Le tourisme culturel à Bali

de Manon de Dianous

Danses traditionnelles à Bali

Petite île située au sud de l’immense archipel Indonésien, Bali concentre l’essentiel de l’activité touristique du pays. Mondialement connu pour la richesse de son patrimoine culturel et religieux, ce lieu paradisiaque, appelé « l’île des Dieux », constitue le dernier rempart de l’authenticité indonésienne. Minorité hindouiste logée à l’intérieur d’une nation à dominance musulmane, la société balinaise fait de son identité culturelle une attraction touristique importante (Picard, 2001). Souhaitant à la fois préserver et promouvoir son patrimoine culturel, Bali a choisi de mener une politique touristique spécifique : le « tourisme culturel » ou balinisation de la société. Cette stratégie a longtemps porté ses fruits mais rencontre à présent des limites. Comment la population balinaise est-elle parvenue à construire une identité forte à travers une présence touristique entretenue ? Quel est le revers de cette politique qui risque de menacer l’existence même de l’identité culturelle balinaise ?

 

Le développement du tourisme culturel : externalité positive

Danses traditionnelles à Bali

Au début des années 1970, Bali a connu une expansion rapide du tourisme renforcée par la volonté des autorités d’en faire le pôle de développement touristique indonésien (Picard, 2001). S’identifiant auprès des pratiques religieuses et coutumières héritées de leurs ancêtres, la société balinaise a entrepris son processus de culturalisation en même temps qu’elle a vu le tourisme se développer. L’État Indonésien, soucieux de booster sa croissance économique, a misé sur la promotion culturelle de l’île pour attirer massivement les touristes sur l’ensemble de l’archipel (Picard, 2001). Ces derniers ont été séduits par une société archaïque qui a su préserver son territoire et ses traditions de la modernité. La marque de fabrique de Bali réside dans la place quotidienne réservée aux touristes qui, par le seul fait de leur présence, joue un rôle considérable quant au renforcement de l’identité balinaise. En effet, la « prise de conscience de la culture balinaise s’est organisée à travers les relations et regards provoqués par l’orientalisme puis par le tourisme » (Cousin, 2003). Les balinais prennent conscience de leur identité en côtoyant les touristes. La présence d’un corps étranger leur permet alors de s’affirmer en tant que Balinais et de se distinguer des étrangers. Fiers de leur culture qu’ils veulent à tout prix partager, ils cherchent à se rendre désirable auprès des visiteurs. Produit à promouvoir, leur culture va se transformer de plus en plus en capital économique incitant les étrangers à participer aux traditions culturelles (Picard, 2010). Des spectacles sont alors organisés à leur intention afin de leur dévoiler les talents artistiques de la région, notamment à travers la réalisation de danses sacrées. À Bali, le tourisme est « de facto ce qui permet de vivre et parfois de renaître » (Michel, 2011). En effet, sans le tourisme, cette prise de conscience identitaire n’aurait probablement pas eu lieu.

 

Les revers du tourisme culturel : vers de nouveaux défis ?

Toutefois, la hausse considérable du nombre de touristes chaque année entraîne des changements de comportements de la part des balinais, confrontés aux limites de leur politique de balinisation. « La promotion touristique de leur culture a provoqué un questionnement des Balinais sur leur identité » (Picard, 2012). En effet, toujours soucieux de répondre aux désirs des visiteurs, ils en viennent à exploiter de manière excessive l’authenticité de leur culture en créant par exemple des villages touristiques à l’image de leurs villages traditionnels (Picard, 2001). La population locale a de plus en plus de mal à distinguer leur culture de l’activité touristique, provoquant alors une méconnaissance de leur propre identité. En effet, extrêmement dépendant du tourisme, la communauté balinaise en est venue à « quêter dans le miroir que leurs tendent les touristes la confirmation de leur balinité » (Picard, 2012). Le tourisme culturel a également provoqué des tensions idéologiques au sein de la société. Celle-ci fut divisée entre ceux qui voyaient le tourisme comme une « pollution culturelle », envahisseurs capitalistes, et d’autres plus optimistes qui parlaient de « renaissance culturelle » (Picard, 2012). Bali est alors victime de sa propre politique : le tourisme culturel tend à se transformer en culture touristique, ce que souhaite éviter à tout prix les autorités (Picard, 2001).

Mémorial à Bali suite aux attentats de 2002

De plus, les attentats terroristes de 2002 et la forte présence djihadiste dans l’archipel indonésien pousse les autorités à adapter leur politique touristique. (Michel, 2010). Ne pouvant se baser uniquement sur la culture comme support promoteur touristique, elles commencent à mettre en place des politiques d’éco-tourisme, plus respectueuses de l’environnement et plus aptes à préserver l’identité culturelle des balinais, en veillant à répondre aux besoins des populations. Le défi du tourisme culturel s’avérait difficile dans la mesure où il devait pouvoir « concilier les intérêts de la culture et ceux du tourisme, initialement perçus comme antagonistes » (Picard, 2012).

Carte de Bali. Les attentats: un bilan lourd


 

Bibliographie :

Cousin, Saskia. 2003. « L’identité au miroir du tourisme. Usage et enjeux des politiques de tourisme culturel ». Science de l’Homme et Société, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EDHESS).

 Michel, Franck. 2011. « Bali (Indonésie) : Le patrimoine culturel contre ou avec le développement touristique ? Un paradis en sursis et le risque d’un tourisme de luxe non maîtrisé ». Études caribéennes. En ligne : https://etudescaribeennes.revues.org/5385 (page consultée le 12 juin 2017).  

Picard, Michel. 2001 « Bali : vingt ans de recherches ». Anthropologie et sociétés, Université Laval, Volume 25, Numéro 2, p. 109–127.

Picard, Michel. 2010. L’identité balinaise à l’épreuve du tourisme : du « tourisme culturel » (Pariwisata Budaya) à « Bali debout » (Ajeg Bali). Revue Espacestemps.net, le 12 Avril 2010.

 

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