Par Raluca Stanescu
Les disputes territoriales en mer de la Chine méridionale laissent une lourde empreinte sur les relations sino-philippines. En absence d’un dispositif de communication entre les deux gouvernements le risque de confrontation augmente. Depuis janvier 2013, les Philippines essayent de résoudre ses litiges avec la Chine, devant le Tribunal international du Droit de la mer (TIDU) où l’administration de Manille a déposé une demande d’arbitrage ayant comme but la clarification du statut de ses possessions en mer de la Chine méridionale (le récif Scarborough et les iles Spratly). Manille conteste également la « ligne de 9 traits », qui d’après la Chine délimite sa zone d’influence, mentionnée sur les cartes chinoises depuis 1947. Jusqu’à date, Pékin a refusé tout arbitrage international cherchant d’établir plutôt des dialogues bilatéraux, évitant une solution à l’échelle régionale, qui, de toute évidence, pourrait décevoir ses attentes, (Jammes et Robinne 2014, 283). Cependant, les relations Chine-Philippines montent en tension et une tournure positive des rapports bilatéraux est difficile à envisager, (Jianwei 2014, 17). La suprématie de la Chine en région inquiète le gouvernement philippin qui se tourne vers son protecteur transocéanique, les États-Unis, dans le but de protéger sa ZEE et ses intérêts en mer de la Chine méridionale.
Le partenariat entre les États-Unis et les Philippines trouve son origine historique dans la période coloniale. Depuis, Washington exerce une forte influence sur l’archipel, se basant sur des relations bilatérales solides, illustrées par le traité de défense mutuelle, de 1951. Cette déclaration officielle exprime autant la détermination des États-Unis de défendre ses positions d’influence dans le Pacifique oriental, que l’allégeance philippine envers son puissant allié. (Jammes 2013, 254-55) Elle souligne « leur volonté commune de se défendre contre une attaque armée externe, de sorte qu’aucun agresseur potentiel ne pourrait nourrir l’illusion que l’un d’eux est le seul dans le Pacifique. » (Mutual Defense Treaty Between the United States and the Republic of the Philippines, 1951)
L’escalade des hostilités dans cette région, expliquée par son importance géopolitique, incite l’administration américaine à y garder un œil vigilent. En plus d’être riche en hydrocarbures, cette mer assure le transport pétrolier entre Moyen-Orient et la Chine, deux points bien présents sur l’agenda stratégique de Washington. La zone est en effet d’une grande importance, compte tenu la montée de la Chine et de ses politiques d’influence en Asie orientale. (De Tréglodé et Jammes 2012, 218) Les Philippines pourront jouer dans ce contexte le rôle de point d’ancre pour le contrôle militaire américain en région, surtout « dans le scénario d’une détérioration des relations entre les deux rives du Pacifique consécutive à l’inéluctable montée en puissance de la Chine face à des États-Unis soucieux de conserver leur suprématie. » (De Tréglodé et Leveau 2011, 230)
De son côté, la Pékin utilise une approche à la fois dure et douce, préférant tenir les tensions hors de son dialogues de coopération avec les partenaires régionaux. L’intensification de sa présence militaire est un atout lors des négociations territoriales, car la Chine craint la force du partenariat entre les pays de l’ASEAN et les États-Unis. Pourtant, elle manifeste peu la volonté de restreindre ses actions, ayant pour l’instant, l’avantage du pouvoir, (Hyer 1995, 34-36).
En 2002, les pays de l’ASEAN, dont les Philippines, ont signé avec la RPC la Déclaration de conduite (DOC) en mer de la Chine méridionale, qui « interdit l’occupation de nouvelles iles et la construction de nouvelle infrastructures sur les terres occupées » (De Tréglodé et Leveau 2011, 230) Pourtant, en 2009, la présidente Gloria Macapagal-Arroyo a émis une loi (Archipelagic Baselines Act, no.9522), déclarant la souveraineté philippine sur les iles Spratly (Kalayaan) et le récif Scarborough (Bajo de Masinloc). Ces formations insulaires, qui s’élèvent à peine à la surface de la mer, sont l’objet de convoitise de plusieurs pays en ASE et de la Chine, qui essaye de sécuriser sa suprématie dans la mer méridionale, vu son importance géostratégique et la présence de réserves d’hydrocarbures dans les profondeurs marines, (D’Arnaud 2009, 304-05). Ces revendications sont le point de départ des incidents sino-philippin. En 2009, Manille décide de développer des infrastructures sur les iles occupées, en contradiction avec la Déclaration de conduite, signée dans le cadre de l’ASEAN avec la Chine, provoquant l’indignation du Pékin et des autres pays qui revendiquent des possessions dans l’archipel, (De Tréglodé et Jammes 2012, 217). Les incidents militaires, les intimidations reliées aux revendications philippines et chinoises, menacent de déstabiliser la région. Depuis 2012, les tensions locales restent à haut voltage. « Les deux pays reconnaissent le besoin d’un mécanisme qui de ne laisse pas les différents maritimes affecter les relations amicales générales. » (Notre traduction, Jianwei 2014, 17)
Pour faire valider sa position en mer de la Chine méridionale, Manille utilise différentes stratégies. Une première voie d’action pour les Philippines serait l’ASEAN (élargie) qui offre différentes structures de coopération multilatérale permettant l’élaboration d’un Code de comportement en mer de la Chine méridionale comme base légale pour la résolution des différends. Les Philippines portent des dialogues avec les autres pays concernés pour contraindre la Chine d’accepter une entente multilatérale, (Jianwei 2014, 12). Cependant, les Philippines se tournent également vers les États-Unien, qui manifestent un intérêt direct pour le contrôle de la région. Les Philippines d’ailleurs, comptent sur le soutien matériel et militaire américain face à ces disputes. Les États-Unis sont le principal pilier dans le support économique et militaire du pays. Le gouvernement américain a confirmé à plusieurs reprises son intention de coopérer étroitement avec les Philippines dans l’effort d’améliorer sa capacité de défense et ses équipements militaires, (Jianwei 2014, 12-13). Dans ce cas il faut questionner si un renforcement de la présence militaire américaine, qu’elle soit explicite ou implicite, ne détériorera pas d’avantage la relation entre la Chine et les Philippines. L’endroit risque-t-il de connaitre la déstabilisation? Un mécanisme de contrôle s’impose donc, pour empêcher la déstabilisation régionale et la polarisation des forces autour de la mer de la Chine méridionale. Reste à voir quelle approche les Philippines favoriseront pour résoudre le différend.
Bibliographie
De Tréglodé Benoit et D’Arnaud Leveau dir. 2011. « L’Asie de Sud-Est 2011. Les évènements majeurs de l’année » Collection documents Paris : IRASEC
De Tréglodé, Benoit et Jeremy Jammes, dir. 2012. « L’Asie de Sud-Est 2012. Les évènements majeurs de l’année » Collection documents Paris : IRASEC
Hyer, Éric. 1995. « The South China Sea Disputes: Implications of China’s Earlier Territorial Settlements » University of British Columbia Pacific Affairs 68 (no.1: spring): 34-54
Jammes, Jeremy dir. 2013. « L’Asie de Sud-Est 2013. Les évènements majeurs de l’année » Collection documents Paris (France) : IRASEC
Jammes, Jeremy et Francois Robbine dir. 2014. « L’Asie de Sud-Est 2014. Les évènements majeurs de l’année » Collection documents Paris (France) : IRASEC
Jianwei, Li. 2014. « Managing Tensions in the South China Sea: Comparing the China-Philippines and the China-Vietnam Approach » S. Rajaratnam School of International Studies Singapore. RSIS Working Paper: no.273
Leveau, D’Arnaud dir. 2009. « L’Asie de Sud-Est 2010. Les évènements majeurs de l’année » Collection documents Paris (France) : IRASEC
«Mutual Defense Treaty Between the United States and the Republic of the Philippines » 1951 Lillian Goldman Law Library The Avalone Project Yale Law School. consulté en ligne: 4/11/2014 http://avalon.law.yale.edu/20th_century/phil001.asp