Par Catherine Desjardins
Comme l’Indonésie, la Malaisie est un État à majorité musulmane. Par contre, contrairement à la République indonésienne, la Malaisie adopte ouvertement des politiques islamiques[i] et laisse la religion musulmane teinter plusieurs de ses décisions et actions politiques. Il est pertinent de préciser que la Malaisie n’est cependant pas un État islamique, comme l’est, par exemple, l’Iran. Ainsi, la conscience de cette influence islamique sur la politique malaisienne est une chose, mais l’ampleur de celle-ci en est une autre. Nous tenterons d’expliquer dans ce billet quelle est la place concrète de l’Islam dans l’État malaisien et comment il est possible de définir celui-ci.
D’abord, la constitution malaise de 1957 statue explicitement que l’Islam est la religion de la fédération[ii]. Mais quelle était l’intention des pères de la constitution à l’époque où ils ont établi l’Islam comme religion d’État? Pour le chercheur Joseph M. Fernando, l’attachement de l’État à la religion musulmane est seulement symbolique et à la base, l’État malais se veut laïc[iii].
D’autre part, la religion musulmane a une place importante dans la fédération. Par exemple, la loi islamique est employée sous certaines conditions et diverses institutions islamiques comme les conseils religieux islamiques, la fatwa et le Baitul Mal sont permises sous la juridiction des états[iv].
Dans ces conditions, comment peut-on définir l’État malais? Peut-on le e caractériser en tant que démocratie musulmane[v] à défaut d’être un État islamique ? D’abord, la dénomination de l’État n’inclut pas le mot islamique. En effet, la Malaisie ne se nomme pas « République islamique de Malaisie » mais bien seulement « Malaysia ». De surcroît, l’État malais n’applique pas totalement et seulement la Shari’a. Dès lors, la loi islamique doit être appliquée aux musulmans dans le cadre des questions qui ont trait à l’Islam[vi], mais l’application de cette loi est encadrée par chacun des états et sa juridiction est limitée. Ainsi, l’État place clairement les tribunaux islamiques de la Shari’a au deuxième plan sous la juridiction des cours fédérales.
Alors si l’État malais n’est pas islamique comment peut-on le définir? En fait, l’État malais est bicaméral c’est-à-dire que le parlement est constitué d’une chambre haute (Dewan Negara) non élue et d’une chambre des représentants (Dewan Rakyat) élue. En outre, chacun des 13 états de la fédération fonctionnent de la même façon[vii]. L’efficacité relative de ce système fut démontrée depuis 1957, mais surtout depuis le départ de Mahatir (premier ministre de 1981 à 2003), c’est-à-dire aux élections de 2004 et 2008. En fait, les élections de 2008 sont les plus frappantes puisque pour la première fois depuis 1957, le BN (parti duquel est issu Mohamed Mahatir) n’a pas gagné les 2/3 de la Chambre des représentants. En avril 2009, Abdullah Badawi remit sa démission et laissa sa place à Najib Abdul Razak qui promit des réformes drastiques dans le but d’augmenter la transparence et la responsabilité de l’État[viii].
Pour conclure, il serait juste de dire que l’État malais est à la limite d’être une république islamique. En effet, l’utilisation de la Shari’a et la présence de plusieurs institutions islamiques peuvent porter à confusion, mais dans le cas qui nous occupe, c’est le statut propre de l’État qui est le plus important. Celui-ci reposant sur des bases laïques et démocratiques, assez précaires certes, mais démocratiques tout de même, il n’est pas possible de le qualifier d’État islamique au sens propre du terme. Certes la résurgence de mouvements islamistes dans les dernières années et des décisions favorisant une interprétation conservatrice de l’Islam, comme celle prise dans le cas de Lina Joy, vont rendre la route vers la démocratie assez ardue. Cependant, si les politiciens qui promettent la réforme, comme Razak, tiennent leurs paroles, rien n’est impossible.
Bibliographie
Haniff Hassan, Muhammad. 2007. “Explaining Islam’s Special Position and the Politic of Islam in Malaysia”. The Muslim World 97 (Avril): 287-316.
Freedom House. Map of freedom. (2009)En ligne. http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=363&year=2009
(Page consultée le 18 novembre 2009)
M. Fernando, Joseph. 2006. «The position of Islam in the Constitution of Malaysia». Journal of Southeast Asian Studies 37 (no 2): 249-266.
Nasr, Vali. 2005. “The rise of “Muslim Democracy””. Journal of Democracy 16 (no2): 13-27.
Moten, Abdul Rashid et Tunku Mohar Mokhtar. 2006. “THE 2004 GENERAL ELECTIONS IN MALAYSIA: A Mandate to Rule”. Asian Survey 46 (no 2): 319-340.
[i] Il est important de noter que la définition du terme islamique qui sera utilisée aux cours de ce billet est celle-ci : d’abord une république islamique est un État qui se définit à travers un discours politique provenant du Coran. Ensuite, le mot islamique peut être utilisé comme adjectif pour définir tous les aspects de la religion se transposant à la culture, l’économie et la politique. Il est aussi acquis qu’un État islamique en est un qui rejette la vision occidentale de la démocratie. Finalement, il est important de distinguer islamique, d’islamisme. L’islamisme est quant à lui l’application politique de l’Islam.
[ii] Joseph M. Fernando, “The position of Islam in the Constitution of Malaysia”, Journal of Southeast Asian Studies 37 (2006), 249-266.
[iii] Id.
[iv] Muhammad Haniff Hassan, “Explaining Islam’s Special Position and the Politic of Islam in Malaysia”, The Muslim World 97 (2007), 287-316.
[v] Vali Nasr, “The rise of “Muslim Democracy””, Journal of Democracy 16 (2005), 13-27.
[vi] Map of freedom, (2009) En ligne. http://www.freedomhouse.org/template.cfmpage=22&year=2009&country=7654 (Page consultée le 26 novembre 2009)
[vii] Abdul Rashid Moten and Tunku Mohar Mokhtar, “THE 2004 GENERAL ELECTIONS IN MALAYSIA: A Mandate to Rule”, Asian Survey 46 (2006), 319-340.
[viii] Freedom House, “Map of freedom 2009”, Malaisie.