Par Claire Bigand
Les Philippines doivent braver plusieurs problèmes écologiques, certains plus marquants que d’autres comme la pollution. Un fléau quotidien, certes, mais qui prend de l’ampleur lors d’évènements tels le Nouvel An (en 2014 à Manille, «la quantité de particules de suspension était dix fois plus élevée que le niveau de sécurité moyen» (Ranada 2014)). Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la situation de précarité des Philippines, où les démarches gouvernementales et de la société civile sont encore à revoir.
Les environnementalistes s’accordent pour dire que les activités minières sont le principal fléau des Philippines. On peut blâmer le gouvernement de part ses diverses lois anti-écologiques, comme le Mining act. qui permet aux étrangers de venir exploiter les mines du pays et en être propriétaire. Cependant, les gestes des citoyens, bien que minimes face aux dirigeants politiques et élites économiques étrangères, sont à dénombrer aussi : «les mineurs, souvent des migrants très pauvres, s’installent dans des habitations de fortune et déversent dans les cours d’eau le mercure, toxique, utilisé pour extraire l’or des roches» (20 minutes 2012). Désinformation totale ou négligences? Comme l’explique le ministère de l’Environnement, les personnes fiables qui devraient sécuriser les secteurs miniers, veiller au respect de l’environnement et émettre les licences d’exploitation sont les autorités locales du pays. Pourtant, comment expliquer les démarches cahoteuses? La corruption. Oui, elle est assez présente et les catastrophes naturelles peuvent le prouver : l’argent destiné au développement suite aux tragédies est détourné par les familles puissantes. La désorganisation est telle que les mines illégales abondent. C’est un problème d’autant plus important puisque les flancs des montagnes sont ainsi ravagés par des cavités qui empirent de façon dramatique les glissements de terrain et les inondations. Rajoutons aussi que l’exploitation minière contamine la terre, oui, mais aussi les travailleurs, qui souffrent de graves problèmes de santé.
La déforestation et l’agrobusiness souillent également le sol philippin. Effectivement, «les deux causes principales à la déforestation sont le défrichage de terres pour l’agriculture et l’exploitation commerciale pour l’exportation d’agrume, de bois de charpente, de pétrole et de bois à pâte» (Coxhead et Jayasuriya 2004). Les Philippines sont ainsi particulièrement vulnérables au réchauffement climatique avec cette émission de gaz à effet de serra via ces pratiques. Comble de tout, le territoire en lui-même, «caractérisé par un climat tropical» (Bakhtyar¸ Sopian, Zaharim, Salleh, Lim 2013) est une zone à risque pour les «tempêtes cycloniques, les volcans actifs, les tremblements de terre destructeurs et les tsunamis» (World Fact Book 2008); rappelons-nous le typhon Haiyan de 2013 qui a complètement ravagé le pays. Avec ce cocktail de sources imprévisibles, le gouvernement philippin tente de protéger son archipel de 7 000 îles en adhérant à de nombreux accords environnementaux comme la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone ou le Protocole de Kyoto tout en misant sur des implantations de projet comme le Fonds pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (F-OMD). Ce programme, entre 2008 et 2012, s’est efforcé «de compléter la base de connaissances du pays et de renforcer les capacités des institutions à gérer les risques liés au changement climatique» (MDGFund 2008). Loin d’être suffisant et de toucher l’entière population, celle-ci s’active d’elle-même, ne serait-ce que les mouvements civils comme la Congrégation catholiques des sœurs missionnaires bénédictines de Tutzing qui tente de mobiliser et sensibiliser les gens aux problèmes écologiques, spécifiquement au niveau national. De plus, l’implication des femmes («qui gèrent le budget familial» (ONU 2010)), est remarquable : elles s’arment à reboiser les mangroves, par exemple, pour créer de nouveau l’habitat idéal pour les poissons dans les villages côtiers pauvres. La raison principale? La pollution et la diminution du niveau des eaux engendrent des complications économiques et culturelles. Bien que l’État soit actif au niveau international, l’administration inefficace fait en sorte que les réels changements sont davantage créés par la législature domestique.
Comment expliquer la difficulté de l’État à soutenir ses projets à long terme? «La recherche du profit immédiat et l’absence d’une forte régulation sont des facteurs d’explication» (Neville 2011). Par exemple, bien que les Philippines représentent un endroit de prédilection pour l’énergie hydraulique et que depuis 2012, des polices d’énergies renouvelables sont en marche, «le futur de ces concepts renouvelables dépend fortement des questions politiques ce qui instaure un climat d’instabilité» ( Bakhtyar¸ Sopian, Zaharim, Salleh, Lim 2013). De plus, le gouvernement réagit de manière très critique envers les manifestants écologistes : «en trois années de présidence d’Aquino, il y a eu 36 massacres d’environnementalistes» (M3M 2014). Ce qui, bien sûr, ajoute la notion de peur et d’illégalité concernant toute forme de liberté d’expression. Comble de tout, le décret du président en 2008, l’Investment Defense force, stipule que les investisseurs peuvent recourir à des forces armées pour se protéger des manifestations de résistance de la part de la population.
Le pays devra retrousser ses manches une fois pour toute et cibler ses priorités, puisqu’en agissant selon une perspective néo-patrimoniale
autrement dit «que l’État est sans cesse capturé par les intérêts de la classe dominante, d’où l’opportunisme et le manque de cohérence des projets à long terme» (Kohli 2004), il est difficile de faire un avenir vert et surtout, de protéger les citoyens !
Bibliographie
B. Bakhtyar¸ K. Sopian, A. Zaharim, E. Salleh, C.H Lim. 2013. « Potentials and challenges in implementing feed-in tariff policy in Indonesia and the Philippines». Energy policy (Vol 60) : 418-423
Ian Coxhead, Sisira Jayasuriya. 2004. «Development strategy and trade liberalization: implications for poverty and environment in the Philippines». Environment and Development Economics (Issue 5): 613-644
Jérémy Jammes, François Robinne, L’Asie du Sud-Est 2014 (Paris-Bangkok : Les Indes savantes-Irasec, 2014).
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