L’indépendance par le sang

Par Eugénie Charreton-Sanford

timorLe Timor est une petite île entre l’Archipel Indonésien et l’Australie. Divisée en deux territoires, dû à son passé colonial : le côté Ouest, ancienne colonie néerlandaise, appartenant à l’Indonésie, et le côté Est, une ancienne colonie portugaise qui se dénomme le Timor Oriental, ou Timor-Leste (en portugais). Cependant, après une première déclaration d’indépendance en 1975, qui ne dura que 10 jours, un massacre de masse à pris place et ce, jusque dans les années 2000. Il aura ainsi fallu près de 25 ans aux Timorais pour obtenir une nouvelle indépendance.

Ce qui est malheureux est que la communauté internationale ne reconnaît toujours pas ce ‘‘massacre de masse’’, comme un génocide !

«L’Indonésie du général Suharto» (Lingane, 2006 p.147), annexa le Timor Oriental, qui devint la 27ème province indonésienne (Timor Timur), prétextant de vouloir protéger les citoyens timorais. Cependant, ce fut un des «plus gros massacre de masse per capita depuis la Deuxième Guerre mondiale : tortures, exécutions sommaires, […] destructions systématiques des champs pour provoquer la famine, bombardement des forêts pour traquer les résistants» (Lingane, 2006, p.147).

De plus, pour réduire la population du Timor Oriental, les Indonésiens ont lancé une campagne de vaccination qui cachait en fait une politique de stérilisation forcées sur les femmes (Lingane, 2006, p.147). L’objectif des Indonésiens fut vu comme «une forme de destruction biologique du peuple timorais» (Lingane, 2006, p.147).

Ensuite, «il eut aussi une assimilation forcée par l’islamisation» (Lingane, 2006, p.147), car la population timoraise est à 90% catholique. Il eut une «multiplication des mosquées, l’apprentissage obligatoire de la langue indonésienne (bahasa indonesia) au détriment du portugais et de la langue locale, le tetum, et le recours à une immigration massive de colons indonésiens pour inverser le rapport démographique» (Lingane, 2006, p.147).

Ce qui est le plus effarant est que les États-Unis et l’Australie étaient au courant que l’Indonésie prévoyait une invasion, mais ne bougea point (Chomsky, 1998, p.18). Plusieurs raisons expliquent cela. En premier lieu, «M. Woolcott, ambassadeur australien à Jakarta, encouragea son gouvernement à suivre un cours pragmatique inspiré du réalisme à la Kissinger. Il expliqua […] que l’Australie avait tout avantage à ce que les réserves pétrolières du Timor Oriental tombent entre les mains de l’Indonésie ‘‘plutôt qu’entre celles du Portugal ou d’un Timor indépendant’’» (Chomsky, 1998, p.18), pour ainsi avoir un plus gros revenu [1]. En deuxième lieu, «près de 90% des armes des troupes du général Suharto provenaient des États-Unis» (Chomsky, 1998, p.18), donc il est tout à fait normal que les États-Unis ne firent rien pour ne pas perdre un acheteur.

«Le Conseil de sécurité des Nations Unies ordonna le retrait de l’Indonésie du Timor Oriental, mais en vain. Car comme l’expliqua dans ses mémoires M. Moynihan, alors ambassadeur américain au près de l’ONU, le département d’État lui avait donné pour instruction de rendre l’ONU ‘‘complètement inefficace, quelque initiative qu’elle entreprenne’’. Celui-ci précise comment les choses se sont passées : en quelques mois, 60 000 Timorais furent tués, ’’presque la proportion de victimes soviétiques pendant la deuxième Guerre mondiale’’» (Chomsky, 1998, p.18). En 1978, le bilan s’élevait à près de 200 000 morts (Chomsky, 1998, p.18), soit un tiers de sa population (Lingane, 2006, p.147).

Les actions qui s’y sont produites n’ont malheureusement pas retenues l’attention de beaucoup de médias internationaux.Il faudra attendre la chute du général Suharto, le 21 mai 1998 [2], provoquée par des manifestations démocratiques en Indonésie et du fait que les États-Unis le laissèrent tombé (Messager, 2000, p.115), car le général Suharto avait perdu toute utilité aux États-Unis (dictateur mit en place grâce à l’aide de ceux-ci), pour que l’ONU puisse intervenir et ainsi faciliter l’accès à l’indépendance du Timor Oriental (Lingane, 2006, p.148).

Le 30 août 1999 s’est tenu le vote historique. Malgré les violences et les intimidations qu’exerçaient les milices pro-indonésiennes les habitants timorais ont afflué aux bureaux de vote (Messager, 2000, p.147). Mais les violences ont reprit le lendemain. «De nombreux Timorais, soupçonnés d’avoir choisi l’indépendance, sont pourchassés dans les rues et blessés à coup de machettes» par la milice pro-indonésienne (Messager, 2000, p.148). Cependant, la violence a atteint son apogée lorsque les milices apprennent que la participation au vote fut à plus de 98% de la population (Messager, 2000, p.149). Dili, la capitale du Timor Oriental tomba alors dans l’anarchie et par tous les moyens, les habitants essayaient de fuir le pays (Messager, 2000, p.149).

Le 4 septembre 1999, le résultat du vote tomba : «plus des trois quarts de la population -78,5%- ont refusé l’intégration à l’Indonésie et ont choisi l’indépendance» (Messager, 2000, p.149). Néanmoins, la capitale est devenue une ville fantôme (Messager, 2000, p 150). Les milices pro-indonésiennes règnent en grands maîtres sur le territoire. Elles attaquent les églises et les couvents où plusieurs milliers de timorais ont trouvé refuge (Messager, 2000, p 153). «Sur le plan international, la violence à l’encontre de l’église catholique provoque l’émoi de la communauté américaine et la colère du Vatican» (Messager, 2000, p 153).

Il faudra attendre le 12 septembre, pour que les autorités indonésiennes cèdent dû aux «pressions étrangères, sous le coup de sanctions croissantes et menacées de procès pour ‘’crimes contre l’humanité’’» (Messager, 2000, p. 163). Grâce à cela, l’ONU pu enfin envoyer ses casques bleus sur le terrain. Ainsi, le déploiement de la force internationale au maintien de la paix accélère le départ des troupes indonésiennes (Messager, 2000, p 165). Tranquillement, l’ONU établira une administration transitoire pour accompagner le Timor-Oriental vers une indépendance totale (Messager, 2000, p.178). C’est le 20 mai 2002 qu’il se vu donner sa souveraineté.

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Dans cette tragédie, il y a eu près de 250 000 victimes recensées, sur cette période de 23 ans de domination indonésienne. Cependant, la triste histoire est que sachant que «l’Indonésie n’a jamais disposé d’une grande industrie militaire, si l’Occident avait cessé de vendre des armes pendant quelques temps, l’Indonésie n’aurait pas eu les ressources nécessaire pour entretenir aussi longtemps ce cauchemar» (Messager, 2000, p.193). Les gouvernements occidentaux ont donc participé a «apporter une aide meurtrière à l’un des pires régimes asiatiques de ce siècle» (Messager, 2000, p.193).

[1] Observatoire Timor-Oriental, en ligne.

[2] Perspective Monde, en ligne.

Bibliographie

[S.A.]. Indonésie : Suharto dans un état « très critique », En ligne, http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20080113.OBS4938/indonesie-suharto-dans-un-etat-tres-critique.html, (page consultée le 20 septembre 2014)

[S.A.]. Le pétrole de la Mer de Timor et les relations Timor Oriental-Australie, En ligne, http://members.pcug.org.au/~wildwood/janoilf.htm, (page consultée le 16 novembre 2014)

CHOMSKY, Noam. Trente-cinq ans de complicité – L’indonésie, atout maître du jeu américain, Le Monde Diplomatique, 1998, p.18

Gouvernment of Timor Leste. History, En ligne, http://timor-leste.gov.tl/?p=29&lang=en, (page consultée le 20 septembre 2014)

LINGANE, Zakaria. Comprendre les génocides du XXe siècle, Montréal : Fondation de la tolérance, 2006, p.147-148

MESSAGER, Alexandre. Timor-Oriental : Non assistance à un peuple en danger, L’Harmattan, Paris, 2000, p.115-193

Perspective Monde. 21 mai 1998 : Démission du président indonésien Suharto, En ligne, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=430&langue=fr%27, (page consultée le 20 septembre 2014)

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