Par Raluca Stanescu
Depuis la fin de la guerre froide et surtout avec la montée économique de l’Asie de Sud-Est depuis les années 1990, l’Indonésie affirme de plus en plus sa position de « hub » politique dans le paysage régional, surtout au travers l’ASEAN, dont il est membre fondateur. Pays émergent, au carrefour des routes commerciales importantes, l’Indonésie attire une variété de partenaires économiques, une condition « sine qua non » pour son développement. Ses rapports stratégiques incluent aujourd’hui un nombre d’acteurs majeurs impliqués dans la sécurité et la stabilité régionale, dont la Chine, le Japon, les Etats-Unis, les pays européens. Dans le contexte géopolitique régional, sa participation active dans le périmètre de l’ASEAN est l’expression des efforts communs déployés pour réduire la vulnérabilité des nations émergentes. Jakarta vise jouer un rôle important sur la scène régionale et mondiale. Preuve sont ses décisions. Ainsi, la mise en place d’une zone dénucléarisée en ASE est une initiative indonésienne. Le gouvernement soutient également la politique de non-alignement et la résolution des différents à travers le dialogue multilatéral.
Fortement affecté par la crise asiatique de 1997, le pays ressent encore les conséquences. Pour assurer un vrai rétablissement économique, les élites indonésiennes déploient des efforts soutenus pour bâtir un climat favorable à la coopération régionale. Dans ce but, leur activité diplomatique va dans le sens de l’établissement d’un cadre de collaboration, favorable au développement économique du pays et de l’ensemble Sud-Est asiatique et d’une meilleure intégration régionale.
Pour l’Indonésie, comme pour d’autres pays voisins, la montée de la Chine constitue un défi difficilement à gérer. Il est tout aussi évident que les dirigeants indonésiens hésitent à juger l’émergence de la Chine comme bienveillante ou menaçante. Alors que l’histoire de l’archipel indonésien est marquée par les émeutes antichinoises et anti-communistes, source de déstabilisation sociale, l’Indonésie se méfie des conséquences que la progression chinoise aurait sur l’ordre régional.
Si l’engagement économique et diplomatique de la Chine avec les pays du Sud-Est asiatique est encourageant, l’évolution des différends territoriaux en mer de Chine méridionale soulève l’inquiétude. Dans le contexte géopolitique actuel, l’Indonésie ne peut pas ignorer la dynamique prodigieuse de la Chine. En effet, depuis le rétablissement des rapports diplomatiques entre les deux pays, en 1990, et surtout après la crise asiatique de 1997, l’archipel a bénéficié d’un important soutien chinois. Compte tenu des besoins en énergie de la Chine, les relations bilatérales actuelles s’appuient sur la coopération économique, principalement dans le secteur énergétique. En 2002, Petro China a acheté six champs de Devon Energy tandis que CNOOC a également acquis des actifs dans le secteur pétrolier et gazier indonésien, (Sukma 2009, 147).
L’archipel représente un lieu d’investissement stratégique pour la République populaire, l’Indonésie disposant aussi d’une importante élite économique d’origine chinoise. En 2004, la Chine devient le cinquième partenaire commercial de l’Indonésie et les exportations vers le pays du milieu doublent en volume, pendant que les présidents Hu Jintao et Yudhoyono signent une entente de « partenariat stratégique » sino-indonésien, (Sukma 2009, 148).
Si dans le domaine économique l’Indonésie a établi un nombre importants d’accords directs avec la RPC, en ce qui concerne la sécurité régionale, Jakarta préfère engager Beijing dans un dialogue multilatéral, dans le cadre élargit de l’ASEAN et dans le Forum régional de l’ASEAN (ARF), (Sukma 2009, 151).
Les litiges territoriaux maritimes sont une menace réelle pour les objectifs indonésiens de développement et pour la sécurité régionale, compte tenu de l’importance majeure des routes maritimes pour économie de l’archipel. C’est pourquoi l’Indonésie favorise une politique locale qui met l’accent sur la force collective de l’ASEAN, dans la balance de pouvoir régionale. Bien qu’il ne fait pas partie des pays revendicateurs, l’Indonésie ne peut que soutenir la réalisation d’une zone de coopération en mer de la Chine, pour assurer ses exportations d’hydrocarbures auprès des pays en région.
Ainsi, pendant sa dernière présidence à l’ASEAN, en 2011, le chef d’Etat indonésien, Bambang Susilo Yudohoyono, a réaffirmé lors du Sommet de Bali, l’intention de Jakarta d’amener à la table des discutions les disputes territoriales en mer de Chine du Sud, en exprimant l’espoir que cet espace pourrait devenir une «zone de coopération économique». De cette tribune, l’Indonésie a réaffirmé l’importance de l’élaboration d’un Code de conduite (COC) en mer de la Chine du Sud, insistant sur la nécessité d’un dialogue multilatéral dans le cadre de l’ASEAN élargit (ASEAN+6) et d’ARF, pour la résolution des litiges, (Thayer 2011, 9 et 23).
La montée «pacifique» de la Chine est loin de rassurer les nations Sud-Est asiatiques à l’égard des intentions chinoises. De plus, sa prééminence pourrait générer d’importants conflits en Asie du Sud-Est, (Tan, 2007). C’est pourquoi malgré l’affermissement des rapports économiques sino-indonésiens, Jakarta reste hésitante devant l’ambiguïté stratégique chinoise en région. (Sukma 2009, 145)
Surveillant avec appréhension les intentions de la Chine, Jakarta poursuit avec prudence ses politiques, car dans la vision des leaders indonésiens, une Chine puissante économiquement et militairement, représente un risque pour la région, (Sukma 2009, 153). Il n’est pas surprenant que l’Indonésie soutienne une participation élargie au Sommet de l’Asie de l’Est (EAS), incluant l’Australie, l’Inde et la Nouvelle Zélande. L’Indonésie renforce également ses relations de coopération avec les pays européens et avec les Etats-Unis sans démentir sa position de non-alignement. Cette stratégie va dans le sens de l’établissement de l’équilibre des pouvoir en région, face à la montée chinoise, (Sukma 2009, 153). En 2006, le sondage sur l’opinion publique indonésienne sur le niveau de confiance face à la Chine, montre que pour rassurer les Indonésiens, la Chine devrait élaborer une politique prudente, de bon voisinage avec le Sud-Est asiatique, (Sukma 2009, 154).
Bibliographie
EIA. 2014. « Indonesia ». En ligne. http://www.eia.gov/countries/cab.cfm?fips=ID (consulté le 28 décembre 2014)
Sukma, Rizal. 2009. « Indonesia’s Response to the Rise of China: Growing Comfort amid Uncertainties». Dans Tsunekawa , Jun. dir. The Rise of China:Responses from Southeast Asia and Japan.Tokyo: The National Institute for Defense Studies.
Tan, See Seng. 2007. « Dealing with the Dragon: Southeast Asian Strategic Relations with China ». Dialogue + cooperation / Friedrich-Ebert-Stiftung Singapore: 2007-2
Thayer, Carlyle A. 2011. « China’s New Wave of Aggressive Assertiveness in the South China Sea» . CSIS. Washington, D.C.: 20‐21 (juin)