par Eugénie Charreton-Sanford
La minorité ethnique des Rohingyas est concentrée dans la Rhakine du Nord, en Birmanie et est estimé à 750 000 individus[1]. Cependant, depuis l’indépendance de la Birmanie, en 1948, cette minorité est progressivement exclue du processus de construction de la nation[2].
Pourquoi sont-ils poussés de l’«unité» birmane ? Parce que cette minorité ethnique, linguistique et religieuse est très similaire à leur proche voisin du Bangladesh, les bangladais[3]. En ayant une langue qui ressemble énormément à leur voisin et en partageant aussi la même religion (Islam Sunnite) de grandes tensions voient le jour dans ce pays, où la population est à 90% bouddhiste et où il y a seulement 5% de musulman[4].
À cause de cela, le gouvernement birman à mis en place des mesures pour essayer de mettre cette minorité à l’extérieur de «leur» pays. Ainsi, la Loi de 1982 sur la nationalité à été mise en place, par les militaires qui sont au pouvoir du pays. «Toutefois, le moment choisi pour sa promulgation, peu après le rapatriement des réfugiés en 1979, suggère bien qu’elle était conçue spécifiquement pour exclure les Rohingya. Contrairement à l’Acte de Citoyenneté précédent de 1948, la Loi de 1982 est fondée essentiellement sur le principe du jus sanguinis et fait état de trois catégories de citoyens : à part entière, par association et par naturalisation[5]». Or, les Rohingya étant des descendants lointains d’immigrants du Bangladesh, ils ne peuvent correspondre au principe de jus sanguinis.
Ils sont ainsi ni reconnus comme citoyens, ni comme étrangers. Le gouvernement birman fait aussi objection à ce qu’ils soient décrits comme apatrides[6]. Toutefois, à plusieurs occasions, les officiels du gouvernement les ont décrits comme des immigrants illégaux venant du Bangladesh.
La privation de citoyenneté a aussi servi de stratégie-clé pour justifier les traitements arbitraires et les politiques de discrimination envers les Rohingya[7]. Ainsi, il y a des restrictions toujours plus sévères qui englobent tous les aspects de leur vie (leurs déplacements, leur droit de travail, leur mariage, leur nombre d’enfants, etc.).
Plusieurs experts parlent d’ethnocide pour ce qui se passe contre les Rohingyas. Celui-ci est défini comme étant une «destruction d’une ethnie sur le plan culturel[8]». D’autres parlent de nettoyage ethnique. Ce terme est «défini comme la politique délibérée d’un groupe ethnique ou religieux visant à éliminer de certaines zones géographiques, par des moyens violents et suscitant la terreur, la population civile d’un autre groupe ethnique ou religieux». Cependant, le nettoyage ethnique n’est pas vu comme un terme juridique officiel. Donc, oui, ces deux termes peuvent s’appliquer très bien à la situation actuelle, mais nous pouvons pousser plus loin la réflexion.
Si nous voulons avoir un vrai terme juridique sur les actes commis, certaines personnes vont plus pencher pour le crime contre l’humanité, car il y a une intention criminelle de la part des malfaiteurs. Ainsi, «si le criminel agit en vue de supprimer sa victime en raison de sa race, de sa religion ou de ses convictions politiques, c’est un crime contre l’humanité (Lingane, 2006, p.9)».
Néanmoins, nous pourrions aller encore plus loin dans cette pensée. Nous devrions plutôt classer les actes commis, en Birmanie, comme des crimes à caractère génocidaire. Malgré qui est une mince ligne pour différencier le crime contre l’humanité du génocide, il y a une réelle «intention de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tout ou en partie» (Lingane, 2006, p.9). Ce qui traduit ces intentions génocidaires peuvent être retrouvées un peu partout, donc autant dans les actes commis que les dires de certains hauts fonctionnaires birmans.
Dans le journal birman le «New Light of Myanmar» il était inscrit que pour la Birmanie, il n’y existe aucune race nationale sous le nom de Rohingya (Habibburahman & Ansel, Sophie, p.16). Ensuite, le consul général birman à Hong Kong, M. Ye Myint Aung a dit : «Les Rohingyas ne sont ni un peuple du Myanmar ni un groupe ethnique du Myanmar. Vous verrez sur les photos que leur teint est «brun foncé». Le teint du peuple birman est juste et doux – prenez mon teint : typique, celui d’un vrai gentilhomme du Myanmar; vous noterez par la même occasion la beauté de votre dévoué, M. Ye – ainsi vous conclurez qu’il est tout à fait différent de ce que vous avez vu et lu dans les journaux. Ils sont aussi laids que des ogres» (Habibburahman & Ansel, Sophie, p.16). Aussi, on peut faire référence aux villages entiers de Rohingyas qui ont été rasés, depuis juin 2012, par les autorités birmanes[9]. Ces autorités même ne veulent dire réellement le nombre de victimes qu’il y a eu dans ces incidents.
De plus, l’émission française «Pékin Express» a vu plusieurs de ses sponsors mettre fin à leur collaboration suite à plusieurs plaintes d’internautes sur «le génocide d’une minorité musulmane en Birmanie[10]». Par exemple, H&M a demandé «le retrait de leur logo pour éviter toute confusion quand on (H&M) a pris conscience de l’ampleur du sujet[11]». La chaîne où l’émission est diffusée, M6, s’est défendue en expliquant que «Pékin Express» est une émission de voyages et d’aventures, donc que l’émission est somme toute vue comme un programme de divertissement[12]. Ainsi, M6 balaie du revers de la main la situation en se justifiant que les questions géopolitiques ne sont pas de leur ressort, mais plutôt celui de l’information télévisuelle…
La citation de l’archevêque Desmond Tutu, détenteur du Prix Nobel de la Paix de 1984, «Si vous êtes neutre dans une situation d’injustice, vous avez déjà pris parti pour l’oppresseur», résume très bien comment peut être perçu la décision de la chaîne de télévision française, M6.
Peu importe où vous vous informerez, vous allez voir que les gens sont divisés sur cette question. Surtout entre le crime contre l’humanité et le génocide. Cependant, malgré le fait que l’ONU admet que les Rohingya sont une des minorités les plus persécutée du monde, ce qui arrive en Birmanie ne sera certainement pas déclaré comme génocide de si tôt.
Mais ce qui est le plus choquant est que plusieurs pays ou personnalités connues ont dénoncé ce qui se passe en Birmanie. Néanmoins, rien de concret n’a encore été fait et le problème perdure…
[1] L’apatridie – Rhakine du Nord : une prison ouverte pour les Rohingya, en ligne
[2] idem
[3] idem
[4] Bienvenue chez adorable Myanmar, votre agence sur place en Birmanie, en ligne
[5] L’apatridie – Rhakine du Nord : une prison ouverte pour les Rohingya, en ligne
[6] idem
[7] idem
[8] LaRousse, en ligne
[9] Accusé d’ignorer un génocide en Birmanie, Pékin Express lâché par des sponsors, en ligne
[10] idem
[11] idem
[12] idem
Bibliographie
• [S.A.]. Bienvenue chez adorable Myanmar, votre agence sur place en Birmanie, [En ligne], , (page consultée le 3 décembre 2014)
• Habibburahman & ANSEL, Sophie. Nous, les innombrables : un tabou birman, Steinkis éditions, 2012, p.16
• LAROUSSE. Etnocide, [En ligne], , (page consultée le 4 décembre 2014)
• LEWA, Chris. L’apatridie – Rhakine du Nord : une prison ouverte pour les Rohingya, [En ligne], , (page consultée le 4 décembre 2014)
• LINGANE, Zakaria. Comprendre les génocides du XXe siècle, Montréal : Fondation de la tolérance, 2006, p.16
• PFEIFFER, Mehdi. Accusé d’ignorer un génocide en Birmanie, Pékin Express lâché par des sponsors, 2014, [En ligne], , (page consultée le 4 décembre 2014)