par Gabrielle Dionne-Legendre
Les États-Unis sont une puissance importante dans la région sud-est asiatique. En fait, les États de la région, même la Birmanie, sont en accord sur la présence des États-Unis qu’ils voient comme bénéfique pour la sécurité dans la région (Webber 2010). La Chine, elle, parce que son ascension est récente, constitue un enjeu auquel l’ASEAN doit faire face.
La posture de l’ASEAN par rapport à l’influence de la Chine est ambivalente. D’une part, elle constitue un énorme marché auquel les États de l’Asie du Sud-Est ont accès. Par exemple, en 2010, l’ASEAN et la Chine ont signé le CAFTA, un accord de libre-échange qui a grandement augmenter les échanges entre les 11 États. Déjà, en 2010, on rapportait que près de 93 % des produits commerciaux étaient échangés sans aucun tarif. (Hassa et all. 2014) De plus, lors de la crise de 1997, la Chine a grandement aidé les États de l’Asie du Sud-Est en ne dévaluant pas sa monnaie. (Shambaug 2004)
De surcroit, la Chine a de nombreuses fois encouragé le haut profil de l’organisation parce qu’elle fait la promotion d’une vision similaire des relations internationales à celle de la Chine, soit le respect de la souveraineté des États.
D’un autre côté, l’ascension de la Chine fait craindre les États de l’Asie du Sud-Est. (Martin-Jones 2008) Par exemple, Singapour a déclaré, en 2005, qu’elle ne désirait pas entrer dans une relation tributaire avec la Chine. (Webber 2010)
Un autre problème important en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est, en général, est la manière dont la Chine s’intègre dans les organisations régionales. (Almonte 2008) Jusqu’en 1997, la Chine était méfiante des institutions internationales qu’elle percevait comme unies contre elle. En fait, pendant très longtemps, la Chine a cru que l’ASEAN n’était qu’une marionnette des États-Unis. Or, lorsqu’elle s’est rendue compte de son erreur, la Chine a commencé à percevoir l’ASEAN comme un outil afin de regagner du prestige et d’apaiser les tensions quant à sa croissance. (Goldstein 2005; Narine 2009) Les négociations entre la Chine et l’ASEAN se sont faites rapidement. (Webber 2010) L’ASEAN plus 3 est née en 1997
De plus, la question de la mer de Chine méridionale met directement en conflit la Chine, le Vietnam, et la Malaisie, le Brunei et les Philippines sur différents territoires. En 2002, les États ont signé la « Déclaration on the conduct of the parties in South China Sea ». Selon un fonctionnaire chinois : « China [expects] its Southeast Asian Neighbors to abide by previous ARF understandings to keep its South China Sea territorial dispute with many ASEAN states off the multilateral agenda… We’ve made it clear that this is an issue to be tackled bilaterally.» (Goldstein 2005, 126). En gros, la Chine désire négocier bilatéralement avec l’ASEAN. Cela a du sens. L’ASEAN a une plus grande force de négociation que celle de ses membres pris séparément.
Jusqu’en 2013, l’ASEAN était le 3e partenaire économique de la Chine, précédé seulement des États-Unis et de l’Union européenne. En comparaison, la Malaisie est le seul qui tombe dans le top 10 des partenaires économiques de la Chine. La Chine ne veut pas abandonner ce qu’elle considère comme faisant partie de sa zone d’influence. Ainsi, en négociant de manière bilatérale avec les États, son poids est plus élevé. Par exemple, en 2012, la Chine avait mis un terme aux importations de bananes provenant des Philippines, suivant une résurgence des tensions sur le récif de Scarborough. (Graham 2013) La crise avait grandement affecté Mindanao, une région exportatrice de bananes. Certains hommes d’affaires avaient déclaré que le conflit leur avait coûté autour de 23 millions $ US au total. (Asia sentinel, 2012) Bref, il est clair que si les États décidaient d’agir multilatéralement, ils auraient plus de faire de chance de faire des gains territoriaux. Or, la question de savoir à qui reviennent ces gains se pose encore. En effet, la volonté de la Chine d’agir unilatéralement n’est pas véritablement un problème pour les États membres qui ont des vues divergentes sur la souveraineté sur ces îles. Ces tensions ont resurgi lors du sommet, en juillet 2012, où pour la première fois de son histoire l’ASEAN n’a pas réussi à émettre une déclaration commune. (Thang 2014) Sur ce sujet, les États agissent de manière unilatérale. Tel que démontré par la décision des Philippines de demander l’utilisation de l’UNCLOS, sans l’accord de l’ASEAN. (Graham 2013).
Dewi Anwar résume bien la situation lorsqu’elle dit que «le comportement de plus en plus affirmé de Beijing dans les zones maritimes contestées de la mer de Chine méridionale a miné certains résultats de l’offensive de charme chinoise. Par conséquent, il y a un besoin urgent de développer une structure régionale plus robuste dans laquelle la puissance écrasante de la Chine peut être utilisée de manière plus pacifique et productive au sein d’une communauté. » (Graham 2013)
Bref, la question de la Chine pose un enjeu économique et politique. Certains analystes ont même déclaré que l’ASEAN avait perdu son habilité à contrôler les grandes puissances dans la région. (Graham 2013) Ce qui pose véritablement un enjeu sécuritaire. Certains pensent que si jamais la rivalité entre la Chine et les États-Unis devait augmenter, deux camps pourraient très bien se former autour de ses grandes puissances sur la base des disputes en mer de Chine méridionale. À ce jour l’ASEAN a réussi à assurer la sécurité régionale, mais jusqu’à quand?
Bibliographie
Almonte, Jose. 2008. « Ensuring security the ‘ASEAN way’. Survival : Global Politics and Strategy 39 (no.4) : 80-92.
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