Par Hugo Ballesteros
Aux Philippines, les Firmes Multinationales (FMN) sont un moteur pour la croissance économique du pays. De nombreuses firmes désirant s’implanter en Asie du Sud-Est ont été séduites par ce pays, pourtant géographiquement isolé dans la région, mais agrémenté par une multitude de facilités. Comment expliquer que les Philippines s’appuient sur les FMN pour faire effet de levier sur l’essor économique et le développement du pays. Tout d’abord, nous verrons comment les FMN ont motivé la relance économique du pays. De plus, il existe une véritable « éthique du Business » aux Philippines que le pays s’efforce d’entretenir pour continuer à soigner sa santé économique. Enfin, nous verrons les effets sur la réduction de la pauvreté.
L’arrivée des FMN a joué un rôle décisif dans la relance économique du pays
Pendant longtemps, les Philippines ont été considérées comme « l’homme malade asiatique » sur le plan économique (Andrews, 2003). Interrogée à ce sujet lors de l’une des récentes conférences qu’elle a tenues à l’Université de Montréal, Ruth Lusterio-Rico (Listerio-Rico, 2017) confirmait que les profits générés par les FMN ont servi de levier pour relancer la croissance aux Philippines, et qu’encore aujourd’hui, la prospérité du pays en dépend en grande partie. Elle ajouta qu’après que Ferdinand Marcos ait quitté le pouvoir en 1986, la nouvelle présidente élue Cory Aquilino a commencé à libéraliser le pays aux marchés internationaux. Cette dynamique de globalisation fut continuée sous les mandats de ses successeurs. L’ouverture internationale du pays s’est accompagnée par l’arrivée de capitaux en provenance de l’étranger et les Philippines se sont redressées à partir des années 90, sous le mandat de Fidel Ramos, de telle sorte qu’elles représentent aujourd’hui la 4e économie régionale en Asie du Sud Est (Bpifrance, 2015).
« Une éthique du Business » entretenue par l’État philippin
Les Philippines ont développé une véritable « éthique du Business» (Sison, 1997). Tout d’abord, les investisseurs étrangers ont été attirés par une main d’œuvre éduquée et anglicisée à bas coûts qui représente probablement le premier avantage comparatif du pays (Andrews, 2003). Ceci ne serait pas possible sans un système d’éducation irréprochable composé de 51 000 établissements d’enseignement et qui encadre 20 000000 d’élèves. Par le biais du ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports, le gouvernement orchestre et supervise cet encadrement institutionnel en vue de perfectionner la main d’œuvre philippine (Wes.org, 2001). Non seulement les académies philippines forment des travailleurs éduqués et loyaux garantissant aux entreprises des investissements durables et compétitifs, mais elles leur permettent aussi d’intégrer les salariés aux conseils d’administration sans craindre de fuites ni d’espionnage industriel (Caouette, 2017). De plus, le multilinguisme de la population est un argument particulièrement attractif pour les centres d’appel désirant s’implanter pour profiter de cette spécificité (Caouette, 2017). Par ailleurs, le gouvernement philippin apporte sa pierre à l’édifice et contribue à améliorer les conditions d’attractivité économique du pays en ayant mis en place un allègement fiscal compétitif, et en ayant durablement renoué avec la stabilité politique (Andrews, 2003).
En outre, étant peuplée de 100 millions d’habitants, la consommation intérieure constitue un véritable secteur d’opportunité pour les entrepreneurs (Bpifrance, 2015). D’ailleurs, le pays s’est mis à la mode des centres commerciaux, accueillant sur son sol de nombreuses compagnies étrangères pour satisfaire les besoins d’une classe moyenne émergente, estimée à 10 millions de Philippins en 2015 (Bpifrance, 2015). C’est d’ailleurs une aubaine qui compense la situation insulaire relativement isolée dans la région (Andrews, 2003).
Il faut rappeler que les Philippines sont certainement l’un des pays les “moins orientaux” en Asie du Sud-Est : ayant été successivement occupés 300 ans par les Espagnols puis 50 ans par les Américains, les Philippins sont communément assimilés à des « Asiatiques portant des jeans » (Andrews, 2003). Ainsi l’intégration des valeurs consuméristes occidentales a été facilitée. Des FMN telles que Philip Morris et Ford Motors se sont installés aux Philippines, puis se sont ensuite développés dans le reste de l’Asie depuis Manille. La réputation philippine dans le secteur de la technologie de l’information a convaincu certaines FMN comme Philips Électronique.
Le Mall of Asia, à Manila, Philippines, est le 4ème centre commercial le plus important
Une dynamique utilisée à bon escient pour réduire l’extrême pauvreté
Par ailleurs, les FMN jouent également un rôle social aux Philippines, elles s’impliquent en grand nombre dans des projets humanitaires. L’exemple de l’ONG Gawad Kalinga est parlant : son créateur Antonio Meloto ne pourrait pas contribuer à la réduction de l’extrême pauvreté aux Philippines sans le financement de grandes entreprises internationales telles que Air France-klm, Nestlé, Shell, Hyundai (L’Express, 2013). Non seulement ces FMN tirent profit de cette participation philanthropique pour embellir leur image et satisfaire leur RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise), mais elles profitent aussi de ces partenariats de cocréation pour améliorer leur productivité à l’image de Selecta qui a créé une filière agricole dans le village de Davao pour assurer son autosuffisance (L’Express, 2013).
Nous pouvons également nous arrêter sur l’exemple de l’entrepreneur Henri Sy, nommément le plus riche homme d’affaires sino-philippin d’après Forbes en 2015, qui est aussi un grand philanthrope (Inquirer lifestyle, 2013). Parmi ses bonnes actions, M. Sy a fait le tour des écoles secondaires pour offrir à quelques élèves un voyage en chine pour apprendre le chinois à ses frais. Par ailleurs, ceci illustre bien le bouleversement qui s’opère progressivement en Asie du Sud-Est, à savoir que les tycoons (les grands entrepreneurs chinois) se tournent de plus en plus vers la communauté majoritaire des pays où ils sont installés (Caouette, 2017).
Bibliographie
Andrews, Tim G. Nartalin Chompusri, and Bryan J. Baldwin. « Chapter 2 : Rise of
Multinationals » The Changing Face of Multinationals in Southeast Asia. London : Routledge, 2003 : pp.28-52 (1)
Sison, A.J.G. & Palma- Angeles, A. ”Business Ethics in The Philippines” Journal of
Business Ethics (1997), Vol. 16, No14, pp 1519–1528. (2)
Bpifrance. (2015) Les Philippines, le nouveau tigre de l’Asie ? | http://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Les-Philippines-le-nouveau-tigre-de-l-Asie-13244 (3)
L’Express. (2013) Philippines : mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2024. http://www.lexpress.fr/emploi/business-et-sens/philippines-mettre-fin-a-l-extreme-pauvrete-d-ici-2024_1299476.html (4)
Lusterio-Rico, Ruth. 01 Juin 2017. Professeur au département de Science Politique de
l’Université des Philippine. Montréal : Université de Montréal (5)
Wes.org, (2001). WEP-Philippines. https://www.wes.org/ca/wedb/philippines/frpedov.htm (6)
Inquirer lifestyle, (2013) Richest Filipino is also biggest philanthropist | http://lifestyle.inquirer.net/106121/richest-filipino-is-also-biggest-philanthropist/ (7)