Le travail des enfants au Vietnam : une lutte qui porte ses fruits ?

Par Gabriel Fonlladosa

Le 12 juin 2014, s’est déroulée comme chaque année la journée mondiale contre le travail des enfants. Ce rassemblement annuel fut marqué par une réunion de l’OIT à Hanoi, capital du Vietnam (1). L’Asie du Sud-Est est en effet une des régions les plus touchées par ce phénomène, et le Vietnam n’y échappe pas. Lorsque que l’on se réfère à la définition de l’organisation internationale du travail (OIT), on dénombre actuellement 168 millions d’enfants travaillant dans le monde dont presque la moitié (45%) dans la région d’Asie-Pacifique (2). Ce chiffre reste bien évidemment trop élevé, néanmoins si on observe la tendance, ce dernier est plutôt encourageant, il a en effet diminué d’un tiers au cours de la dernière décennie. Cette progression a été rendue possible pour plusieurs raisons. La première étant la profonde volonté du gouvernement vietnamien d’éradiquer cette pratique. Le Vietnam a joué un rôle de premier rang dans cette lutte, d’où l’organisation de cette réunion dans sa capitale. En effet, le gouvernement Vietnamien s’est associé avec l’OIT et a ratifié  plusieurs conventions internationales protégeant les droits des enfants notamment les Worst Forms of Child Labour Convention et Minimum Age Convention. Aussi, lors de la journée mondiale contre le travail des enfants, le Vietnam en a profité pour publier une grande étude nationale sur le sujet, signe que le gouvernement lutte avec force contre ce fléau. Cette étude a permis d’établir une véritable base de données concernant le travail des enfants (3). Le schéma ci-dessous synthétise ce rapport.

Graph. 1

Les différentes actions du gouvernement vietnamien ont donc permis de faire baisser le nombre d’enfant travaillant. En effet, entre 1993 et 2006 ce taux est passé de 45 à 10%. (4)

Mais alors, outre les conventions ratifiées,  quels sont les différents facteurs ayant permis de faire baisser ce taux ?  Cela peut, dans un dans un second lieu, s’expliquer par le développement économique. En effet, lorsque l’on se réfère au rapport publié conjointement par l’UNICEF, la banque mondiale et l’OIT, on constate que ce dernier met en lumière le rôle de l’augmentation des revenus dans la baisse du nombre d’enfants travaillant. En effet, entre 1992 et 2002 la croissance du produit intérieur brut était de l’ordre de 7,4% (5), ce qui faisait de l’économie vietnamienne une des plus dynamiques au monde.  On peut véritablement parler de miracle économique lorsque l’on sait qu’au milieu des années 80, le pays était empêtré dans un véritable marasme économique et a échappé de peu à une famine sans précédent. Qu’est-ce qui a donc pu permettre au Vietnam de connaitre un tel essor économique ?

Durant la fin des années 1980, inspiré par son voisin chinois, le gouvernement s’est lancé dans un vaste projet de restructuration économique du pays. Cela a eu pour conséquence d’insérer le Vietnam dans l’économie internationale. Ces différentes réformes portent ainsi le nom de « Doï Moï » (6). Elles seront par la suite suivies par l’intégration du Vietnam au sein de l’organisation mondiale du commerce en 2005, puis par l’adoption du : « Plan de développement Économique et Social » (PDES), un plan visant à accentuer les efforts entrepris (7). Ce miracle économique est donc en partie dû à l’insertion réussie du Vietnam dans l’économie de marché et aux nombreux investissements étrangers. Pourrions-nous donc penser que la mondialisation a  permis de faire baisser le travail des enfants ?

Dans un article publié par le « National Bureau Of Economic Research » Eric Edmonds and Nina Pavcnik vont s’intéresser à l’influence qu’a eue la baisse des taxes douanières effectuées en 1993. La libéralisation économique a contraint les riziculteurs vietnamiens à exporter leur produit, ce qui permis une hausse de 30% du prix du riz et donc de leur revenus. Cette hausse de revenus permet aux parents de se passer du travail de leurs enfants. Aussi,  les auteurs notent qu’entre 1993 et 1998,  parmi les 2,2 millions d’enfants ont arrêtés de travailler, 1 millions ont pu uniquement grâce aux exportations de riz (8). Ici, nous remarquons donc clairement que la libéralisation économique vietnamienne a permis de lutter efficacement contre le travail des enfants.

Alors que l’on serait facilement tenté de penser que la mondialisation ne ferait qu’accroitre les inégalités Nord/Sud, ici nous remarquons qu’elle a clairement permis aux enfants d’en finir avec le travail et d’accéder enfin à l’éducation.

Références

  1. http://www.ilo.org/hanoi/Informationresources/Publicinformation/Pressreleases/WCMS_246641/lang–en/index.htm
  2. http://www.ilo.org/hanoi/Informationresources/Publicinformation/Pressreleases/WCMS_246641/lang–en/index.htm
  3. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—asia/—ro-bangkok/—ilo-hanoi/documents/publication/wcms_237833.pdf
  4. http://www.ucw-project.org/attachment/child_labour_Vietnam20110627_125424.pdf
  5. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=1095
  6. http://www.vietnam.co.za/index.php?option=com_content&view=article&id=114:economic-renovation-doi-moi&catid=45:history-of-vietnam&Itemid=114
  7. http://siteresources.worldbank.org/INTPRS1/Resources/Vietnam_PRSP%28July-2006%29.pdf
  8. http://www.nber.org/papers/w8760.pdf

Bibliographie

Edmonds, Eric, Pavcnick, Nina. « Does Globalization Increase Child Labor? Evidence from Vietnam », National Bureau Of Economic Research,  2002.

Oudin, Xavier. « Le Doi Moi et l’évolution du travail au Vietnam ». Tiers-Monde 40, no 158 (1999).

« Understanding children‘s work in Vietnam Report on child labour », Understanding Children’s Work, April 2009.

« Vietnam National Child Labour Survey 2012 » International labour organisation, 2014.

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