Printemps birman: levée des sanctions américaines

Par Kathryn Blanchette

Historiquement, les relations entre la Birmanie et la puissance américaine se sont dégradées depuis le coup militaire de 1988 ainsi que les violentes répressions des manifestations en faveur de la démocratie. En addition, il faut dire que les États-Unis et la Birmanie n’entretenaient pas vraiment de relations diplomatiques considérables, et ce, depuis près de vingt-deux années. En raison du régime de la junte militaire, les États-Unis avaient imposé de sévères sanctions économiques à la Birmanie[1].

Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi

Le parti de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi

Depuis la dissolution de la junte militaire en mars 2011 dernier, le gouvernement a entrepris une série de réformes, qui semble redorer l’image de la Birmanie en Occident[2]. Le dix-huit août dernier, U Thein Sein,  homme militaire birman et proclamé Premier ministre en 2007 par fraude électorale, a invité diverses minorités ethniques à des pourparlers de paix. Le lendemain, ce fut au tour d’Aung San Suu Kyi, chef du parti de l’opposition birmane, de recevoir l’invitation; prouvant ainsi l’amélioration de leurs relations[3]. Par ailleurs, son parti Ligue nationale pour la démocratie fut autorisé à célébrer la Journée internationale pour la démocratie. Par ailleurs, U Thein Sein a laissé sous-entendre qu’il ne serait pas opposé à ce qu’Aung San Suu Kyi lui succède au pouvoir s’il y avait volonté populaire. Seul bémol; elle serait la veuve d’un Britannique et la mère de deux enfants [fp1] ce qui, en vertu de la Constitution de 2008, l’empêcherait d’accéder à la présidence[4]. En effet, Thein Sein n’a pas le pouvoir de décider de modifier la constitution seul. En outre, il ne faut pas oublier que l’armée joue un rôle considérable, possédant près du quart des sièges au Parlement. Il faudra donc une volonté populaire et le soutien des parlementaires pour mettre en place cette réforme constitutionnelle[5].

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Or, en début septembre, le gouvernement annonce la création d’une Commission nationale pour les droits de l’Homme, cruciale si l’on cite par exemple le cas des Rohingyas dans l’État d’Arakar. Peu de temps après, la censure au niveau de l’accès à internet fut atténuée. U Thein Sein a aussi veillé à la libération de plusieurs prisonniers politiques. Également, le 13 octobre a été adoptée une loi autorisant les syndicats et le droit de grève. De plus, la presse n’a plus à soumettre ses brouillons dorénavant; il y a donc là une libéralisation de la presse et des

médias.

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Néanmoins, le 26 [fp2] septembre dernier, tout juste avant la visite de Barack Obama, la secrétaire d’État Hilary Clinton a annoncé la levée progressive de l’interdiction des produits importés de Birmanie, imposée en 2003[6]. Il s’agit du dernier chapitre dans la normalisation de leurs relations commerciales[7]. Également, cette décision a pour but de «soutenir les efforts de réformes en cours du gouvernement birman et de promouvoir davantage de changements, ainsi que d’offrir de nouvelles occasions aux entreprises birmanes et américaines[8] ». De plus, depuis juillet, Derek Mitchell fut officiellement nommé ambassadeur des États-Unis en Birmanie. Les États-Unis ont également retiré l’actuel président birman Thein Sein de leur liste noire.

Pour ainsi dire, la puissance américaine souhaite « récompenser »  les grandes réformes politiques engagées par le gouvernement[9]. Pour la Birmanie, vendre ses produits sur le marché américain est un véritable vent d’espoir économique puisque les cinquante années de dictature militaire ont grandement affecté son économie. Certes, le processus sera très long, nécessitant l’évaluation de chaque produit, excluant toutefois les pierres précieuses. Il s’agira donc d’un assouplissement ciblé[10]. En d’autres mots, le peuple birman n’en bénéficiera pas tout de suite. Daw Aung San Suu Kyi se dit très confiante, convaincue que cette levée de l’interdiction aura des conséquences positives à long terme. À noter que la Birmanie est toujours un des pays ayant le plus faible revenu par habitant tout comme le niveau de santé[11]. De plus, elle souligne l’effort prudent de la puissance américaine d’autoriser ce dégel dans l’un des pays les plus isolés et répressif au monde[12].

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Désirant une nation birmane prospère, démocratique et respectueuse des droits de l’Homme et de ses différents peuples, les États-Unis demeurent néanmoins sceptiques quant à la corruption au sein des institutions birmanes, du nombre considérable de prisonniers politiques toujours incarcérés ainsi qu’aux relations militaires et liens illicites de la junte avec la Corée du Nord[13]. Bref, Joey Crowley, démocrate élu à la Chambre des représentants et défenseur de longue date des sanctions, rappelle que les États-Unis sont toujours en attente d’actions concrètes et de réformes constitutionnelles, désire la libération de tous les prisonniers politiques tout comme la fin des persécutions et de la violence envers les minorités ethniques[14]. Néanmoins, reste à savoir si cet assouplissement des sanctions économiques américaines aura un effet néfaste sur l’économie birmane, conduisant à un afflux massif de capitaux étrangers et à la réduction de l’inflation à son minimum[15].


[1] Bureau of east Asian and pacific affairs. 2012. U.S. Relations with Burma. Washington: U.S Department of state.

[2] AFP, « Birmanie : les États-Unis lèvent l’embargo sur les importations », (2012) En ligne. http://www.lepoint.fr/monde/birmanie-les-etats-unis-levent-l-embargo-sur-les-importations-17-11-2012-1530152_24.php (page consultée le 9 décembre 2012).

[3] Steven Lee Myers, « Clinton says U.S. will relax some restrictions on Myanmar », (2011) En ligne. http://www.nytimes.com/2011/12/02/world/asia/us-will-relax-curbs-on-aid-to-myanmar.html?_r=0 (page consulté le 8 décembre 2012).

[4] AFP, « Birmanie : le président accepterait qu’Aung San Suu Kyi lui succède », (2012) En ligne. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120930.AFP0581/birmanie-le-president-accepterait-qu-aung-san-suu-kyi-lui-succede.html (page consultée le 9 décembre 2012).

[5] AFP, « Birmanie : le président accepterait qu’Aung San Suu Kyi lui succède », (2012) En ligne. http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/birmanie-le-president-thein-sein-accepterait-qu-aung-san-suu-kyi-lui-succede-30-09-2012-2191047.php (page consultée le 18 décembre 2012).

[6] Martin, Michael F. 2012 « US Sanctions on Burma » Congressional Research Service, Report for Congress: 5.

[7] Brendan Smialowski, «États-Unis : l’interdiction d’importations de produits birmans levée », (2012) En ligne. http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/etats-unis-l-interdiction-d-importations-de-produits-birmans-levee-27-09-2012-2183450.php (page consultée le 8 décembre 2012).

[8] AFP, « Washington va lever son interdiction d’importations de produits birmans », (2012) En ligne. http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/09/27/washington-va-lever-l-interdiction-americaine-d-importations-de-produits-birmans_1766247_3216.html (page consultée le 8 décembre 2012).

[9] Ibid.

[10] Patrick Barta, « U.S. Forges Deeper Myanmar Ties », (2012) En ligne. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304072004577323451080077384.html (page consultée le 6 décembre 2012).

[11] Ibid.

[12] Steven Lee Myers, « Clinton says U.S. will relax some restrictions on Myanmar », (2011) En ligne. http://www.nytimes.com/2011/12/02/world/asia/us-will-relax-curbs-on-aid-to-myanmar.html?_r=0 (page consulté le 8 décembre 2012).

[13] AFP, « Birmanie : les États-Unis lèvent l’embargo sur les importations », (2012) En ligne. http://www.lepoint.fr/monde/birmanie-les-etats-unis-levent-l-embargo-sur-les-importations-17-11-2012-1530152_24.php (page consultée le 9 décembre 2012).

[14] Ibid.

[15] Patrick Barta, « U.S. Forges Deeper Myanmar Ties », (2012) En ligne. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304072004577323451080077384.html (page consultée le 6 décembre 2012).


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