La lutte pour l’égalité des genres en Asie du Sud Est est un sujet moderne, une nouvelle problématique pour des états fragilisés par la colonisation et en construction constante. Autrement, c’est un débat plutôt jeune et dont l’importance n’est pas systématiquement visible pour la plupart des nations de cette zone géographique, sauf dans le cas intéressant des Philippines. En effet, la lutte féministe commence dès l’avènement au pouvoir de Marcos en 1965 (Ramos Shahani 2012). La précocité de cette démarche avec la création de la Commission Nationale du Rôle des Femmes Philippines en 1975, prouve la maturité philippine particulière au sujet du droit des femmes. La commission existe d’ailleurs toujours, sous le nom de la Commission Philippines sur les Femmes, et est toujours très active dans le pays, dans une lutte pour l’égalité des sexes. Particulièrement au niveau législatif puisque les femmes philippines mènent les mêmes batailles que les autres mouvements féministes d’Asie du Sud Est. Autrement dit, l’obtention de droits qui garantissent leur intégrité physique et morale, au sein du mariage et au quotidien. Contre les violences sexuelles dont elles sont toujours victimes et les inégalités sociales que partagent les femmes à travers le monde (à voir sur le site officiel de la commission). Cependant, à travers ces luttes communes, le cas des Philippines s’élève puisque la position intellectuelle et sociale des femmes y est particulière, c’est une différence qui s’observe au niveau politique mais également au niveau institutionnel (Raksasataya 1968). Ainsi, on se pose la question suivante, quelle est la position des femmes dans la société philippine et pourquoi partagent-elles toujours les mêmes combats malgré un statut différent des autres États d’Asie du Sud Est ? Afin d’y répondre il semble nécessaire de s’intéresser au statut de ces femmes et aux différents niveaux d’appréciation qui déterminent la position sociale d’un groupe d’individus.
L’éducation
Il est nécessaire de s’intéresser au niveau d’éducation des femmes philippines, dans la mesure ou cet indice d’égalité permet de déterminer les chances qui leurs sont réservées et le poids que ces femmes prennent dans la société philippine. Principalement dans la mesure où les États voisins offrent une priorité d’éducation aux jeunes garçons, au détriment des jeunes filles, souvent considérées comme un handicap pour la famille, on pense notamment au cas vietnamien. Effectivement, le Viêt Nam ayant vécu des politiques de restriction démographique, l’enfant de sexe mâle y est préféré, et a donc accès à une meilleure éducation, contrairement aux jeunes filles (Attané, Scornet, 2009). Ainsi dans le cadre d’une étude produite entre 1989 et 2008, on remarque que les femmes philippines se placent au dessus des hommes en ce qui concerne le niveau d’alphabétisation et de maîtrise de la langue (Ramos Shahani 2012). En effet, leur seuil d’alphabétisation a toujours dépassé 90% sur cette même
période. Suivies par les hommes de peu d’écart, tandis que les qualités littéraires plus complexes sont partagées par 88.7% de la population féminine en 2008, contre 84.2% pour les hommes. On considère donc que les femmes philippines détiennent un niveau d’éducation plus important que celui des hommes. On remarque également un niveau d’éducation général assez élevé, le programme philippin a d’ailleurs été cité par l’Unicef comme novateur et exemplaire dans les années 2000 (UNICEF, nd).
La politique
La présence des femmes en politique est un facteur majeur de l’avancée de la lutte des genres pour un État, en particulier dans le cas des Philippines puisque les femmes y ont obtenu le droit de vote avant même l’indépendance du pays en 1933 (Raksasataya 1968). Aussi d’après la même source, en 1968 près de 20% de la population féminine participe activement à la vie politique, elles représentent d’ailleurs 6% des postes d’élus locaux (gouverneurs, maires et responsables législatifs). À titre comparatif, pendant la même période les femmes françaises lançaient le MLF (mouvement de libération des femmes), et la présence féminine ne représente que 0,9% de l’Assemblée Nationale québécoise. Bien que la situation ai évoluée depuis la fin du XXè siècle, le gouvernement philippin actuel compte plusieurs ministres femmes mais surtout une vice présidente (selon un article descriptif produit par le gouvernement français). Toutes représentantes de l’importance des femmes en politique, une vérité qui semble ancrée dans la culture du pays.
La religion
Aussi, dans un pays où plus de 90% de la population partage la religion chrétienne, il est nécessaire de mesurer la place qu’occupent les femmes au sein de l’organisation et de la célébration de la religion. Déjà en 1987, Abrahamsen décrit les inspiration religieuses philippines comme principalement rattachées au livre des Actes de Paul et Thècle qui place plusieurs femmes dans des rôles libérateurs, dont principalement Thècle, salvatrice et héroïne du récit (Abrahamsen 1987).
La femme occupe donc une place centrale aux Philippines, qui fait l’exception en Asie du Sud Est, mais reste cependant précaire. Il est nécessaire de rappeler que certains droits comme celui au divorce ou à la liberté sexuelle n’y sont pas encore appliqués. Et bien que la femme philippine détienne une place centrale dans sa société, pour les milieux les moins nantis le mariage blanc ou la prostitution restent des choix de vie considérés comme positif. C’est une perspective complexe et nuancée qui demande encore beaucoup d’efforts pour obtenir une position sociale ressemblante à celle dont bénéficient les femmes occidentales.
Bibliographie
Abrahamsen, Valérie. 1987. « Women at Philippi: The Pagan and Christian Evidence ». Pour le Journal of Feminist Studies in Religion. Vol. 3, No. 2. pp 17-30.
Assemblée Nationale du Québec. n.d. « La présence féminine ». Chronologie de la présence féminine à l’Assemblée nationale du Québec entre 1961 et 2014.
Attané, Isabelle. Scornet, Catherine. 2009. « Vers l’émancipation ? ». Dans « État, Travail, Famille, conciliation ou conflit ? » numéro 46, pp 129-154.
Gouvernement Français. n.d. « Présentation du pays : les Philippines ». Fiche technique
Raksasataya, Amara. 1968. « The political role of southeast Asian Women ». Dans Annals of the American academy of political and social science. pp 86-90.
Ramos Shahani, Lila. 2012. « The status of women in the Philippines: a 50-year retrospective ». Pour GMA Network
Site officiel de la commission des femmes philippines
UNICEF. n.d. « Programmes novateurs à l’intention du jeune enfant ». Pour un rapport sur les avancées de l’éducation à travers le monde, pp 52-69
Iconographie
Lien vers un blogue sur les mariages entre expatriés et les femmes philippines
La vice présidente des Philippines : Maria Leonor Gerona Robredo
Responsable de la commission philippine pour les femmes
Niveau d’alphabétisation avancée entre les hommes et les femmes aux Philippines