La Diaspora Chinoise à Singapour

Par Marc-Olivier Cléroux-Cloutier

À l’extérieur de la « Grande Chine » (Chine continentale, Hong Kong, Macao et Taiwan), le seul autre pays à avoir une majorité ethnique Chinoise est Singapour. Comment une île qui est à peine plus grande que la ville de New-York, entouré de toute part par un peuple d’ethnicité malaise, peut avoir une population dominée à près de 75% par une ethnicité Chinoise?

Avant la colonisation de la Malaisie continentale par l’empire Britannique, le détroit de Malacca dans lequel se trouve l’île de Singapour était déjà une route de commerce très utilisée. Un des peuples marchandant beaucoup à l’intérieur de l’Asie du Sud-Est était des Chinois qui s’établirent à certains endroits afin de faciliter le commerce avec le continent. Quelque uns s’implantèrent sur l’île de Singapour puisqu’elle offrait une place de choix dans le détroit de Malacca, mais cette population restera très petite jusqu’à l’occupation anglaise.

Suivant l’occupation anglaise en 1819, plusieurs Chinois établis en Malaisie depuis des générations (appelés Peranakan) ainsi que d’autres ayant une éducation européenne viendront habiter l’île. Ils seront rejoints à partir de 1832 par d’autres venant directement de Chine continentale alors que Singapour devient le pivot du commerce britannique en Asie du Sud-Est. Un commentaire intéressant fait par J. D. Vaughan lors de ses visites en Malaisie anglaise est que, même en étant très intégrés à la colonie, les Chinois du détroit de Malacca gardent farouchement leurs traditions, plus même que les nouveaux arrivants du continent. Par contre, ils se considèrent d’abord et surtout comme des Britanniques plutôt que Chinois et sont très discriminatoires envers les nouveaux arrivants.1

Bien que le taux de reproduction soit assez bas chez les immigrants Chinois à Singapour au début du 19e siècle, la population Chinoise comptera pour 50% de la population locale vers la moitié du 19e siècle. Cette augmentation drastique serait surtout attribuée au phénomène des « coolie », travailleurs sous contrats importés de Chine, remplaçant la traite des esclaves qui sera abolit au début des années 1800. Ces travailleurs venant du sud de la Chine qui s’identifieront beaucoup plus à la Chine que les Peranakan. Sur ce fait, lors de la seconde guerre Sino-Japonaise, plusieurs retourneront sur le continent afin d’assister au combat alors que les plus riches fourniront de l’aide économique et militaire.

La période d’après-guerre fut grandement instable due aux tensions causés par la montée du communisme et l’impact de la guerre ainsi que l’occupation Japonaise sur l’économie de la région. Après de nombreuses négociations et une répression active des éléments communistes de la région, Singapour obtenu graduellement son indépendance, puis devenu état indépendant en 1959. Le People’s Action Party (PAP), qui aujourd’hui encore est la force politique dominante à Singapour, réussit à emporter la quasi-totalité des sièges en attirant le vote des travailleurs d’ethnie Chinoise, qui à cette époque constituaient les trois quarts de la population.

Une grande période de tensions raciales survenu ensuite à Singapour entre les Chinois et les Malaisiens suite au fusionnement de Singapour à la Malaisie. Cette dernière, tentant de réduire la disparité économique entre les Chinois et les Malaisiens, établit des politiques discriminantes contre les Chinois qui était disproportionnellement riches. Ces politiques furent évidemment mal vues à Singapour où les Chinois représentaient la majorité. Singapour se retrouva donc dans une situation d’échange économique difficile avec son voisin. Suivant de nombreuses émeutes et des tensions ethniques importantes, Singapour fut expulsée de la fédération de Malaisie et devint la République de Singapour.

La monté de Singapour comme une puissance économique suivant son indépendance définitive apporta un influx d’immigrants travaillants, surtout depuis la Chine, qui s’ouvrit au commerce extérieur vers la fin des années 70. En plus de la croissance démographique des populations singapouriennes, un nombre croissant de travailleurs Chinois se retrouve en Chine. En 2005, ceux-ci montaient au nombre de 746,000 travailleurs contractuels légaux2. Au terme de leur contrat, plusieurs de ces travailleurs décident de s’établir à Singapour puisque la situation économique est l’une des meilleures au monde, et surtout l’environnement y est plus favorable qu’en Chine continentale.

Bien que la population Chinoise à Singapour soit un mélange de plusieurs groupes ethniques Chinois (principalement Hokkien, Teochow, Cantonnaise, Hakka et Hainan), l’adoption du Mandarin comme langue à la maison semble extrêmement présent, à près de 50% de la population de Singapour3, probablement principalement dû à l’influence de la Chine continentale. L’anglais arrive en deuxième place à près de 33% d’usage, suivi des autres dialectes chinois à 19% et des autres langages à moins d’un pourcent.

On peut ainsi attribuer la domination ethnique Chinoise de Singapour à des facteurs historiques et politiques qui contribuent encore aujourd’hui à une immigration importante de Chinois vers cette cité-état qui s’est immiscé de son statut de colonie à une force économique internationale comme aucune autre.

1 : Vaughan, p.4-6
2 : Zhuang, p.187
3 : Census, p.118-137

Bibliographie
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VAUGHAN, J. D. The Manners and Customs of the Chinese of the Straits Settlements. Kuala Lumpur: Oxford UP, 1971. Print.
ZHUANG, Guotu & Wangbo WANG. « Migration and Trade: The Role of Overseas Chinese in Economic Relations Between China and Southeast Asia. » International Journal of China Studies 1.1 (2010): 174-93. Web. 5 Oct. 2014. .

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