Les enjeux de l’alimentation à Singapour

Par Perrine Legoube

Tout phénomène d’urbanisation présente un défi pour l’agriculture: moins de terres cultivables, plus de population à nourrir. A Singapour, le défi est d’autant plus grand: à l’heure actuelle, 95% de toute la nourriture qui y est consommée et importée. Non seulement cela augmente la facture écologique de Singapour, mais en plus cela rend le pays très sensible à la hausse des prix dans les autres pays. La taille du pays ne lui permet pas de consacrer des terres à l’agriculture. Plusieurs solutions s’offrent au gouvernement. Après avoir fait un état des lieux de l’alimentation à Singapour, on se concentrera sur les différentes solutions étudiées par le gouvernement pour se focaliser sur celle de l’agriculture urbaine, sur les toits des immeubles.

Singapour est l’une des économies les plus développées de l’Asie du Sud Est. Son emplacement en fait un centre clé pour les administrations régionales d’entreprises internationales liées à l’alimentation et l’agriculture. Singapour doit non seulement nourrir ses 5,2 millions d’habitants, mais aussi ses 10 millions de touristes annuels. Avec un des plus hauts PIB/hab du monde, la consommation d’aliments par habitant est elle aussi particulièrement élevée, notamment en comparaison avec le reste de la région. Les terres arables de Singapour ne représentent que 1,47% de ses terres totales qui servent principalement aux cultures permanentes, n’ayant donc virtuellement aucun secteur agricole. Le peu de production effectuée est majoritairement constituée de légumes, volailles et oeufs, comme le montre le tableau suivant.

Production agricole et animale – Singapour

Produit Production*(1000$US) Production ™
1) oeufs de poules en coquille

20 017

24135

2) légumes frais

3 919

20 795

3) oeufs d’autres oiseaux en coquille

3 461

1 200

4) épinard

515

2 200

5) laitues et chicorées

235

502

6) Viande, boeuf

135

50

7) champignons et truffes

103

57

8) choux et autres crucifères

91

605

9) tomates

19

51

10) noix de coco

17

150

11) Viande, chèvre

13

5

12) Viande, poulet

3

2

13) Fruits frais

3

8

14) Racines et tubercules

2

14

15) Viande, porc

0

0

16) Viande, mouton

0

0

Les principaux fournisseurs de produits alimentaires pour Singapour sont la Malaisie, la France et l’Indonésie. En 2013, les importations totales de produits agroalimentaires et de produits de la mer en provenance de la Malaisie, de la France et de l’Indonésie étaient évaluées à 2,2 milliards $CAN, à 1,4 milliard $CAN et à près de 1,2 milliard $CAN respectivement.

Au chapitre de la valeur commerciale, les boissons alcoolisées distillées se sont classées au premier rang des importations et des exportations. 

Après ce tour général de l’agriculture et de l’alimentation à Singapour, nous allons maintenant nous concentrer sur les solutions proposées par le gouvernement pour pallier à ce problème.

Pour pallier à ce problème, le gouvernement de Singapour étudie diverses solutions. D’une part, il met de côté des fonds pour créer des zones alimentaires outre-mer, ou la production serait exclusivement destinée à la consommation de Singapour. La solution à laquelle on va s’intéresser ici, c’est l’agriculture urbaine sur les toits des immeubles de la ville.

L’agriculture urbaine consiste à cultiver des plantes et élever des animaux à l’intérieur des villes. Elle convient particulièrement aux légumes, dont la vitesse de croissance est très élevée, aux fruits dont la productivité est très grande en agriculture urbaine.

Environ 80 % de la population de Singapour vit dans des appartements publics du Housing and Development Board (HDB). L’espace disponible représente une opportunité importante pour la production agricole. La très grande majorité des logements résidentiels à Singapour vivent dans des appartements construits par le HDB souvent avec des baux de 99 ans. Le HDB fut créé sous la colonisation britannique pour remédier au problème du logement à Singapour, qui était alors décrit dans un rapport britannique comme le « pire taudis de l’Asie ». Le HDB a construit de nombreux appartements à bas coûts, et a aidé les populations à les acheter puis à les rénover. Résultat: de nombreux bâtiments résidentiels publics, souvent à toits plats, appartiennent encore à l’État, et offrent donc un espace disponible pour l’agriculture urbaine. 

La pratique de l’agriculture urbaine a de nombreux avantages, comme la diminution des coûts de transport, l’indépendance alimentaire des pays producteurs, et une plus grande rémunération des producteurs, qui récupèrent la part qui irait normalement aux intermédiaires. Mais aux delà de ces avantages socio-économiques, l’agriculture urbaine a aussi des avantages environnementaux. 

Elle permet de diminuer la production de CO2 due à la fois au transport des aliments mais aussi aux habitations elles-mêmes. D’autre part, l’agriculture traditionnelle s’appuie fortement sur l’utilisation massive de pesticides et fertilisants chimiques. Avec l’agriculture urbaine, cette fuite de produits toxiques est réduite. Si 661 hectares de toits peuvent être consacrés à l’agriculture à Singapour, environ 3305 hectares de terre peuvent être libérés dans les pays voisins. En outre,  l’agriculture urbaine offrirait à Singapour une source de biofuel généré par les pertes de récoltes végétales. La méthanisation biologique générerait de l’électricité et de la chaleur. Il faut encore ajouter la possibilité de récupération d’eau de pluie qui pourrait être convertie en eau potable, alimenter les cultures urbaines et la population elle-même.

Pour résumer, l’implantation d’agriculture urbaine sur les habitations de financement public à Singapour permettrait d’augmenter la production locale de 35,5%. Ce serait un début de réponse au problème de l’alimentation à Singapour, ce qui lui permettrait de diminuer sa facture énergétique. D’autres avantages sont la production de biofuels, une certaine amélioration de la santé et de l’environnement par des pratiques agricoles plus sécuritaires, mais au-delà des bénéfices physiques, il serait possible d’ajouter une opportunité de renforcer l’identité locale et d’encourager l’engagement communautaire. A l’heure actuelle, Singapour a des instruments politiques qui reconnaissent l’importance de verdissement intégré. Néanmoins, passer au niveau supérieur requiert un effort supplémentaire, au-delà des motifs de qualité de vie, vers une vision du développement durable et de l’empreinte écologique plus holiste.

Sources: SECRÉTARIAT DE L’ACCÈS AUX MARCHÉS

Rapport d’analyse des marchés mondiaux

Aperçu du marché

Singapour

Juin  2014

Volume5, Number2 105

BUILDING INTEGRATED AGRICULTURE

Utilising Rooftops for Sustainable Food

Crop Cultivation in Singapore

Lim Yinghui Astee and Dr. Nirmal T. Kishnani

Lien pour marque-pages : Permaliens.

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