Par Gabriel Fonlladosa
Le Cambodge est aujourd’hui considéré par le Global Index Slavery comme le pire pays d’Asie du Sud-Est en termes d’esclavage. Une grande partie de ces esclaves sont employés dans l’industrie du sexe. En effet, le tourisme sexuel est malheureusement très développé dans ce pays. Par ailleurs, d’après un rapport de l’UNICEF, 1 prostituée sur 3 serait âgé de moins de 15 ans, les enfants sont donc en première ligne (1). L’une des principales explications de cette misère est la pauvreté. Le produit intérieur brut du Cambodge par habitant est en effet le moins élevé d’Asie du Sud-Est (1 111 USD), de nombreux parents vendent leurs enfants afin de pouvoir survivre et de payer leurs dettes contractées auprès d’usuriers (2).
En effet, différents journalistes de CNN ont enquêté sur ce trafic. Dans un reportage, ils relatent l’histoire de Kieu, une jeune fille âgée de douze ans, vendue à des trafiquants car vierge. Son témoignage, bouleversant, permet de mettre en lumière la banalisation de ce trafic. Afin de pouvoir « la vendre » à un bon prix, un certificat de virginité doit être délivré par un médecin, voilà pourquoi sa mère décida d’emmener Kieu à l’Hôpital. Une fois le certificat obtenu, sa mère la vendit à un proxénète, puis elle fût violée durant 3 jours, avant qu’elle ne parvienne à s’échapper.
Nous pouvons malheureusement constater qu’il n’y pas qu’un seul responsable dans cette tragédie. En effet, le médecin n’est-il pas lui aussi responsable lorsqu’il délivre un « certificat de virginité » ? Par ailleurs, certains policiers seraient aussi complices, The Guardian relate le témoignage d’une jeune fille ayant été vendue pour 1400 dollars. (3). La famille, la police, les médecins, tout le monde est mis en cause dans cette affaire, et ces deux filles sont loin d’être des cas isolés.
Svay Pak, une banlieue pauvre de Phnom Penh où sont issues de nombreuses prostituées mineurs.
Nous pouvons isoler différents facteurs qui expliquent l’importance de l’esclavage au Cambodge : la pauvreté et la faible mise en application des lois due à une très importante corruption (la plus importante en Asie du Sud-Est) (4). En effet, le PIB par habitant au Cambodge est de 1111 USD, une fille vierge est en moyenne vendue 1400 USD, ce qui est donc un revenu plus que conséquent pour une famille de paysan, surtout lorsque 40% de la population vit avec moins de 1,25 USD par jour (5). Par ailleurs, on constate qu’aujourd’hui, suite à la crise de 2009, de plus en plus de femme sont amenés à se prostituer, alors qu’auparavant, elles étaient majoritairement sans emploi ou issues des campagnes.
C’est donc l’extrême pauvreté qui pousse les Cambodgiens à vendre leurs enfants. En effet, Kieu fut vendu car sa mère n’avait pas de quoi payer ses dettes (6). Cela est rendue possible par un État corrompu. En 2005, le directeur de la banque mondiale, James Wolfensohn, déclara que le Cambodge était confronté à trois problèmes majeurs : « La corruption, la corruption et la corruption ». En effet, il faut savoir qu’au Cambodge les pots-de-vin sont monnaie courante et les tribunaux restent contrôlés par le Parti du peuple cambodgien (PPC) – au pouvoir depuis 28 ans (7). C’est aussi, cette même corruption qui appauvrie d’autant plus la population, le gouvernement utilisant l’argent récolté à des fins personnelles (8). Le Cambodge se trouve donc dans un véritable cercle vicieux. Enfin, la chute du régime des Khmers rouges et l’ouverture sur le monde du pays a permis l’essor du tourisme sexuel au Cambodge qui rejoint désormais la Thaïlande et les Philippines (9).
Récemment, le gouvernement a décidé de s’attaquer à ce grand problème de société en finalisant en 2010 le « Second National Plan of Action against Trafficking in Persons and Sexual Exploitation ». Toutefois, aucune action concrète ne fut prise. Voilà pourquoi, du fait de la faiblesse de l’État cambodgien, certaines ONG ont décidé d’agir. Parmi lesquelles figure « End child prostitution, child pornography and trafficking of children for sexual purposes » (ECPAT) qui dans un rapport demande au gouvernement cambodgien de mettre en application au plus vite son plan d’action. Aussi, d’importants efforts doivent être faits en termes de coopération régionale afin de mieux lutter contre le crime organisé qui gangrène la région. Une meilleure prévention, passant par l’éducation est aussi nécessaire auprès des enfants. En effet, d’après l’UNICEF, l’éducation serait « l’antidote » contre la pauvreté et l’exploitation sexuelle, voilà pourquoi une bourse a été créée par cette même organisation et World Education afin de permettre aux enfants des campagnes, premières victimes du trafic, d’être scolarisés (10). Enfin, le gouvernement se doit d’accentuer la protection des enfants, notamment en faisant voter des lois en ce sens et en donnant plus de moyens à sa police.
Cependant, le Cambodge reste un pays pauvre et corrompu. L’État cambodgien ne possède donc que très peu de moyens et n’est pas en mesure de lutter efficacement contre ce fléau. L’aide d’acteurs extérieurs semble donc indispensable.
Références
- http://www.humantrafficking.org/countries/cambodia
- http://www.cnn.com/interactive/2013/12/world/cambodia-child-sex-trade/
- http://www.theguardian.com/society/2014/jul/06/virginity-for-sale-cambodia-sex-trade
- http://ecpat.net/sites/default/files/a4a_v2_eap_cambodia.pdf
- http://www.slate.com/articles/news_and_politics/dispatches/2011/05/a_brief_tour_of_the_cambodian_sex_industry.html
- http://www.slate.fr/tribune/81581/fmi-corruption-cambodge-ombre
- http://www.cnn.com/interactive/2013/12/world/cambodia-child-sex-trade/
- Ending the Cycle of Female Child Sex Slavery in Cambodia: Prevention, Prosecution and Sustainable Freedom.
- Sex Work in the Global Economy
- http://www.unicef.org/education/cambodia_27896.html
Bibliographie
Shah, Svati P. « Sex Work in the Global Economy ». New Labor Forum 12, no 1 (1 avril 2003): 74‑81.
Murphy, Carmen. Ending the Cycle of Female Child Sex Slavery in Cambodia: Prevention, Prosecution and Sustainable Freedom. Doctor thesis, Butler University, 2011.
Haworth, Abigail. « Virginity for Sale: Inside Cambodia’s Shocking Trade ». The Guardian, 6 juillet 2014, sect. Society. http://www.theguardian.com/society/2014/jul/06/virginity-for-sale-cambodia-sex-trade.
« The women who sold their daughters into sex slavery ». Consulté le 1 décembre 2014. http://www.cnn.com/interactive/2013/12/world/cambodia-child-sex-trade/.
Silverstein, Ken. « A Brief Tour of the Cambodian Sex Industry ». Slate, 19 mai 2011. http://www.slate.com/articles/news_and_politics/dispatches/2011/05/a_brief_tour_of_the_cambodian_sex_industry.2.html.
ECPAT. Global Monitoring: Status Of Action Against Commercial Sexual Exploitation Of Children. 2011.
« Le FMI maintient la corruption au Cambodge dans l’ombre ». Slate.fr. Consulté le 12 décembre 2014. http://www.slate.fr/tribune/81581/fmi-corruption-cambodge-ombre.
« For Cambodian girls, education is antidote to poverty and sexual exploitation ». UNICEF. Consulté le 12 décembre 2014. http://www.unicef.org/education/cambodia_27896.html.