Ancien territoire faisant partie des Straits Settlements, colonies des détroits britanniques, Singapour obtient son indépendance de la Malaisie le 9 août 1965. Cette ville devient donc une Cité-État, un pays qui se trouve aujourd’hui être la quatrième place financière mondiale et qui accueille des évènements internationaux tels que la Formule 1. Ce succès économique contraste avec ses voisins de la région, en particuliers avec la Malaisie dont elle faisait jadis partie. Les frontières de Singapour ont-elles aidé ce «miracle» économique singapourien? Pour répondre à cette question, nous allons analyser la structure économique et politique de Singapour, ainsi que comparer les deux pays se faisant face sur le détroit de Johor : Singapour et la Malaisie.
Singapour, constitué de plusieurs îles dont la principale Pulau Ujong, fait partie des quatre dragons d’Asie, est la quatrième place financière mondiale (deuxième en Asie après Tokyo), est le deuxième port au monde sur le tonnage, et possède une croissance économique en constante croissance depuis son indépendance. Son PIB en parité de pouvoir d’achat était d’environ 320 milliards de dollars américains en 2011, au 40ème rang et une croissance d’environ 4,9% pour la même année. En 2013, le PIB par habitant y était d’au moins 55 000 dollars. En comparaisons, la Malaisie qui est l’un des tigres d’Asie, pour la même année, avait un PIB par habitant de 10 500 dollars, un écart d’au moins 45 000 dollars.
Cependant, ces chiffres peuvent être trompeurs. Dans ces deux États, l’un est un pays composé de multitudes de villes et d’arrières pays un peu moins connecté au centre, la Malaisie, tandis que l’autre n’est juste composé que d’une seule et unique ville centrale, Singapour. D’ailleurs, en 2013, le PIB de la Malaisie était de 312,4 milliards, nettement supérieur à celui de Singapour. Mais cette somme fût partagée en 28,25 millions de personnes, population de la Malaisie, alors que Singapour n’est habitée que par 5,312 millions et ne possède aucun arrière-pays qui viendrait faire diminuer son PIB.
Politiquement, les mesures prises au centre prennent du temps ou ne s’applique pas toujours bien en périphérie. Dans le cas de Singapour, cette question ne se pose pas. Alors qu’en Malaisie, les décisions prises à Kuala Lumpur ne seront pas forcément adaptées ou bien reçues dans des coins reculés de Sabah ou Sarawak, Singapour peut appliquer des lois qui correspondront bien à la réalité du terrain. Les politiques économiques aussi diffèrent. À Singapour, l’absence de terres agricoles à pousser le pays dans une économie livre de marché où l’État va jouer un rôle important dans la gestion de grands groupes industriels. La Malaisie, quant à elle, est une économie ouverte plutôt petite, où, contrairement à son voisin du sud, la corruption y est présente. Les services vont représenter presque 60% de son économie.
D’ailleurs, partant de l’hypothèse que Singapour fait partie de la Malaisie, en 2013, et que les deux entités aient gardé leur PIB et population, on se retrouverait avec une Grande Malaisie de 33,562 millions d’habitants, un PIB de 610,3 milliards de dollars et un PIB par habitant de 18 184 dollars. Tout en sachant que plusieurs de facteurs auraient modifié ces chiffres, en s’y basant, on peut dire que Singapour aurait été la grande perdante de voir ses frontières actuelles modifiées en voyant son PIB par habitant amputé de presque 40 000 dollars.
De plus, Singapour possède un régime semi-autoritaire, ou semi-démocratique, selon les points de vue. Mais sa stabilité politique (même famille politique au pouvoir depuis l’indépendance) lui permet de se concentrer sur son essor économique. La Malaisie, bien que possédant des ressources naturelles et des terres agricoles, se retrouvent ralentie par la corruption et les accrochages ethniques. En Malaisie, les Malais représentent plus de 70% de la population, tandis que le reste du pourcentage est partagé entre la population d’origine indienne et chinoise. Les Chinois, qui contrôlent une partie de l’économie malaisienne, sont souvent confrontés à la majorité malaise. Singapour compte, au contraire, plus de 70% d’habitants d’origine chinoise, et l’accent est avant tout mis sur l’économie. Le manque d’espace doit peut-être les forcer à vivre et à collaborer ensemble, tout en se cantonnant à des quartiers ethniques.
En conclusion, grâce à sa taille, son statut à la fois de ville et d’État, Singapour peut donc concentrer sa politique économique sur un territoire entièrement sous son contrôle. L’absence de bourgades ou d’arrière-pays peut être un handicap sur l’approvisionnement ou l’agriculture, mais Singapour étant avant tout un pays de service, ce handicap est transformé en avantage. Comparable à Hong Kong avec sa forte densité de population, Singapour produit des richesses que la cité-État n’a pas à redistribuer en région. De ce fait, il est clair que la situation géopolitique de Singapour lui assure un essor économique en pleine croissance et que sans cette délimitation frontalière, l’économie de Singapour n’aurait pas été si florissante. Singapour, à l’inverse de la Malaisie, possède une minorité de Malais mais une majorité de Chinois, ceux-là même qui se retrouvent toujours en situation minoritaire mais présents dans tous les pays de la région. La minorité chinoise pourrait-elle créer un pays sur un nationalisme transnational?
Sources:
National Library (Singapore), 1967 «Books about Singapore and Malaysia». Singapore
Éric Guerassimoff, c2011 «Émigration et éducation : les écoles chinoises à Singapour, 1819-1919». Paris : Les Indes savantes
Organisation mondiale du Commerce, 1996 «Examen des politiques commerciales : Singapour». Genève : l’Organisation