L’exception de l’Asie du Sud-Est

singapour

Singapour. Un nom qui renvoie au modèle de développement économique pratiquement miraculeux. Une cité-État qui su prospérer, suite à son indépendance en 1965, face à des conditions difficiles dans une Asie du Sud-Est tumultueuse. Or, cette île ne fut pas toujours un emblème aussi unique et caractéristique dans la région. C’est ainsi que l’explication du développement historique s’impose.

D’abord, un léger cour d’histoire. Un britannique du nom de Sir Stamford Raffles fit l’achat, au début du 19ème siècle, d’une petite île qui, presque 200 ans plus tard, sera composée de plus de 4 millions d’habitants. Singapour, située à l’extrémité sud de la péninsule de Malacca en Malaisie, est particulière : dans un contexte où les navires britanniques faisaient face à la menace des flottes hollandaises ainsi qu’aux pirates locaux tout en cherchant à développer le commerce avec la Chine, l’îlot proposait un port géographiquement fort avantageux. Rapidement, l’emporia devient le plus achalandé du détroit de Malacca, et l’un des plus importants de la région, surtout grâce à sa tradition de libre-échange économique et de liberté portuaire qui, même aujourd’hui, malgré quelques embuches, persiste.

«We decided that from then on our lives should be ours to decide, that we should not be the pawn and playthings of foreign powers… Such was their (the Japanese) blindness and brutality. They never knew what they did to a whole generation like me.»[1]. Telle fut les paroles de l’homme qui prendra le pouvoir pendant plus  de 30 ans, suite à la Seconde guerre mondiale. Le laisser-faire et la tradition jusqu’alors non-interventionniste, la confiance profonde envers les exportations en continuelles croissances et l’absence évidente de forces armées pouvant réellement défendre la ville de Singapour eut de terribles conséquences. L’invasion et l’occupation japonaise, de 1942 à 1945, fut catastrophique, autant pour l’économie que pour la population singapourienne. La future cité-État n’était alors qu’un joyau pour le Commonwealth britannique. Une véritable perle, certes, mais simplement un territoire  géostratégique de moins. Pourtant, les problèmes sont nombreux à Singapour après l’occupation : manque de logements, bras de fer syndicaux, montée poignante du communisme, chômage important, ainsi qu’une scission ethnique et linguistique de plus en plus palpable. La population singapourienne cherche alors de plus en plus à prendre en main sa destinée[2]. Le tout changera lors de l’indépendance de Singapour face aux occidentaux.

Les paroles ci-dessus ont été prononcées par le chef du Parti d’action populaire (PAP), Lee Kuan Yew, qui dominera la vie politique de l’indépendance jusqu’en 1990. Un homme réputée pour sa rare intelligence[3] voit son parti élu et dirige un gouvernement en faveur d’une fédération malaysienne. C’est la particularité de Singapour : ses dirigeants, à l’époque, ne cherchaient pas l’indépendance, au contraire. L’urbanisation et l’industrialisation versus la ruralité, une politique trop à gauche selon le gouvernement malaysien, ainsi qu’une neutralité évidente face aux quatre langues officielles que sont le malais, le chinois, le tamoul et l’anglais alors que les malaysiens cherchent à favoriser l’ethnie malaise, majoritaire démographiquement sont toutes des raisons qui éloignent Singapour d’une insertion dans la Malaisie. Le 9 août 1965, Singapour est expulsée de la fédération malaysienne et accède à son indépendance, passant du statut de cité à pays.

Lee Kuan Yew se voit déterminer à assurer la survivance de la nouvelle cité-État. En jouant sur l’urgence de la situation, son gouvernement instaure progressivement une «véritable éthique de la méritocratie»[4], qui deviendra littéralement le pilier de la société singapourienne. Il embrasse donc de part entière le capitalisme d’État ainsi que la mondialisation. Le lègue de terres suite au départ complet des britanniques au début des années 70 permettra au gouvernement de réaménager la ville, de développer le principal aéroport de Singapour et surtout, de s’approprier des terres industrielles, un secteur qui explosera dans les années suivantes et qui attirera plusieurs milliards en investissements étrangers.

La communauté internationale a donc assistée à une véritable élévation d’une cité-État qui avait toutes les raisons de finir comme les pays du tiers-monde, et qui, aujourd’hui, est largement comparable aux sociétés occidentales européennes ou américaines.


[1]propos de Lee Kuan Yew, p. 18.,  Singapour et son environnement régional

[2]De Koninck, Rodolphe. 2006. Singapour. La cité-État ambitieuse. p.40

[3]Ibid. p.60

[4] Ibid. p. 61

Bibliographie

De Koninck, Rodolphe. 2006. Singapour. La cité-État ambitieuse. Paris, Éditions Belin, collection Asie Plurielle, France.

Régnier, Philippe T. 1987. Singapour et son environnement régional. Étude d’une cité-État au sein du monde malais. Paris, Presses Universitaires de France.

Jobin, Paul. 2009. « Démocratie, modernité et christianisme à Singapour ». Dans Guillaume Arotçanera, dir., Démocratie, modernité et christianisme en Asie.

Université de Sherbrooke. 2013. Perspective Monde. En ligne. (page consultée le 2 octobre 2014) http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/SGP/fr.html

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