La jeune démocratie indonésienne

Par Carl Alexandre Guercin

La transition démocratique de l’Indonésie est récente. En effet, c’est en 1998 que le régime autoritaire de Suharto prenait fin. Cela dit, malgré les multiples défis auxquels le pays doit faire face, quelles sont les réformes qui expliquent la transition démocratique en Indonésie ? En fait, depuis la chute du régime du nouvel ordre, il y eut plusieurs changements d’ordre démocratique. Nous analyserons en particulier le contrôle de l’armée par des civils élus, la tenue d’élections de manière régulière et le fait que le pays possède dorénavant un secteur de presse qui est l’un des plus diversifiés de la région (Mietzner 2009).

C’est en 1998 que le régime autoritaire de Suharto prit fin. Ce changement s’opérait alors plus de 30 depuis le début du régime. Les causes sont multiples, nous pouvons citer le fait que l’Asie subissait une crise financière importante, mais également le fait que de nombreux étudiants manifestaient en faveur de plus de liberté politique et cela a finalement eu raison du régime (Lang 2015).

 

L’encadrement civil de l’armée

En premier lieu, le contrôle des acteurs démocratiquement élus sur les forces armées représente un facteur important quant au succès d’une transition d’un régime autoritaire vers un régime démocratique (Mietzner, 2009). Un facteur important dans la mesure où l’institution est souvent impliquée dans la politique active du pays si bien que les dictateurs s’en servaient justement pour garder le pouvoir. Selon l’auteur Ramage (2007), une des plus importantes réformes qui eut lieu en Indonésie est la réduction du rôle de l’armée dans la politique. En revanche, malgré les multiples réformes et une influence moindre, l’armée détient toujours une influence telle qu’elle est en mesure d’empêcher la tenue d’enquêtes sur les abus qu’elle a pu commettre dans le passé (Mietzner 2009). Bien qu’il reste encore des défis important quant au rôle de l’armée et son influence, le président Yudhoyono fut en mesure d’accomplir énormément de progrès. En effet, sous sa présidence, l’institution accepta les réformes devant solidifier l’autorité des élus civils et la réforme qui transforma les forces armées en une institution au service de l’administration. (Mietzner 2009).

Bien que des réformes importantes eurent lieu au niveau des militaires, il reste tout de même des défis importants qui doivent être adressés. Nous pouvons prendre par exemple leurs pratiques d’auto financement, alors qu’une armée professionnelle devrait uniquement dépendre du financement venant de l’État (Mietzner 2009). Il y a également le problème que posent leurs responsabilités pour les abus des droits de la personne et autres transgressions (Mietzner 2009). Par contre, le gouvernement indonésien se montre peu motivé à l’idée d’attaquer ces problèmes dans la mesure où il ne voit plus les réformes concernant les militaires comme étant prioritaires, mais également qu’ils ne représentent plus un danger pour la démocratie (Mietzner 2009).

 

Les élections

En second lieu, nous observons en Indonésie la tenue régulière d’élections dans tous les niveaux du pays. C’est en 2004 que pour la première fois de son histoire, le peuple indonésien élisait un président directement et cela représentait une énorme avancée dans la démocratisation du pays (Ananta, Arifin et Suryadinata 2005). Subséquemment, depuis l’élection de 2004, il y a eu une consolidation de la démocratie en Indonésie avec l’organisation de multiples élections locales (Ramage 2007). Il est tout aussi important de mentionner que depuis lors, les élus sont tenus responsables de leurs actions dans la mesure ou plus de 40% des élus qui se présentaient pour une réélection ne furent pas réélus (Ramage 2007). Avec un taux aussi élevé de défaites, cela fait de l’Indonésie un des pays avec un système électoral des plus compétitives (Ramage 2007).

 

La liberté de la presse

En dernier lieu, il y a également eu des réformes au niveau de la presse après le départ de Suharto. Faisant face à d’énormes pressions pour s’éloigner de la politique répressive de son prédécesseur, le président Habibie a dû mettre en place de multiples réformes afin de libéraliser la presse (Romano et Seinor 2005). En quelques semaines, la réalité de la presse allait complètement changer avec une augmentation exponentielle des journaux, un assouplissement important quant à l’obtention des permis d’opérations ainsi que des délais raisonnables pour les recevoir (Romano et Seinor 2005). En fait, le but de toutes ces réformes était d’assurer une autonomie de la presse vis-à-vis du gouvernement en place en toute circonstance (Romano et Seinor 2005). Cela dit, il existe toujours des opportunités pour garantir une meilleure liberté de presse dans le pays dans la mesure où selon un rapport de Freedom house en 2015, il y a encore des cas où des journalistes se font intimidés et subissent des menaces de la part des civils, des policiers et des religieux.

En conclusion, il y a bien eu d’importantes réformes dans le pays tant au niveau du contrôle des militaires, de la liberté d’expression et des élections, ce qui explique la transition démocratique du pays. En revanche, il reste tout de même des lacunes qu’il faudra absolument adresser afin de consolider la démocratie indonésienne.

 

 

Bibliographie

 

Ananta, Aris, Arifin, Evi Nurvidya et Suryadinata, Leo. Emerging Democracy in Indonesia, Singapore, Institute of Southeast Asia Studies, 2005

Mietzner, Marcus, Military Politics, Islam, and the State in Indonesia, Singapore ,Institute of Southeast Asia Studies, 2009.

Lang, Jarno. 2015. « Why Democracy Does Not Come Easily to Indonesia ».Fair Observer (Belmont), 3 mars.

Press Freedom, Free Expression Still under Threat in Indonesia. (18 décembre 2014). Vu sur https://freedomhouse.org/article/press-freedom-free-expression-still-under-threat-indonesia

Ramage, D. 2007. INDONESIA: Democracy First, Good Governance Later. Southeast Asian Affairs, 135-157.

Romano, Angela et Seinor, Blythe. 2005. « Between dictatorship and democracy ». Dans Angela Romano et Michael Bromley, dir., Journalism and Democracy in Asia. London and New York : Routledge, 108-122

 

 

 

 

 

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