Cliché mais vrai, la Thaïlande souffre et bénéficie d’un tourisme sexuel abondant, principalement originaire de l’Occident. Le pays profite des avantages économiques de celui-ci tandis que les thaïlandais se conforment à ce nouveau marché dont les principales victimes sont les jeunes femmes qui y participent. C’est une situation d’autant plus grave depuis la crise de 1997 (Michel 2003), qui réduit les possibilités professionnelles pour ces actrices économique dont le rôle traditionnel ne permet pas un grand choix de carrière. Ainsi l’intérêt de ce billet est de développer les idées qui entourent le sujet tabou qu’est la prostitution, principalement dans le cadre du tourisme sexuel en Thaïlande. Aussi, en 2000, entre 65% et 70% des touristes qui viennent en Thaïlande sont des hommes (Michel 2003), parmi eux, des touristes exclusivement attirés par le marché de la prostitution thaïlandaise. Ils stimulent donc un marché très riche et d’autant plus important pour le pays qui en a tiré 7 milliards de dollars de recettes en 1995 (Formoso 2001). C’est ici qu’une question se pose, quelle place pour la condition de la femme au coeur du sujet de la prostitution ? Ce billet a pour but de déterminer l’échelle d’action des femmes dans la structure de la prostitution et le degré de souffrance approximatif que cela implique pour la conditions des femmes en Thaïlande.
Le Bouddhisme, un féminisme particulier.
Le sujet de la prostitution et de ses moteurs en Thaïlande s’articule autour de plusieurs axes principaux, parmi lesquels on trouve de manière très surprenante, le bouddhisme. En effet, la vision qu’offre le bouddhisme de la femme et les but qui lui sont associés sont en partie responsables de l’abondance présente dans le marché thaïlandais de la prostitution. Les enseignements bouddhistes considèrent que la femme et l’homme sont égaux en position, ce qui signifie que la femme comme l’homme doit être une actrice de la vie sociale professionnelle. Seulement, cette vision n’est pas cohérente avec la réalité sociale locale, un cadre patriarcal dans lequel il est compliqué pour une femme de réussir, en particulier lorsque l’on considère les classes sociales les plus basses, pour lesquelles la prostitution est une réelle opportunité de réussir. Ainsi, le bouddhisme qui encourage la femme à être indépendante économiquement et à s’affirmer sans le soutient de l’homme, encourage indirectement à la prostitution puisque le cadre thaïlandais n’offre que très peu d’options professionnelles conséquentes. Bien que les femmes qui vouent leur existence au bouddhisme incarnent l’opposée de la prostitution, puisque ce voeux implique l’ascèse et le renoncement au monde matériel auquel appartient la prostitution.
Le Sida.
Une des problématiques centrales de la prostitution en Thaïlande est la question du virus du Sida, sexuellement transmissible. D’après des statistiques exposées par UNICEF, le taux d’information face au virus est relativement le même pour les femmes partout en Thaïlande, la marge de différence est mince entre les milieux ruraux, urbains ou encore entre les classes économiques les plus riches et les plus pauvres. On estime que les connaissances d’ensemble sur le Sida pour les femmes thaïlandaise oscille entre 40% et 50% d’entre elles, cela signifie que la moitié de la population féminine en Thaïlande n’est pas assez informée face à ce fléau qui est très présent dans le pays. On estime d’ailleurs que la Thaïlande compte entre
400 000 et 480 000 adultes vivants avec le Sida en 2012, dont environ la moitié sont des femmes (UNICEF 2012). Le virus est un grave problème pour les intérêts de la population mais également pour le marché de la prostitution puisque les touristes comme les travailleuses du sexe se détachent de ce marché par peur de contracter la maladie. Tandis que la population locale associe le virus à l’homosexualité, un sujet très tabou au sein de la culture thaï (Formoso 2001). Face au Sida, les prostituées qui quittent le marché du sexe se voient remplacées par une main d’oeuvre immigrante chinoise et birmane, au même titre que les autres marchés économiques, les proxénètes sont obligés de s’adapter aux aléas. Ainsi, dans les années 1990 on compte environ 30 000 jeunes femmes birmanes et chinoises au coeur du marché de la prostitution thaïlandaise (Formoso 2001).
Des prostituées « free lance »
Le cas des prostituées dans le pays du sourire est très particulier puisque plusieurs sources considèrent que ces jeunes femmes ne sont pas forcées à cette carrière mais s’y lancent par conviction. Car c’est un domaine facile d’accès et très payant, comparativement aux autres débouchés professionnels disponibles pour les mêmes femmes. D’après Formoso, on considère qu’environ 20% de ces femmes sont forcées à la prostitution ou proviennent d’un traffic humain. Pour les autres, c’est une situation plus souple qui leur permet de se prostituer dans les bars de Patpong ou Pattaya, deux villes réputées dans ce domaine. De plus, ces femmes ne pratiquent pas nécessairement d’actes sexuels et les passes peuvent être uniquement composées de long flirts (Roux 2013). Ces travailleuses existent indépendamment des réseaux, de manière officielle, et se prostituent par choix. Cependant c’est un marché qui offre trop peu de transparence et le manque d’information, et la désinformation qui s’y mêle ne permettent pas d’affirmer que les femmes qui se prostituent en Thaïlande n’en souffrent pas.
Bibliographie
Formoso, Bernard. 2001. « Corps étranger : tourisme et prostitution en Thaïlande ». Dans Anthropologie et Société, volume 25 numéro 2. pp 55-70.
Michel, Franck. 2003. « Le tourisme sexuel en Thaïlande : une prostitution entre misère et mondialisation ». Dans Tourisme et Sexualité. pp 22-28. En ligne http://teoros.revues.org/1822
Roux, Sébastien. 2011. « No money, no honey : Économies intimes du tourisme sexuel en Thaïlande ». Dans Travail, Genre et Société numéro 29. La Découverte, Paris, pp 211-213.
UNICEF. 2013. « Statistiques : la Thaïlande ». En ligne https://www.unicef.org/french/infobycountry/Thailand_statistics.html
Iconographie
Une très jeune prostituée en Thaïlande https://c1.staticflickr.com/1/43/432413820_f3a5f87fe5_b.jpg
Pattaya http://kinseyconfidential.org/wp-content/uploads/2016/02/pattayanightlife_resized.jpg
Centre de soin pour les personnes atteintes du Sida en Thaïlande (Photo par Pierre Abensur) http://www.pierreabensur.com/clients/1528/fichiers/photos/4dfca6e2a083a.jpg