Par Maxime Marcotte-Bouthillier
Dans les années 1990, le Japon a tenté d’embellir son image internationale en développant une rhétorique le désignant comme étant « le leader de l’environnementalisme global » (Taylor, 1999). Ainsi, la justification de sa présence accrue dans la région du Sud-Est asiatique a passé par la tentative de convaincre le monde que de sauver l’environnement tout en aidant les pays émergents à se développer économiquement était son objectif international (Taylor, 1999). Néanmoins, même si le Japon a réellement entrepris des actions concrètes pour le projet, il a également fortement participé à générer d’importants dégâts environnementaux dans la région. Évidemment, il était donc devenu clair à ce moment que la promotion de « l’environnementalisme global » n’était qu’une construction rhétorique permettant au Japon de poursuivre ses intérêts politiques et économiques dans la région.
Quatre préoccupations principales sur les mesures mises en place par le Japon sont observables pour l’Asie du Sud-Est :
- L’« Official development assistance» (ODA) : Des analyses expliquent que près de la moitié de toute l’aide japonaise donnée par L’ODA orbitait autour de larges projets d’infrastructures, dont la majorité avait des effets dommageables sur l’environnement, en particulier les barrages hydroélectriques en Chine, en Inde, en Indonésie, en Birmanie et en Malaisie. Également, un projet géothermique ayant pour but de diminuer les émissions de CO2 financé par l’aide environnemental japonais aux Philippines s’éloigna drastiquement de son but initial en entrainant la pollution de l’air, de l’eau et du sol (Taylor, 1999). Ces investissements perdurent encore aujourd’hui alors qu’on peut observer que plusieurs larges projets dommageables pour l’environnement sont encore mis en place, toutefois maintenant sous la bannière du Clean Development Mechanism (CDM) (Okano-Heijmans, 2012).
- La déforestation : On peut noter qu’en début 1990, une des plus grandes déforestations mondiales a eu lieu à Sarawak en Malaisie, dont 66% du bois a été exporté au Japon. Également, plusieurs pays ont souffert de la déforestation comme les Philippines qui eux ont rencontré des problèmes d’érosion des sols, de sédimentation, de dégradation des bassins versants (watersheds), d’inondation, de la perte de biodiversité, en plus d’augmenter la pauvreté rurale. L’important n’est pas juste de dénoter la déforestation qui s’est répandue dans plusieurs pays, mais également d’observer la mise en place des projets de « reforestation » financés par le Japon. Cette reforestation était principalement faite à partir d’arbres d’eucalyptus, étant d’ailleurs très favorables à l’exportation (Taylor, 1999)
- La surpêche : La surpêche a toujours été un constant problème pour l’Asie du Sud-Est dont l’épuisement des ressources est directement relié à la grande consommation japonaise de poisson. L’aide japonaise a donc servi à moderniser les ports de pêche et les aménagements des marchés. Néanmoins, la majorité des larges opérations commerciales de pêche étaient détenues par les Japonais. Ainsi, à cause de la surpêche et de la pollution des océans, le pêcheur philippin moyen a vu son nombre de captures chuter drastiquement, mais ceci a également résulté à moins de poisson pour les Philippins à un prix plus élevé (Taylor, 1999).
- Les investissements directs étrangers (IDE): La majorité des IDE ont été dirigés par de larges conglomérats d’entreprises nipponnes (系列:keiretsu) œuvrant principalement dans l’extraction des ressources naturelles premières. L’industrie minière était la cible visée en Indonésie, alors que le développement des ressources offshore de pétrole et de gaz se concentrait à Kalimantan. Même dans les cas où certaines mines ont été retournées à des compagnies locales, l’exploitation se faisait tout de même pour les intérêts économiques du Japon. Aussi, l’explosion des prix des terres au Japon a propulsé l’expansion de la construction de terrains de golf en Asie du Sud-Est dont la maintenance de ceux-ci emmena avec elle des problèmes de nappes phréatiques, de pollution des sols à cause des produits chimiques et pesticides d’entretien, la déforestation, l’érosion des sols, la destruction des plantes et aussi d’espèces animales. (Taylor, 1999). Présentement, la course aux ressources se produit toujours par l’entremise « d’aide internationale » alors qu’il est possible de voir les dirigeants japonais tenter d’obtenir un apport stable et sécuritaire pour des produits tels le pétrole, le lithium ou même l’uranium (Okano-Heijmans, 2012).
Même si présentement la majeure partie des critiques sur les politiques mercantilistes s’orientent vers la Chine, il ne faut pas oublier la place que le Japon a occupée et occupe toujours dans les nombreux problèmes qui sont générés à travers le Sud-Est asiatique. Le rôle que le Japon s’est lui-même donné à travers « l’environnementalisme global » lui a permis de partir à la chasse au trésor sous la bannière du développement durable, lui permettant ainsi de s’approprier les ressources naturelles qui lui étaient nécessaires, en plus de faire valoir ses intérêts économiques et politiques, tout en promettant de l’aide aux pays du Sud-Est asiatique. Aussi, la plupart des dégâts environnementaux causés par le Japon autrefois et même maintenant, trouvent des solutions au travers des hautes technologies, technologies qui sont par la suite fréquemment vendues par le Japon lui-même (Taylor, 1999). Il est également impératif de mentionner qu’une bonne partie du succès du Japon dans sa propre lutte contre la pollution sur ses terres a été réussi grâce au fait qu’il a délocalisé presque toutes les industries et les exploitations polluantes locales vers les pays avoisinants (Okano-Heijmans, 2012). Ainsi, le programme d’aide international ayant pour but annoncée de réduire la pollution à travers le monde aura notamment permis au Japon de réduire sa propre pollution locale afin de la transférer aux pays voisins asiatiques.
Bibliographie
TAYLOR, Jonathan 1999 « Japan’s global environmentalism: rhetoric and reality », Political Geography, 18: 535-562.
OKANO-HEIJMANS, Maaike 2012 « Japan’s “green” economic diplomacy: environmental and energy technology and foreign relations », The Pacific Review, 25 (Juillet): 339-364