Par Olivia Amos
Le Royaume de Thaïlande a subit de plein fouet, d’une part, en 2008, les effets de la crise financière mondiale et d’autre part, en 2011, une inondation sur son territoire (altérant ainsi la géante production rizicole voir photo 1). Les conséquences de tels évènements ont été catastrophiques pour l’économie du pays, mais de courte durée. La croissance thaïlandaise s’est redressée rapidement pour atteindre des taux de 6.4 % sur l’année 2012. L’année 2013 est tout aussi radieuse avec une croissance du PIB proche de 5 % ainsi qu’un chômage quasi-inexistant (1). Certains experts indiquent même que le pays, d’ici à 2020 deviendrait l’une des huit premières puissances économique mondiale devant la Russie et l’Italie.
Le dynamisme du royaume, à l’origine d’une croissance économique fulgurante, est-il effectivement soutenable à long terme ? Oui, et cela pour trois raisons.
Un roi du développement durable
Le roi Bhumibol Adulyadej, au pouvoir depuis 1946 et détenant le record du plus long règne, a mis un point d’honneur à rendre son paysself-effcient vers 1975. Inspiré de la spiritualité bouddhiste (modération, coopération, respect du vivant sous toutes ses formes) et de thèses localistes à l’image de celle de Fritz Schumacher dans « Small is beautiful » (2), il encourage les petits producteurs agricoles à rechercher avant tout l’autosuffisance alimentaire, la diversification de leur production et une moindre dépendance de l’achat de produits manufacturés. Le roi s’oppose ainsi à la pensée unique et au modèle intensif (3), ce qui aide à comprendre la nature de l’économie du pays, et l’importance accordée à l’agriculture vivrière. La priorité est accordée à la satisfaction des besoins de la population, elle-même à l’origine du dynamisme de l’économie.
Le modèle business friendly et la demande interne : les sources de la stabilité
Depuis 30 ans, l’économie de la Thaïlande est en plein essor, et cela en dépit la crise de 1997 générée par l’endettement du pays, sous le coup de la déréglementation des marchés des capitaux et de lalibéralisation des marchés domestiques. Ces mesures précédemment citées, sont prises au tournant de la décennie 1980/90 alors que l’on parle d’ouverture des frontières, de division internationale du travail ou encore de mondialisation économique. Le miracle économique a effectivement rapidement lieu dans le pays –et dans la région de façon plus générale (notamment la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines surnommés les « tigres asiatiques»). Néanmoins, le revers du miracle ne se fait pas attendre : en 1997, le baht se déprécie de 50%, le taux de récession s’élève à 10,5% (4). Malgré cela, la crise asiatique aura certainement été plus bénéfique que négative à long terme en permettant d’identifier certains problèmes tels la corruption et l’importance de contrôler les secteurs d’investissements. En fait le pays s’est rapidement remis sur pied car c’est uniquement le secteur financier qui a été sinistré. Le secteur productif reste intact, la Thaïlande constitue donc toujours un endroit idéal pour un investisseur étranger qui veut y établir une industrie. « La main d’œuvre y est relativement peu dispendieuse, il existe un marché domestique potentiel pour certains biens de consommation et les politiques étatiques y sont plus permissives » (5). Le terme de Business friendly est d’ailleurs fréquemment utilisé pour caractériser le climat propice aux affaires et la grande capacité d’attirer les capitaux étrangers. En outre, l’économie se repose sur une forte demande interne de biens de consommations et d’investissements privés (immobilier, voiture, loisir, électroménager) qui la rende moins vulnérable que celles de ses voisins à la demande mondiale.
Contrairement à d’autres pays d’Asie où la croissance économique ne fait que suivre l’augmentation rapide de la population, la Thaïlande bénéficie d’une démographie mûre, semblable à un pays comme la France (croissance de 0,3% par an avec une population de 67 millions d’habitants (6) ), un avantage qui lui garantit une croissance économique bénéfique à la population en l’enrichissant réellement. L’émergence d’une classe moyenne de plus en plus nombreuse avec un pouvoir d’achat en hausse constante (voir photo 2) est le résultat de ce développement économique continu et d’une démographie favorable (7).
Le développement des infrastructures avec l’ASEAN
Au cœur de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est créée en 1967), la Thaïlande prévoit d’intégrer en 2015 un marché commun comprenant dix pays et de larges opportunités économiques. Directement en contact avec le Myanmar, le Laos, le Cambodge, la Malaisie, et très proche du Vietnam, de Singapour ou de l’Indonésie, la Thaïlande sera un carrefour majeur de cette association économique et culturelle.
Afin de consolider sa compétitivité dans l’ASEAN et promouvoir un développement sur le long terme, la Thaïlande a investi dans de très gros projets d’infrastructures qui devraient aussi dopés sa croissance pour les prochaines années. En premier lieu, des investissements majeurs vont être réalisés pour la prévention des inondations. Les voies de communication comme les routes et autoroutes ainsi que des aéroports devraient être agrandis ou modernisés. De plus, le pays va se concentrer sur la modernisation des chemins de fer afin de permettre une meilleure communication avec ses partenaires et voisins (voir photo 3 : train thai à grande vitesse prévu pour 2020). Ces projets représentent des contrats de plusieurs milliards d’euros qui vont garantir à la Thaïlande des infrastructures de choix pour mener à bien un projet de développement sur le long terme.
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(1) selon l’agence nationale économique et du développement social.
(2) Fritz Shumacher « Small is beautiful »
(3) Peter Warr « Poverty Reduction through Long-Term Growth: The Experience of Thailand ».
(4) Thailand Focus. Un pôle économique régional. (2008) En ligne.
(5)Dominique Caouette, « Thailande, histoire d’une oligarchie », Relations (novembre 2005) En ligne.
(6) données de Statistiques Mondiales
(7) Bruno Jetin « Le développement économique de la Thaïlande est-il socialement soutenable ? »
Bibliographie
1. Article de journal.
Warr, Peter. « Poverty Reduction through Long-Term Growth: The Experience of Thailand ». Asian Economic Papers , 2008, vol. 8, issue 2, pages 51-76.
2. Article de manuscrit.
Jetin, Bruno. 2009. « Le développement économique de la Thaïlande est-il socialement soutenable ? » publié dans « 3ème journées du Développement du GRES. Les Suds confrontés au développement soutenable ». Université de Montesquieu-Bordeaux IV, Bordeaux : France, 26 pages. En ligne :http://hal.archivesouvertes.fr/docs/00/53/16/74/PDF/2003_LE_DEVELOPPEMENT_ECONOMIQUE_DE_LA_THAILANDE_EST-IL_SOUTENABLE.pdf