Growth and Poverty Reduction in Thailand ». ASEAN Economic Bulletin 21 (no.1) : 1-18.

Warr, Peter G. 2007. « Long-term Economic Performance in Thailand ». ASEAN Economic Bulletin 24 (no.1) : 138-163.

 

Iconographie

(A). En ligne : https://www.thethailandlife.com/map-of-thailand

(B). En ligne : http://www.zastavki.com/eng/World/Thailand/wallpaper-61543.htm 

 

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