Par Charles-Antoine Michel
La Birmanie au cours de son histoire est passée par plusieurs types de nationalismes différents. On entend par nationalisme, la manifestation de la conscience nationale. En Birmanie, ils ont également connu des origines diverses et variées. Amorcés par la population, les moines bouddhistes, les étudiants ou encore les militaires, on verra que les idées divergent selon les contextes politiques ou sociaux.
Les Britanniques arrivent sur le territoire birman au début du XIXième siècle pour tenter de faire face à l’expansion de la Birmanie, dont l’influence dans la région est alors à son apogée. S’alliant au Siam (actuelle Thaïlande), une guerre anglo-birmane éclate, voyant les Anglais triompher en 1826. Les colons s’emparent peu à peu de l’ensemble du territoire, si bien qu’en 1886, le pays devient une province de l’Inde britannique (ensemble des provinces faisant partie de la Compagnie anglaise des Indes orientales) [1]. Dès le début de l’expansion des Anglais, un nationalisme anticolonial se met en place, et se caractérise par une résistance armée. Celle-ci est rapidement contenue et s’estompe à la toute fin du XIXième siècle, succédé par « une prise de conscience de l’originalité de la société birmane » [2]. En effet, le nouveau nationalisme birman est basé sur la culture du pays, et les valeurs qui lui sont propres. Ainsi, le bouddhisme devient le principal facteur de la naissance du nationalisme culturel en Birmanie. À l’image de l’association américaine YMCA est créée l’YMBA (Young Men’ Buddhist Association), composée de jeunes bouddhistes birmans dont l’objectif et de préserver, tout en en faisant la promotion, les valeurs culturelles de la Birmanie. Son journal, Le Soleil, est créé en 1911 et permet la diffusion d’idées nationalistes. Mais après la Grande Guerre, le Royaume-Uni est affaibli, et les traumatismes de ce conflit meurtrier s’en ressentent sur leur autorité en Birmanie, si bien que le nationalisme culturel et pacifique orchestré par les bouddhistes devient beaucoup plus hostile. Plus précisément, on assiste à la naissance d’un nationalisme politique. La population demande à ce que le pouvoir exécutif de leur pays soit exercé par des Birmans. Les étudiants de Rangoon prennent également part à ces idées nouvelles, refusant désormais qu’une politique universitaire soit prise sans consultation de l’opinion publique. De nouveaux partis politiques nationalistes sont créés tels que le Nationalist Party ou encore le People’s Party dont le slogan est « la Birmanie aux Birmans » (Richer 1981, 42). Une attitude d’hostilité envers les non-Birmans et particulièrement les Indiens prend place au sein de la population locale.
L’expansion du communisme dans la région n’épargne pas la Birmanie. En 1939 est créé le Parti communiste birman par l’intelligentsia du pays. Avec peu de moyens, le parti met en place une guérilla, guerre d’embuscades selon sa définition première, afin de faire face à l’occupation japonaise. Le désir d’indépendance gagne peu à peu les mentalités birmanes et s’articule autour d’un nouveau type de nationalisme : le nationalisme indépendantiste. C’est-à-dire que le souhait premier de ce nouveau mouvement est le désir de l’accession à l’indépendance. Au vu du manque de moyens, la guérilla s’emploie à des actions de sabotages visant à mettre à mal les institutions anglaises et japonaises qui se partagent le pays [3]. L’indépendance est proclamée le 4 janvier 1948.
Enfin, avec l’arrivée de la junte militaire au pouvoir à la fin des années 80 suite à un coup d’État, on peut identifier un dernier type de nationalisme, qui se rapprocherait plutôt à bien des égards de la xénophobie. Rappelons que la Birmanie était colonisée directement d’Inde et non pas du Royaume-Uni, très présent dans la région grâce à sa Compagnie anglaise des Indes orientales. Ainsi, l’importation massive d’une main-d’œuvre indienne a modifié le paysage social de la région. De plus, le pays a l’image d’une véritable « mosaïque de groupes ethniques » venant de toute l’Asie. Ces minorités ethniques représentent près de 40% de la population tandis que la majorité birmane ne s’élève qu’à 60%. Depuis les débuts de la junte militaire au pouvoir, on assiste à de nombreux conflits d’origine ethnique ainsi que des actes xénophobes des militaires à l’égard des minorités, notamment chinoises [4].
Par ailleurs on se rend compte qu’avec le régime en place, la moindre forme de protestation est réprimée, ce qui laisse peu de place à la possibilité d’un nationalisme fort dans la région. La nouvelle volonté de la population est l’instauration d’un nouveau régime démocratique, mettant fin à l’autoritarisme exercé par la junte militaire (photo 1) au pouvoir.
On peut se rendre compte qu’en Birmanie, le nationalisme est associé à l’évolution de la politique dans le pays et que c’est quand le régime est le plus répressif que le nationalisme est le moins fort.
Bibliographie
[1] Histoire de la Birmanie. 2006. En ligne. http://www.amnestyinternational.be/doc/article8219.html (page consultée le 11 décembre 2007).
[2] Richer, Philippe. 1981. L’Asie du Sud-Est. Paris: Imprimerie Nationale, 40.
[3] Dassé, Martial. 1993. Les Guérillas en Asie du Sud-Est: Les Stratégies de la Guerre asiatique. Paris: L’Harmattan, 23-28.
[4] Sabrié, Marion. 2007. Birmanie : vers une démocratisation ou un renforcement de l’appareil dictatorial? En ligne. http://echogeo.revues.org/index2021.html (page consultée le 11 décembre 2009).